Quelle influence ont les vers parasites sur la consommation d’oxygène des crapets-soleils?

Un spécimen infesté

Un spécimen infesté

Crédit : Vincent Mélançon

En 5 secondes

Installé pour l’été à la Station de biologie des Laurentides de l’UdeM, Vincent Mélançon étudie la variation de la consommation d’oxygène chez les crapets-soleils parasités par des vers plats.

Cet été, Vincent Mélançon s’adonne à la pêche sur trois lacs environnant la Station de biologie des Laurentides de l’Université de Montréal. Et les prises servent à le nourrir… intellectuellement! 

La Station est d’ailleurs le lieu de résidence et d’expérimentation du doctorant en sciences biologiques qui, à la fin de la saison estivale, y aura séjourné du 20 mai au 20 août. 

Dans sa recherche, il s’intéresse exclusivement aux crapets-soleils qui, selon le lac où ils vivent, peuvent être infestés par deux types de parasites: les cestodes et les trématodes. 

Ces parasites sont des vers plats qui, comme bien d’autres parasites, sont de plus en plus nombreux et de plus en plus virulents en raison des changements climatiques. 

«Mon objectif est de déterminer les raisons pour lesquelles ces parasites diminuent la consommation d’oxygène des poissons, c’est-à-dire leur production d’énergie», mentionne celui qui effectue ses travaux sous la codirection des professeures Sandra Ann Binning et Sophie Breton, du Département de sciences biologiques de l’UdeM.

Trois lacs, trois écosystèmes différents

Vincent Mélançon

Vincent Mélançon

Crédit : Liana Fortin Hamel

Le crapet-soleil est une espèce indigène présente dans plusieurs lacs du Québec, dont les trois où Vincent Mélançon l’appâte. 

Et les spécimens qu’il a pêchés lui ont permis de constater que les crapets-soleils du lac Triton ne sont pas parasités, tandis que ceux du lac Croche présentent un taux moyen d’infestation. Par contre, ceux du lac Cromwell sont très infectés. 

À quoi une telle différence tient-elle, selon le doctorant?  

«Il faut généralement plusieurs hôtes pour qu’il y ait infestation de parasites dans un écosystème et la Station de biologie des Laurentides en contient trois types: les copépodes et les escargots forment une première catégorie d’hôtes, les deux autres étant le crapet-soleil ainsi que les animaux piscivores comme l’achigan à petite bouche et le grand héron», indique Vincent Mélançon. 

L’absence d’un de ces trois types d’hôtes au lac Triton expliquerait pourquoi les crapets-soleils qui y vivent ne sont pas parasités.

La «maladie du point noir»: un kyste qui en englobe un autre

Capture d’un crapet-soleil

Capture d’un crapet-soleil

Crédit : Liana Fortin Hamel

Le cestode, qu’on appelle aussi ver solitaire de l’achigan, est un ver plat qui infeste le système digestif des poissons, tandis que le trématode est responsable de la «maladie du point noir».  

«Le trématode pénètre quant à lui dans les muscles du poisson et il forme un kyste pour se protéger, illustre Vincent Mélançon. Pour se protéger à son tour, le système immunitaire du poisson forme un kyste qui, par mélanisation, crée un point noir.» 

Ainsi, il est facile de relever qu’un crapet-soleil est infesté par un ou plusieurs trématodes dès lors que des points noirs sont visibles. «C’est un atout important, car ces marques permettent de quantifier l’infestation sans recourir à l’euthanasie des individus», précise-t-il.

Savoir se débrouiller avec le matériel disponible

Les installations en laboratoire à la Station biologique des Laurentides

Les installations en laboratoire à la Station de biologie des Laurentides

Crédit : Vincent Mélançon

Dans ses travaux, Vincent Mélançon doit maintenir ses prises vivantes afin d’observer de quelle façon la présence de parasites interfère dans leur consommation d’oxygène. 

Ces manipulations s’effectuent en deux temps: d’abord, il capture des poissons parasités et d’autres qui ne le sont pas et il note la physiologie de chacun et mesure leur consommation d’oxygène.  

Il les place ensuite dans une cage qu’il plonge dans un lac infesté. Plus tard dans l’été, il reprendra les mêmes mesures. 

Pour mener à bien ces opérations, Vincent Mélançon a le soutien de trois stagiaires, soit Alexandre Aspirot et Enora Lahaye, du baccalauréat en sciences biologiques, et Liana Fortin Hamel, étudiante de maîtrise. 

Ensemble, ils ont ébauché un écosystème à l’aide de matériel diversifié. 

«Nous avons eu recours à des glacières qui nous servent d’aquariums parce qu’il est plus facile d’y contrôler la température de l’eau et de les transporter, signale-t-il. Nous avons ensuite échafaudé une installation de tuyaux, de chauffe-eaux, de refroidisseurs et de pompes, en plus de créer de petites chambres de respirométrie en acrylique pour faire circuler l’eau où des câbles de fibre optique permettent de capter les concentrations d’oxygène et de transférer les données à l’ordinateur.» 

Du ruban adhésif à toute épreuve et de la silicone pour calfeutrer le tout ont également été nécessaires, de sorte que le doctorant s’estime aussi «diplômé en plomberie», dit-il à la blague. Et pour la pêche, il leur a fallu du matériel qui résiste à l’eau et des moustiquaires pour minimiser les piqûres des nombreux maringouins…

Différences entre les populations de poissons: des hypothèses à vérifier

On se protège des nombreux moustiques…

On se protège des nombreux moustiques…

Crédit : Vincent Mélançon

À première vue, il semble que la physiologie des populations de crapets-soleils diffère selon le degré d’infestation du lac d’où ils proviennent.  

D’ailleurs, le doctorant a récemment terminé l’analyse des données du premier chapitre de sa thèse et, déjà, il a constaté que, à «l’échelle de la mitochondrie – organe de la cellule permettant la production d’énergie –, les populations ont des métabolismes différents et parfois une réponse à l’infestation différente: cela indiquerait que les populations réagissent plus ou moins fortement à la présence de parasites ou sont moins sensibles aux dommages qu’ils causent».  

Et selon Vincent Mélançon, diverses hypothèses restent à vérifier pour expliquer ce phénomène. 

«Il y a un spectre de compromis possibles en ce qui concerne la physiologie du poisson, soutient-il. Par exemple, un poisson peu infesté pourrait être défendu par son système immunitaire, tandis qu’un spécimen très infesté pourrait avoir comme moyen de défense de se reproduire davantage.»  

Il y aurait une autre possibilité aussi: celle d’une lutte entre le parasite et l’hôte quant à l’évolution des comportements de ce dernier…  

«Il arrive que des parasites changent les comportements des animaux, conclut Vincent Mélançon. On sait qu’un poisson infesté migre parfois vers des courants d’eau plus chauds, vraisemblablement pour neutraliser le parasite, mais le poisson devient alors plus à risque de prédation. Mais est-ce le parasite qui dicte ce comportement ou celui-ci est-il le fait du poisson? On ne le sait toujours pas.»