Les mathématiques aident à la prise de décision dans la lutte contre les maladies infectieuses
- Forum
Le 22 juillet 2021
- Martin LaSalle
Des chercheurs de l’UdeM membres du Centre de recherches mathématiques participent à deux projets nationaux visant à modéliser les maladies infectieuses émergentes afin de les contrer.
Comment est-on parvenu à établir qu’il faut vacciner au moins 75 % de la population afin de stopper la progression de la COVID-19? Et par quel moyen détermine-t-on l’intervalle de temps à respecter entre deux doses de vaccin pour obtenir une immunisation optimale?
«Les décisions que prennent les autorités gouvernementales et les agences de santé publique en temps de pandémie reposent en grande partie sur de nombreuses données statistiques et des modèles mathématiques qui permettent de suivre l’évolution des infections», explique le professeur Jacques Bélair, du Département de mathématiques et de statistique de l’Université de Montréal.
Membre du Centre de recherches mathématiques de l’Université, M. Bélair et plusieurs de ses collègues de l’UdeM font d’ailleurs partie de deux des cinq réseaux multidisciplinaires de recherche en modélisation des maladies infectieuses mis sur pied récemment par le gouvernement fédéral.
Financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada et établis en collaboration avec l'Agence de la santé publique du Canada, ces réseaux ont été créés dans le cadre de l’Initiative de modélisation des maladies infectieuses émergentes pour améliorer les structures de réponse actuelles entre les différents partenaires de la santé publique du pays.
Les mathématiques en soutien à la santé publique
Au début de la pandémie de COVID-19, les autorités sanitaires disposaient de peu d’information sur cette maladie et sur ses modes de transmission. Les prédictions quant à sa propagation, tout comme la recherche de solutions, reposaient alors sur des hypothèses et des données concernant des infections causées par d’autres coronavirus ainsi que des épidémies telles celles de H1N1 en 2009 et du SRAS en 2003, dont certaines caractéristiques pouvaient s’apparenter à la COVID-19.
Baptisé Mathématiques pour la santé publique, le premier des deux réseaux auxquels participent des chercheuses et des chercheurs de l’UdeM réunit 48 spécialistes canadiens et étrangers issus des domaines des mathématiques, de la statistique, de l’épidémiologie et de la santé publique.
«Ce réseau a pour mandat d’élaborer des modèles et des techniques mathématiques qui seront ensuite applicables dans le cadre de la mise en place de solutions contre les maladies infectieuses émergentes, en regroupant le plus de données possible, notamment sur les taux de transmission, les symptômes engendrés et la réponse à la vaccination, pour quantifier les échelles de temps requis pour enrayer l’infection», indique Jacques Bélair.
Ainsi, à mesure que de nouvelles données sont recueillies par les agences de santé publique, elles sont intégrées dans les différents modèles mathématiques. C’est notamment ce qui a permis d’établir que le taux de vaccination contre la COVID-19 doit être de 75 % pour obtenir une immunité collective.
«Nous avions initialement émis l’hypothèse qu’une couverture vaccinale à 70 % pourrait s’avérer efficace, mais les modèles ont démontré, avec les données obtenues jusqu’à l’été dernier, que sans les autres mesures sanitaires – dont la distanciation physique et le port du masque – il aurait fallu un taux de vaccination supérieur à 100 % pour vaincre la maladie», illustre le spécialiste de la modélisation mathématique en biologie.
En combinant les mesures sanitaires et l’efficacité des vaccins – qui s’est révélée supérieure à ce qu’on anticipait –, les modèles montrent aussi que la charge virale est moins grande lorsque, par exemple, une personne infectée éternue, ce qui réduit la propagation du virus.
Le travail du réseau Mathématiques pour la santé publique consiste donc, pour les deux prochaines années, à enrichir la qualité de la modélisation à partir des plus récentes données sur le SRAS-CoV-2 et ses effets pour établir des modèles prospectifs permettant de surveiller de nouvelles maladies infectieuses à l’avenir.
Outre Jacques Bélair, les membres de ce réseau affiliés à l’UdeM sont Bouchra Nasri, de l’École de santé publique de l’UdeM (ESPUM), Patrick A. Leighton, de la Faculté de médecine vétérinaire, Manuel Morales, du Département de mathématiques et de statistique, et Luc Vinet, du Département de physique.
Prévenir les zoonoses par l’approche Une seule santé
Codirigé par la professeure Hélène Carabin, du Département de pathologie et microbiologie de la Faculté de médecine vétérinaire et du Département de médecine sociale et préventive de l’ESPUM, le deuxième réseau rassemble 72 chercheurs de 23 universités canadiennes et 49 collaborateurs de 28 organisations nationales et internationales.
Sous le nom de Réseau Une seule santé sur la modélisation des infections, il tentera de déterminer quels éléments cibler pour corriger les lacunes en matière de données et ainsi mieux comprendre les conditions qui favorisent la propagation et la transmission des agents pathogènes, en plus de désigner les mesures les plus efficaces pour agir sur ces conditions. L’équipe étudiera principalement les maladies zoonotiques en adoptant l’approche intégrée Une seule santé, qui s’intéresse aux interactions entre les êtres humains, les animaux et leurs écosystèmes.
Les chercheurs de l’UdeM membres du Réseau sont Bouchra Nasri, Jacques Bélair et Patrick A. Leighton, de même que Simon de Montigny et Thomas Poder, de l’ESPUM, Morgan Craig, du Département de mathématiques et de statistique, Julie Arsenault, du Département de pathologie et microbiologie, et Timothée Poisot, du Département de sciences biologiques.
Des réseaux mis en place en accéléré
C’est en octobre dernier que le CRSNG a procédé à un appel de projets pour l’Initiative de modélisation des maladies infectieuses émergentes en partenariat avec l’Agence de la santé publique du Canada.
L’objectif consistait à créer, en mode accéléré, cinq réseaux de recherche en modélisation. Ce qui fut fait!
«Les chercheurs devaient manifester leur intérêt au plus tard le 26 octobre; cette liste de “participants potentiels” a été rendue publique début novembre et, la date de soumission des demandes complètes étant le 18 décembre, toutes les parties intéressées n’ont eu que le seul mois de novembre pour configurer les réseaux selon les différents domaines d’expertise, ce qui est exceptionnellement bref comme délai», commente Jacques Bélair.