Le récit du Québec vu par Micheline Cambron

  • Forum
  • Le 7 mai 2021

  • Mathieu-Robert Sauvé

En 5 secondes

Micheline Cambron présente sa thèse sur le récit québécois à l’occasion de la seconde réédition de son «classique» paru en 1989.

Beau Dommage, Yvon Deschamps, Réjean Ducharme, Michel Tremblay et Gaston Miron ont, chacun à leur façon, contribué à faire le «récit» du Québec entre 1967 et 1976. C’est du moins l’idée qui amène dans les années 80 la jeune Micheline Cambron, alors étudiante en études françaises à l’Université de Montréal, à rédiger une thèse sur ce thème sous la direction de Gilles Marcotte. Elle plonge pendant des mois dans des textes de théâtre, de poésie, de chansons, de monologues humoristiques et des articles de journaux afin de rassembler un échantillon d’objets littéraires qui formeront son corpus doctoral. Sa thèse sera publiée aux Éditions de l’Hexagone en 1989 et aura pour titre Une société, un récit: discours culturel au Québec, 1967-1976. Une seconde édition est parue en 2017 chez Nota bene.

Les Presses de l’Université de Montréal ont proposé à l’auteure – aujourd’hui professeure au Département des littératures de langue française de l'UdeM – de réimprimer son ouvrage dans la collection Essais classiques du Québec. Nous lui avons posé quelques questions à cette occasion.

Pourquoi une réimpression de ce livre dont l’édition originale date de 32 ans?

Mon livre est encore à l’étude dans les cégeps et les universités; il y a donc une demande. Je suis évidemment très honorée de voir mon travail de début de carrière connaître une aussi longue vie. Je l’ai relu et j’ai décidé de ne pas en changer le moindre mot. Cette relecture m’a permis de constater que nous écrivions à ce moment-là dans un style beaucoup plus libre qu’aujourd’hui. Il n’y avait pas de notes de bas de page à tous les paragraphes par exemple…

Pourquoi avoir réuni des textes aussi disparates que «Les belles-sœurs», «L’homme rapaillé» et «Dimanche au soir à Châteauguay»?

Parce qu’il y a dans la poésie de Gaston Miron, le théâtre de Michel Tremblay et les chansons de Beau Dommage – auxquels j’ai ajouté L’hiver de force, de Réjean Ducharme, des monologues d’Yvon Deschamps et des articles de la journaliste de La Presse Lysiane Gagnon – des ferments d’une adhésion spontanée de la part des Québécois de l’époque. Quand je parle d’adhésion spontanée, je veux dire que les gens se sont très rapidement reconnus dans ces textes. Il était plutôt mal vu d’approcher la culture populaire dans un travail universitaire, mais je crois que c’était la chose à faire.

Mais cet ouvrage n’est pas seulement une analyse de textes; c’est d’abord une réflexion sur le concept de récit. Il y avait alors un grand débat sur la question. Durant une bonne partie du 20siècle, une large part du discours tenu sur la littérature a porté sur le problème du récit. Mon ouvrage était une contribution à cet élan théorique.

S’il fallait regrouper un ensemble de textes représentatifs de notre époque, lesquels choisiriez-vous?

Ha! bonne question. Je crois que ce serait difficile d’en trouver qui sachent susciter cette adhésion spontanée dans la collectivité, car les publics sont aujourd’hui beaucoup plus morcelés qu’à l’époque que j’ai étudiée, située entre l’Expo 67 et les Jeux olympiques de Montréal. Peut-être faudrait-il se tourner en chanson vers les slams de David Goudreault ou les interprétations de classiques québécois, un peu comme les duos produits par Les Impatients.

À qui se destine votre livre?

À la communauté étudiante et aux collègues des études littéraires, bien entendu, mais également aux linguistes – il y a dans l'ouvrage de multiples références à la langue –, aux sociologues et aux historiens.

En savoir plus

Micheline Cambron, Une société, un récit: discours culturel au Québec (1967-1976), coll. Essais classiques du Québec, Les Presses de l’Université de Montréal, 2021, 232 p., 23,95 $.

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