Comment la stratégie numérique de Taiwan a contribué à vaincre la COVID-19

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Taiwan est l’État où l’on compte le plus faible nombre de cas de COVID-19 dans le monde. C’est notamment grâce à une avance considérable sur le plan numérique.

Audrey Tang, ministre du Numérique de Taiwan, sera présente au colloque Jean-Yves Rivard, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), organisé cette année sur le thème «Innover de manière responsable face à la COVID-19». Elle participera à une conférence présidée par Pascale Lehoux, professeure à l’ESPUM. À cette occasion, nous avons posé trois questions à Mme Lehoux.

Avec seulement 10 personnes décédées sur son territoire depuis le début de la pandémie, Taiwan fait figure d’exemple sur la scène mondiale. Comment le numérique a-t-il contribué à une mortalité aussi faible?

Effectivement, depuis le début de la pandémie, il y a eu à Taiwan seulement un millier de cas de COVID-19 et 10 morts. Aujourd’hui, la vie a repris son cours presque normal et cela fait plusieurs mois qu’il n’y a pas eu d’éclosion locale. Taiwan a utilisé les outils numériques entre autres pour contrer l’infodémie et gérer la pénurie d’équipements de protection individuelle.

Les Taiwanais ont tiré des leçons de l’épidémie de SRAS qui les a touchés en 2003-2004 et ils ont réagi très rapidement. Insulaires, ils ont tout de suite surveillé leurs frontières et ont mis aussi en place des logiques de coopérations interministérielles.

Le numérique a servi d’outil d’assistance. «Le savon et les masques sont les éléments les plus utiles», nous a dit la ministre Tang. C’est le numérique qui a permis aux gens d’y accéder plus facilement. Au début de la pandémie, il y avait seulement 2 millions de masques pour plus de 23 millions d’habitants. En attendant que de nouveaux masques soient fabriqués, le gouvernement a décidé de rendre publiques les données sur le nombre de masques dans les pharmacies. Chaque personne a ainsi pu regarder en temps réel sur son cellulaire combien il restait de masques dans les pharmacies les plus proches. Le gouvernement taiwanais a fait le choix d’ouvrir ses données et de miser sur la transparence pour rassurer ses citoyens.

En temps de pandémie, la réactivité, la réflexivité et l’inclusivité sont cruciales. Sur ces trois plans, Taiwan a fait figure de modèle.

Pouvez-vous donner un exemple de réactivité, de réflexivité et d’inclusivité lié aux technologies à Taiwan?

Au début de la pandémie, lorsqu’il y avait une pénurie de masques, un garçon a écrit au gouvernement que sa famille n’avait obtenu aucun masque bleu et qu’il ne voulait pas porter à l’école les masques roses qu’il avait reçus de peur qu’on se moque de lui. Loin d’ignorer son message, le gouvernement l’a pris en compte. Le lendemain, au journal télévisé, tous les ministres d’un point de presse portaient un masque rose et le premier ministre a ajouté que son personnage préféré était la Panthère rose. Le garçon a pu revenir fièrement à son école en portant son masque rose!

La stratégie de communication numérique du gouvernement a été remarquable parce qu’elle a été déployée rapidement et qu’elle n’a laissé personne de côté.

Comment le gouvernement taiwanais a-t-il contré l’infodémie et évité que de fausses rumeurs se répandent?

Il semble y avoir eu peu de théories du complot concernant la COVID-19 à Taiwan. Mais dès qu’une fausse rumeur a commencé à se répandre, le gouvernement a choisi de répondre vite et avec humour.

Ainsi, à un moment donné, une rumeur disait que l’État confisquait tout le matériel des producteurs de papier hygiénique pour fabriquer des masques et qu’il était essentiel d’en acheter avant une rupture de stock. Le gouvernement a décidé d’utiliser l’humour pour inoculer un «vaccin de l’esprit». Il ne lui a fallu que quelques heures pour diffuser un gif animé du premier ministre remuant ses fesses, accompagné d’un tableau expliquant les matériaux employés pour les masques et pour le papier de toilette. Très vite, ce gif est devenu viral. Les gens se sont calmés, la fausse rumeur n’a plus eu de terreau pour croître. Le numérique a ainsi permis de traiter avec rapidité ce problème émergent.

Vous pourrez écouter cette conférence avec Audrey Tang le vendredi 9 avril à l’occasion du colloque Jean-Yves Rivard, ainsi que deux autres conférences sur l’expérience du Royaume-Uni et de la France. Un panel présentera la façon dont les données recueillies en temps réel ont guidé les pratiques médicales au Québec. Un autre montrera comment les gestionnaires et les professionnels se sont organisés rapidement pour innover et faire preuve de bienveillance.

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