La musique, formidable médicament pour aller bien

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À une rencontre virtuelle organisée par le BRAMS le 8 avril, des chercheurs ont illustré comment la musique agit sur le cerveau. Elle est un euphorisant, un tranquillisant et un analgésique!

Isabelle Peretz

En pleine crise sanitaire, quelle influence a la musique? Si l’on écoute ce qu’en dit la science, elle joue peut-être un rôle essentiel. La musique libère des molécules de plaisir, atténue la douleur et réduit le stress et l’anxiété.

C’est ce qu’a illustré la conférence organisée le 8 avril dernier par Isabelle Peretz, professeure au Département de psychologie de l’Université de Montréal et cofondatrice du Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS).

Comment aborder, en temps de crise, les liens entre musique et bien-être? «La science peut-elle faire parler la grande expérience naturelle que nous sommes en train de vivre?» a d’ailleurs demandé l’animatrice de la rencontre virtuelle, la journaliste Sophie-Andrée Blondin.

Des liens forts et complexes entre musique et plaisir

Robert Zatorre, professeur à l’Université McGill et codirecteur du BRAMS, a entamé la discussion en soulignant la capacité de la musique d’agir comme euphorisant. Pourquoi et comment une série de sons, sans signification particulière, peut-elle procurer des frissons d’extase?

Le professeur Zatorre ramène la question aux bases biologiques du plaisir. «La musique est associée à une partie du cerveau qu’on nomme système de récompense. Ce système, très ancien dans l’évolution biologique, est actif dans la production de dopamine, un neurotransmetteur. Ce même système est par exemple lié aux plaisirs érotiques ou à l’euphorie ressentie lorsqu'on mange alors qu'on est affamé», dit-il.

Mais pour transformer la musique en plaisir, le cerveau a aussi besoin du système plus évolué de la cognition. «Pour que des sons deviennent de la musique, il faut garder les notes dans notre mémoire de travail et établir des liens. Aucune autre espèce n’utilise cette combinaison très développée entre la zone de réflexe et la zone frontale du cerveau. Je pense que la musique est un plaisir purement humain», poursuit le professeur.

D’ailleurs, Robert Zatorre a participé au cours de la dernière année à une étude internationale qui a évalué quelles activités étaient les plus bénéfiques pour le bien-être. Partout dans le monde des participants ont choisi des activités pour les aider à se sentir mieux pendant la pandémie.

«Sur 43 activités nommées, incluant l’exercice physique, la lecture ou la méditation, c’est la musique qui a le plus aidé à la diminution du stress, de l’anxiété et de la dépression. Même en connaissant les effets de la musique sur le cerveau, j’ai été surpris que la musique arrive en tête», signale-t-il. Un résultat qui montre la force de la musique.

Un puissant remède antistress

Pour Sonia Lupien, professeure au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal, l’effet puissant de la musique est lié à l’adaptation et à la survie de l’espèce. Si plusieurs théories tentent toujours d’expliquer ce lien, on sait que la musique agit sur deux hormones: l’ocytocine et le cortisol. Elle favorise la production d’ocytocine, hormone de l’attachement social, et diminue celle du cortisol, hormone associée au stress.

«Des recherches ont démontré que chanter dans une chorale réduisait les hormones du stress d’environ 20 %. Chanter seul les abaissait de 15 %. On peut donc imaginer que le lien social est responsable des 5 % additionnels», mentionne-t-elle.

Pour chanter, rappelle Sonia Lupien, on recourt à la respiration diaphragmatique, une respiration profonde analogue à celle qui s’utilise en yoga. Quand on chante, on active donc sans trop y penser le système parasympathique, qui aide à arrêter la réaction de stress dans le corps.

Écouter de la musique permet aussi de raccourcir la période de récupération après un stress. «On a observé des groupes soumis à un stress. Dans le groupe qui écoutait de la musique, la récupération était plus rapide par rapport à celui qui n’avait pas entendu de musique. Il ne faut pas se priver de musique, de plus c’est gratuit!» indique la professeure.

Meilleure que du Tylenol

«La musique a un effet analgésique. Est-ce que cet effet se compare à celui des médicaments? C’est plus efficace que des analgésiques sans ordonnance comme l’aspirine ou le Tylenol», répond Mathieu Roy, professeur à l’Université McGill.

Les chercheurs ont mesuré l’effet analgésique de la musique en étudiant, en laboratoire, les niveaux de réponse à la douleur. «Par exemple, on a soumis des participants à une douleur qui s’apparente à tenir un gobelet de café chaud.» Les scientifiques ont ainsi évalué les réflexes de retrait en réponse à la douleur et le niveau de stress (en mesurant le taux de cortisol) pour voir si la musique diminuait ou non la perception de la douleur.

Résultat? À tout coup, l’écoute d’une musique appréciée par le participant réduisait sa perception de la douleur et sa réponse de stress.

«On voit que, lorsque les gens écoutent leur musique préférée, les effets sont plus forts qu’à l’écoute d’une musique non familière, note Mathieu Roy. D’ailleurs, dans une de nos études, on a demandé aux participants de nous indiquer s’ils ressentaient des frissons musicaux au cours de l’écoute. Et l’on a vu que l’effet analgésique était proportionnel à l’intensité de ces frissons.»

Comme quoi, en temps de pandémie comme à d’autres moments difficiles, notre liste de lecture ou nos disques favoris peuvent agir comme un baume à ne pas négliger.