Combattante de l’insécurité alimentaire
- Revue Les diplômés
Le 30 avril 2021
- Martin LaSalle
Un stage au Burkina Faso a convaincu Catherine Vachon qu’il lui fallait combattre l’insécurité alimentaire. Et c’est à la Mission Old Brewery qu’elle accomplit son œuvre.
Il arrive qu’on finisse par aimer ce qu’auparavant on abhorrait. Pour certains, ce sont les brocolis. Pour Catherine Vachon, c’est la gestion de services alimentaires: elle n’aimait pas particulièrement les cours qui abordaient cet aspect pendant son baccalauréat en nutrition à l’Université de Montréal. Or, depuis près de trois ans, elle est chef de la cafétéria de la Mission Old Brewery, à Montréal. Elle y gère une équipe d’une vingtaine d’employés ainsi qu’un groupe de bénévoles et voit à la préparation de quelque 1000 repas par jour. Et elle adore son travail!
Une passion à suivre
La nutrition intéresse Catherine Vachon depuis très longtemps. «Mes parents faisaient des recettes classiques peu variées, et j’ai mis la main à la pâte très tôt dans ma vie parce que je voulais améliorer l’offre alimentaire de la maison», rigole-t-elle.
Son grand-père paternel joue aussi un rôle déterminant dans son intérêt pour la nourriture. «Le weekend, il cuisinait des mijotés; j’aimais l’observer et manger ce qu’il faisait. Dès que j’ai eu l’âge de manier un couteau, je l’ai aidé à préparer les repas.» C’est sans doute ce qui l’inspire lorsqu’en quatrième année du primaire elle doit faire une présentation orale en classe. «J’avais fait une critique des aliments transformés, je disais à quel point ce n’est pas bon ni au goût ni pour la santé; ça détonnait comparativement à ceux qui parlaient de leur chat», ironise-t-elle.
Malgré cet intérêt marqué pour la nutrition, ce n’est toutefois pas la discipline qu’elle choisit d’emblée lorsqu’elle arrive à l’Université de Montréal, en 2007: de retour d’une année d’études à Perth, en Australie, après sa cinquième secondaire, elle s’inscrit au programme d’année préparatoire. Puis en janvier 2009, elle amorce un baccalauréat en traduction. «J’étais attirée par les langues et je me disais que je pourrais travailler de partout dans le monde!» Tout en menant ses études de traduction, elle décroche une attestation en langue et culture hispaniques. Et une fois terminé son baccalauréat, en 2012, elle part six mois en Argentine.
Sa carrière est pourtant toute tracée, mais elle l’ignore encore…
Des routes qui mènent à la nutrition
«Je me cherchais à l’époque, confie Catherine Vachon. En revenant de Buenos Aires, une amie – à qui je cassais les oreilles depuis longtemps avec l’alimentation! – m’a persuadée de tenter ma chance en nutrition.» Après un deuxième programme d’année préparatoire – cette fois en sciences –, elle est enfin admise au Département de nutrition de la Faculté de médecine de l’UdeM, en 2014.
«Tout m’intéressait, même les cours les plus costauds, comme la biochimie. Tout, sauf les cours de gestion de services alimentaires», dit celle qui, à 26 ans, avait alors peur d’être perçue comme une «vieille» par ses collègues de classe – ce qui ne fut pas le cas!
En plus d’être vice-présidente de son association étudiante, Catherine Vachon porte un intérêt aux domaines de recherche des professeurs Malek Batal, qui dirige le groupe de recherche TRANSNUT – où elle assiste à plusieurs conférences –, et Jean-Claude Moubarac, un expert du guide alimentaire brésilien qui allait inspirer Santé Canada dans la mise à jour de son propre guide. À la fin de son baccalauréat, elle effectue un stage de 45 semaines, dont 11 au Burkina Faso, où elle travaille en santé publique grâce au programme Québec sans frontières, du ministère des Relations internationales et de la Francophonie. Sa sensibilité aux enjeux de santé publique associés à l’insécurité alimentaire se confirme.
Onze ans après avoir été admise pour la première fois à l’UdeM, Catherine Vachon termine un deuxième baccalauréat. Pendant toutes ces années d’études, elle agit aussi à titre de coordonnatrice d’unité au service des urgences de l’Hôpital général juif de Montréal. Elle décide alors de prendre une courte pause de deux mois pour visiter l’Italie, le Sri Lanka et le Portugal, où elle célèbre ses 30 ans!
Funambule de la cuisine
De retour à Montréal, elle met son curriculum vitæ à jour et, comble de chance, elle voit passer une offre d’emploi sur la page Facebook privée des finissants et finissantes de sa cohorte. «La Mission Old Brewery cherchait une conseillère en nutrition dans le cadre du programme Emplois d’été Canada, au salaire minimum, raconte-t-elle. Le mandat consistait à formuler des recommandations pour améliorer la qualité nutritionnelle des mets tout en diminuant les coûts.» Elle y parvient aisément «parce qu’il y avait plein de choses faciles à changer». Les dirigeants apprécient grandement ses interventions et, à la fin de l’été, ils lui offrent de devenir coordonnatrice de la cuisine pour accompagner le chef… qui allait quitter ses fonctions quelques mois plus tard. C’est ainsi qu’elle est devenue chef à son tour. Véritable funambule de la cuisine, Catherine Vachon était à l’œuvre du dimanche au mercredi, à raison de 10 heures par jour… avant que survienne la pandémie. Maintenant, elle ne compte plus ses heures.
«Travaillant pour un service essentiel, nous avons réagi rapidement aux changements et, heureusement, j’ai une équipe en or qui est habituée à s’adapter à un quotidien qui est tout sauf routinier, relate-t-elle. Entre autres, nous avons concocté des plats à emporter pour ceux qui ne fréquentaient pas les dortoirs de la Mission.»
Non seulement Catherine Vachon n’a pas pris de vacances depuis mars 2020, mais son rôle de gestionnaire s’est accru : elle a dû embaucher du personnel supplémentaire pour combler les besoins inhérents à l’ouverture d’une «halte chaleur» en décembre dernier qui offre un gîte et de la nourriture aux sans-abris 24 heures sur 24. Tout l’hiver durant, elle a géré du personnel de six heures le matin à minuit. La chef parvient tout de même à maintenir le moral de ses troupes, même si certaines journées sont plus difficiles que d’autres.
«Nous gardons à l’esprit que servir des repas à des personnes vulnérables, c’est aussi combattre l’injustice par l’alimentation, et c’est très gratifiant!» conclut Catherine Vachon.