Étudiants noirs en santé: des actions pour améliorer leur représentation

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La Faculté de médecine de l’UdeM organisera un forum sur la représentation des étudiantes et étudiants issus des communautés noires en sciences de la santé.

Alors que le Mois de l’histoire des Noirs s’ouvre aujourd’hui, force est de constater que les personnes noires sont encore largement sous-représentées dans les facultés de santé au Canada et dans les autres pays occidentaux. À l’Université de Montréal par exemple, elles représentent seulement trois pour cent des étudiantes et étudiants admis en médecine alors qu’elles forment un peu plus de huit pour cent de la population des 15 à 24 ans dans la région métropolitaine de Montréal.

«En raison du contexte historique, beaucoup de jeunes des communautés noires pensent que la médecine n’est pas pour eux. Ils s’imaginent que les conditions pour y accéder sont tellement difficiles qu’ils n’y arriveront jamais. Il y a aussi peu de professionnels et d’étudiants noirs dans les sciences de la santé, en particulier en médecine, alors ils se découragent», déclare Édouard Kouassi, professeur agrégé à la Faculté de médecine de l’UdeM, qui a quitté le Bénin afin de venir étudier en pharmacie à l’UdeM en 1975. À l’époque, il y avait une ou deux personnes noires par promotion.

L’Association médicale des personnes de race noire du Québec, présidée par M. Kouassi, le Sommet socioéconomique pour le développement des jeunes des communautés noires et le Bureau facultaire de la responsabilité sociale de la Faculté de médecine de l’Université organisent le 14 avril le Forum sur la représentation des étudiantes et des étudiants issus des communautés noires en sciences de la santé. La Faculté des sciences infirmières, l’École d’optométrie, la Faculté de médecine dentaire, la Faculté de pharmacie et l’École de santé publique sont aussi partenaires du Forum.

«Les chiffres ne disent pas tout et nous voulons mieux comprendre cette sous-représentation en donnant la parole aux gens des communautés noires pour qu’ensemble nous puissions définir des objectifs et trouver des solutions en vue de créer un plan d’action pour la rentrée 2021», explique Jean-Michel Leduc, professeur agrégé de clinique et président du comité Équité et diversité du Vice-décanat aux études médicales de premier cycle de la Faculté de médecine de l’UdeM.

«C’est important d’écouter les communautés noires, de travailler avec elles pour mettre en place des solutions», affirme M. Kouassi.

Le Bureau facultaire de la responsabilité sociale de la Faculté de médecine a déjà de l’expérience en la matière, puisqu’il a commencé à collaborer l’an dernier avec des représentants et représentantes de communautés autochtones, aussi largement sous-représentées, pour désigner des enjeux et proposer des solutions.

Un enjeu occidental

Édouard Kouassi

Puisque la sous-représentation des personnes noires dans les programmes en santé ne se limite évidemment pas à l’Université de Montréal, on a invité l’Université McGill à devenir partenaire du Forum.

«Les deux grandes universités dans le domaine de la médecine et des sciences de la santé de la région de Montréal, une francophone, l’autre anglophone, travailleront donc ensemble et pourront avoir une plus grande portée pour changer les choses», se réjouit Édouard Kouassi.

«Nous voulons briser les silos pour mieux avancer, dit Jean-Michel Leduc. Par exemple, la communauté noire est bien présente à la Faculté des sciences infirmières de l’UdeM. On pourra bénéficier de son expérience.»

L’enjeu de la sous-représentation des personnes noires en médecine et dans les programmes des sciences de la santé touche en fait l’ensemble du monde occidental. Au Canada, l’Université de Toronto a fait preuve de leadership. Tout un travail de sensibilisation est réalisé dans les communautés pour encourager les jeunes à déposer leur candidature en médecine. Également, son Black Student Application Program, un processus parallèle et optionnel d’admission en médecine, a permis de plus que quintupler le nombre d’étudiantes et d’étudiants noirs admis.

«Les personnes noires représentent environ 10 % des étudiantes et étudiants maintenant, ce qui correspond environ à la proportion de gens issus des communautés noires à Toronto, précise le DLeduc. Ce programme comporte les mêmes exigences sur le plan de l’excellence, mais on demande aussi aux candidats de produire un texte sur les raisons qui les ont poussés à déposer leur candidature à travers ce processus et ensuite une entrevue est réalisée en présence de représentants et représentantes des communautés noires.»

Les premiers efforts portent leurs fruits

L’UdeM a aussi entrepris il y a plusieurs années des actions pour augmenter la diversité dans ses programmes en sciences de la santé. Ainsi, le comité Équité et diversité de la Faculté de médecine a créé il y a trois ans des places réservées en médecine à des étudiantes et des étudiants issus de milieux socioéconomiques défavorisés.

«Cette initiative permet l’admission de gens qui, par exemple, doivent travailler, donc qui ne peuvent pas se concentrer à temps plein sur leurs études collégiales, mais qui ont tout de même d’excellents résultats scolaires et de belles qualités personnelles», indique Jean-Michel Leduc.

De plus, en 2018, un partenariat a été établi entre le Projet SEUR (Projet de sensibilisation aux études, à l’université et à la recherche) de l’UdeM et l’Association médicale des personnes de race noire du Québec pour mettre sur pied un programme de mentorat.

«Ces efforts sont récents, il est par conséquent un peu tôt pour mesurer leur portée, mais la situation semble évoluer dans le bon sens», se réjouit le Dr Leduc, qui a commencé à s’intéresser à la représentation des personnes admises au programme en médecine lorsqu’il effectuait sa résidence.

Alors qu’on a atteint trois pour cent d’étudiantes et d’étudiants noirs admis en médecine à l’UdeM en 2020, on était à un peu moins de deux pour cent en 2019. «C’est une progression timide, mais c’est un très bon début, mentionne Édouard Kouassi. Il faut lever les barrières. Entre autres, je pense qu’il faudra inclure les parents dans l’équation parce qu’ils jouent un rôle important dans le choix de carrière de leurs enfants.»

Au-delà de l’enjeu de la responsabilité sociale de l’UdeM, une meilleure représentation dans ses programmes en médecine et en santé vise à améliorer la qualité des soins. «Les gens issus de communautés noires ou de milieux défavorisés ont plus tendance à vouloir y retourner pour pratiquer, donc on pense que ces efforts permettront d’améliorer l’accessibilité aux soins», souligne le Dr Leduc.

«Des études montrent aussi que les gens se sentent mieux soignés lorsque le soignant a des choses en commun avec eux, fait observer M. Kouassi. S’il y a très peu de professionnels de la santé issus des communautés noires, c’est la santé de la population noire qui en souffre.»