L’analyse du risque est politique

  • Forum
  • Le 9 juin 2021

  • Mathieu-Robert Sauvé

En 5 secondes

Frédéric Mérand présente «L’analyse du risque politique», un ouvrage qui vient de paraître aux Presses de l’Université de Montréal et qu’il a dirigé avec Adib Bencherif.

Vous voulez investir dans un pays étranger; est-ce qu’une guerre civile fera tout basculer? Ou une attaque terroriste? La réponse publique à une pandémie va-t-elle paralyser l’économie locale? Il vaut mieux évaluer ces phénomènes avant de se lancer. C’est ce qui s’appelle l’analyse du risque politique. Entreprises privées et organisations humanitaires sont depuis longtemps versées dans ce type d’évaluation. Les États eux-mêmes qui traitent avec des gouvernements étrangers n’y échappent pas. Depuis quelques années, les universitaires formés en science politique sont appelés à se spécialiser en analyse du risque afin d’éclairer les organisations. «De plus en plus de diplômés en science politique trouvent un emploi dans ce secteur», affirme Frédéric Mérand, qui codirige avec Adib Bencherif, professeur adjoint à l’Université de Sherbrooke, un ouvrage sur ce thème qui paraît aux Presses de l’Université de Montréal: L’analyse du risque politique. Le professeur de science politique et directeur scientifique du Centre d’études et de recherches internationales de l’UdeM (CÉRIUM) répond à nos questions.

Pourquoi ce livre?

Parce qu’il y avait un besoin évident d’une synthèse à jour, en français, sur le sujet. C’est le premier. Il faut dire que l’analyse du risque politique a longtemps été l’apanage des milieux d’affaires. À l’origine, les entreprises comme les banques ou les sociétés d’assurance voulaient connaître le plus précisément possible les risques qu’elles couraient en faisant un prêt à un gouvernement ou en assurant un projet privé d’investissement. Aujourd’hui, on voit comment l’expertise qu’elles ont acquise peut toucher les différentes composantes de l’activité humaine, du fonctionnaire au touriste. Avec le temps, l’analyse du risque politique est devenue une pratique, notamment dans les firmes de conseil, et un champ de recherche très dynamique. Au CÉRIUM, nous tenons des écoles d’été sur ce thème depuis 2014. Chaque année, nous attirons de nombreux participants de tous les coins du Québec, mais aussi de Paris et New York. L’idée du livre a émergé au cours de ces rencontres, et plus particulièrement au cours d’échanges avec Adib Bencherif, le codirecteur de l’ouvrage, qui est aussi l’un des conférenciers de ces écoles d’été.

Y a-t-il des pays ou des systèmes qui sont plus «risqués» que d’autres?

Oui, sans aucun doute. On peut définir le risque politique comme la probabilité que des décisions, des évènements ou des conditions politiques causent des dommages économiques, financiers, matériels et d’infrastructures aux entreprises et aux gouvernements. Il convient d’ajouter à cette énumération les dangers et les menaces pouvant compromettre l’intégrité physique et mentale des personnes. Si vous voulez investir dans un projet international, il vous sera plus facile d’évaluer les risques en Suède ou en Suisse, où les régimes sont très stables, qu’en République centrafricaine, où l’histoire récente est pleine de rebondissements. Mais il ne faut pas pour autant se laisser influencer par des préjugés et avoir peur du risque. Le risque politique est multidimensionnel, protéiforme. L’époque où l’on n’avait qu’à mettre de son côté un dictateur avec quelques cadeaux pour obtenir de bons contrats est révolue.

À qui destinez-vous ce livre?

Aux étudiants d’abord, qui sont avides de contenus de qualité en cette matière. D’ailleurs, nous comptons joindre non seulement les futurs politologues, mais aussi les étudiants des écoles de commerce de la francophonie. En second lieu, nous souhaitons piquer la curiosité des chercheurs et praticiens dans le domaine. Enfin, les lecteurs du grand public, intéressés par les questions internationales, y trouveront leur compte, puisque l'ouvrage présente de grandes questions de science politique, comme l’étude des révolutions ou de la corruption, de manière très concrète.

En fait, notre lectorat cible est à l’image de l’équipe d’auteurs, venus de tous les horizons. Nous avons rassemblé des chercheurs universitaires et des praticiens. Je profite de l’occasion pour les remercier, en particulier le coordonnateur du CÉRIUM, Jean-Frédéric Légaré-Tremblay, qui a eu l’idée de l’école d’été en 2014.

En savoir plus

Adib Bencherif et Frédéric Mérand (dir.), L’analyse du risque politique, Les Presses de l’Université de Montréal, 2021, 240 p., 34,95 $ (version électronique: 24,99 $).

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