Une batterie fabriquée avec de l’eau et du bois est désignée découverte scientifique de l’année 2020 par les lecteurs de «Québec Science»

Cette batterie se révèle tout indiquée pour stocker l’énergie d’éoliennes ou de panneaux solaires.

Cette batterie se révèle tout indiquée pour stocker l’énergie d’éoliennes ou de panneaux solaires.

Crédit : Getty

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L'équipe de l'UdeM a réussi à faire cohabiter deux composantes à priori incompatibles dans une batterie aux ions de lithium: un liant issu des résidus forestiers et un électrolyte à base d'eau.

Depuis maintenant 28 ans, le magazine Québec Science poursuit la tradition: chaque automne, un jury de chercheurs et de journalistes sélectionne les 10 découvertes québécoises les plus impressionnantes de la dernière année et le public est ensuite invité à voter pour celle de son choix. Cette année, c’est la recette novatrice trouvée par des chimistes et des physiciens pour fabriquer à moindre coût une batterie aux ions de lithium plus sécuritaire et plus verte qui a obtenu la faveur des lecteurs.

Les espoirs de la transition énergétique reposent en grande partie sur les batteries aux ions de lithium. Leur capacité à stocker l’énergie pourrait propulser la production d’électricité par des sources renouvelables irrégulières comme le vent et le soleil. Mais il y a une ombre au tableau: leur conception nécessite des produits néfastes pour la santé, la sécurité et l’environnement.

Des scientifiques de l’Université de Montréal ont uni leurs efforts pour faire cohabiter deux composantes qui à priori n’étaient pas compatibles dans une batterie aux ions de lithium: la carboxyméthylcellulose (CMC), un liant issu des résidus forestiers, et un électrolyte à base d’eau. En effet, la CMC est soluble dans l’eau.

Steeve Rousselot et ses collègues du Laboratoire de chimie et électrochimie des solides de l’UdeM ont fait appel à leurs collègues de la Chaire de recherche du Canada en physique des plasmas hautement réactifs qui expérimentaient l’effet du plasma sur du bois et de la cellulose. On obtient un plasma après avoir soumis un gaz, comme de l’hélium, à une tension électrique. La matière devient instable et change d’état, comme c’est le cas dans une aurore boréale ou un éclair. «Avec cette énergie importante, on peut former certaines liaisons entre atomes et molécules qui seraient très difficiles à reproduire en chimie classique et ainsi créer de nouveaux matériaux», souligne Jacopo Profili, physicien et auteur principal de l’article.

L’équipe est parvenue à concevoir un revêtement de plasma qui repousse l’eau tout en laissant passer les ions de lithium pour charger et décharger la batterie.

Bonne nouvelle: l’équipement pour obtenir le plasma s’intègre facilement à une chaîne de production industrielle. Cette batterie se révèle tout indiquée pour stocker l’énergie d’éoliennes ou de panneaux solaires. Son avantage est de taille: elle ne risque pas de prendre feu ou d’exploser ni d’entraîner le déversement de produits chimiques dans la nature, en plus de promettre un recyclage plus simple en fin de vie.

L'étudiante Erica Tomassi montre le prototype de la batterie écologique mise au point par son équipe de recherche.

Crédit : Alejandra Guitron

«C’est un plaisir et un honneur que nos activités aient été désignées découverte scientifique de l’année 2020 par Québec Science. Ce prix vient récompenser un beau travail interdisciplinaire entre nos deux équipes. Ce choix confirme également la sensibilité du public au sujet des démarches d’écoconception et de valorisation des ressources locales pour la fabrication de tous les produits de notre quotidien. Notre procédé pour mettre au point une batterie à base d’eau et de bois n’en est qu’aux premières étapes, mais nous et l’ensemble de la communauté scientifique poursuivons notre travail pour offrir des solutions durables quant aux considérations énergétiques de demain», affirment Mickaël Dollé et Luc Stafford, professeurs à l’Université de Montréal et codirecteurs de cette recherche.

«Préoccupés par les changements climatiques, nos lecteurs ont vu dans cette technologie ingénieuse une réponse concrète à l’incontournable transition vers des énergies vertes et renouvelables et à la nécessité de s’engager dans une économie circulaire», mentionne la rédactrice en chef de Québec Science, Marie Lambert-Chan.

Ont aussi participé à la découverte: Erica Tomassi et Elsa Briqueleur, de l’Université de Montréal, ainsi que David Aymé-Perrot, de l’entreprise Total.

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