Pandémie: l’homme est un loup… pour l’animal

L’équipe de la Dre Cécile Aenishaenslin réalise une étude exploratoire sur la transmission humains-chats, qui a mis en évidence le premier cas de chat déclaré positif au Québec. À l’Université de Guelph, en Ontario, une recherche similaire inclut les chiens.

L’équipe de la Dre Cécile Aenishaenslin réalise une étude exploratoire sur la transmission humains-chats, qui a mis en évidence le premier cas de chat déclaré positif au Québec. À l’Université de Guelph, en Ontario, une recherche similaire inclut les chiens.

Crédit : Getty

En 5 secondes

La chauve-souris nous a transmis le virus responsable de la COVID-19; nous y exposons maintenant les animaux que nous côtoyons, selon deux expertes de la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM.

Marion Allano

La chauve-souris a d’abord été montrée du doigt. Puis le pangolin. Sans qu’on puisse prouver hors de tout doute comment la première ou le second aurait transmis le SRAS-CoV-2, le virus responsable de la COVID-19, à notre espèce. Un hôte intermédiaire aurait-il agi à la manière d’un réservoir pour permettre à cet agent infectieux de s’adapter à l’humain? Le mystère plane.

Ce que les chercheurs peuvent toutefois affirmer avec certitude, c’est que ce satané virus se propage avant tout d’une personne à une autre. Mais qu’il a aussi un potentiel zoonotique. «À ce stade-ci de la pandémie, ce sont les humains qui exposent majoritairement les animaux au virus plutôt que l’inverse. Nos actions vont amplifier ou réduire sa transmission», indique Marion Allano, clinicienne enseignante et spécialiste en médecine interne équine à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

Agente en biosécurité vétérinaire, elle travaille à la prévention et au contrôle des infections. Lorsque la pandémie a éclaté, elle a été appelée en renfort pour élaborer des protocoles et mettre en place des mesures sanitaires pour protéger le personnel de la Faculté de médecine vétérinaire et du Centre hospitalier universitaire vétérinaire, de même que les animaux domestiques et d’élevage.

Jusqu’ici, rapporte-t-elle, les études ont établi que la sensibilité au SRAS-CoV-2, c’est-à-dire la facilité à être infecté, à présenter des signes cliniques de la maladie et à la transmettre, est très variable d’une espèce à l’autre. «Ça dépend des caractéristiques propres du virus et de celles de l’espèce hôte. À l’heure actuelle, l’humain, les visons et les furets sont parmi les espèces les plus sensibles au virus.»

Chat, chiens et compagnie

Cécile Aenishaenslin

Au pays, l’équipe de la Dre Cécile Aenishaenslin, professeure à la Faculté de médecine vétérinaire, réalise une étude exploratoire sur la transmission humains-chats, qui a mis en évidence le premier cas de chat déclaré positif au Québec. À l’Université de Guelph, en Ontario, une recherche similaire inclut les chiens. D’autres du genre sont en cours aux États-Unis. «Même si quelques cas positifs de chiens et de chats dans des foyers de personnes contaminées ont été signalés en Amérique du Nord, nous ne savons toujours pas dans quelle mesure ces animaux constituent à leur tour un vecteur de propagation du virus. On suspecte toutefois que le risque de transmission du chat et du chien à l’homme est faible», souligne Marion Allano.

Pour ce qui est des animaux d’élevage comme les porcs et les bovins, les résultats obtenus à ce jour montrent que leur sensibilité à l’infection est extrêmement basse, tandis que celle des volailles d’élevage (poulets, canards, dindes) est pratiquement nulle, poursuit-elle.

Visons et furets, attention: fragiles

Il en va tout autrement pour les visons et les furets, qui trônent au sommet de la liste des espèces sensibles: non seulement ils contractent le virus, mais ils peuvent tomber malades et s’infecter entre eux. «Le cas très médiatisé des visons infectés aux Pays-Bas a provoqué de l’inquiétude, observe Marion Allano. Comme ils sont très réceptifs au virus, les visons d’élevage peuvent devenir un réservoir du SRAS-CoV-2 et constituer un risque accru de transmission à l’humain, mais aussi à d’autres animaux, lesquels pourraient à leur tour devenir des réservoirs. Car plus le nombre d’individus contaminés et malades est grand, plus le virus a de possibilités de se répliquer et plus le risque d’apparition de nouvelles variantes génétiques du virus augmente.»

Plusieurs cas suspects de transmission du vison à l'humain ont d’ailleurs été enregistrés depuis le début de la pandémie, entre autres aux Pays-Bas. «C’est difficile à démontrer, car le plus souvent, on côtoie ces animaux. Et comme l’humain est le plus grand réservoir à ce jour, il est probable que l’animal ait été infecté à la suite d’une exposition à un humain infecté!»

Voilà pourquoi, insiste-t-elle, quand on est malade, il est important d’appliquer les mesures sanitaires avec nos animaux pour éviter la propagation du virus, soit s’isoler d’eux autant que possible et ne pas les mettre en contact avec une autre bulle. «Plus nous, humains, sommes exposés au virus, plus nos animaux le sont.»

Faune sauvage: une bombe à retardement

En ce qui a trait aux animaux non domestiques, aucune étude encore n’a fait état d’une hausse de mortalité inexpliquée chez des mammifères sauvages. Mais il n’est pas impossible qu’un variant plus contagieux provoque une dissémination du virus dans les populations de mustélidés sauvages, de même que dans celles des chevreuils, soulève Marion Desmarchelier, professeure à la Faculté de médecine vétérinaire et spécialiste en médecine zoologique et du comportement animal. «Notre interaction avec la faune est problématique. Même dans les zoos, on a observé des cas symptomatiques, notamment chez les grands primates et les félins, malgré la distance et les masques.»

L’homme est un loup pour l’homme

Marion Desmarchelier

Alors, qui représente un danger pour qui? «À la base, c’est l’humain pour la planète!» répondent sans hésiter Marion Allano et Marion Desmarchelier. Pour les deux expertes, il est clair que l’urbanisation, la croissance démographique, l’intensification de l’agriculture, bref toutes ces activités humaines qui détruisent les habitats naturels de millions d’espèces animales favorisent les occasions de contact et la transmission d’agents infectieux entre elles et nous. D’où l’importance de connaître les virus qui circulent pour prévenir leur propagation à l’humain.

«Pour les chercheurs qui se consacrent à l’épidémiologie et aux maladies zoonotiques, la pandémie était écrite dans le ciel», déclare Marion Allano. Sa collègue Marion Desmarchelier renchérit: «La crise nous porte à réfléchir aux liens qu’on entretient avec la faune et l’environnement. Si l’on ne change pas tout de suite nos habitudes de vie, on court à la catastrophe.» Surtout quand on sait que 60 % des maladies infectieuses chez l’humain sont d’origine animale, que la bête soit domestique ou sauvage. «On a beaucoup à apprendre de la médecine vétérinaire. Les vétérinaires gèrent des risques d'épidémie animale au quotidien. On gagnerait à tirer davantage profit de notre niveau d’expertise et de réactivité», concluent-elles.

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