Philippe St-Jean: faire la lumière sur la matière
- UdeMNouvelles
Le 6 octobre 2021
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Philippe St-Jean est de retour dans son «alma mater» à titre de professeur adjoint à la Faculté des arts et des sciences de l’UdeM.
«Quand nous sommes enfants, tout est surprenant et c’est la raison pour laquelle nous demandons toujours “Pourquoi?” Et c’est un peu la façon dont je perçois encore le monde; j’aime mettre en question ce qui m’entoure.»
Ce besoin de compréhension fondamentale est dans la nature même de Philippe St-Jean, physicien titulaire d’une chaire de recherche du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec en photonique quantique et nouvellement professeur au Département de physique de l’Université de Montréal. Depuis son baccalauréat en physique à l’UdeM, il s’intéresse aux principes fondamentaux de la photonique, c’est-à-dire l’étude des ondes lumineuses, particulièrement dans des régimes dominés par les lois de la mécanique quantique.
C’est toutefois à la maîtrise et au doctorat, effectués à Polytechnique Montréal, qu’il nourrit sa curiosité au sujet des interactions entre la lumière et la matière, et leur potentiel pour des applications dans le domaine des technologies quantiques. Ses travaux ont porté sur l’étude de défauts atomiques dans des matériaux semi-conducteurs pouvant émettre des grains de lumière uniques (appelés photons). «Mon but principal était de démontrer l’intérêt de ces défauts pour la construction d’interfaces lumière-matière qui permettraient de transmettre sur une longue distance l’information quantique.»
Créer des matériaux artificiels grâce à la lumière
Ses diplômes en main, il poursuit ses travaux sur les ondes lumineuses dans le cadre d’un postdoctorat au Centre de nanosciences et de nanotechnologies de l’Université Paris-Saclay. Il explore alors un régime bien particulier où la lumière et les électrons sont si fortement couplés qu’ils deviennent indiscernables.
«Aujourd’hui, dans nos laboratoires, nous sommes capables de confiner la lumière à l’intérieur de petites structures micrométriques, fabriquées avec une très grande précision en salle blanche. En les traversant, les ondes de lumière peuvent donc se propager de façon analogue au son dans une cathédrale. En effet, à cause de la géométrie de la voûte et de la disposition des murs dans une grande salle, il y a certaines zones où l’on entend mieux ou moins bien, puisque le son est une onde pouvant causer des interférences destructives ou constructives. C’est semblable avec la lumière: en la piégeant dans une architecture bien spécifique, nous pouvons créer des régions de haute ou de plus faible intensité. La propagation de la lumière dans nos petites structures est également semblable à celle des ondes électriques dans la matière, où la disposition des atomes définit si un matériau conduira ou non l’électricité. Il est ainsi possible de reproduire, grâce à la grande polyvalence de nos microstructures, la physique de certains matériaux de pointe qui sont souvent très difficiles à synthétiser.»
L’objectif ultime des travaux du physicien est double: utiliser ces microstructures pour concevoir de nouveaux dispositifs ayant des applications en technologies quantiques et étudier l’émergence de nouvelles phases de la matière, notamment les phases dites topologiques.
«La découverte des phases topologiques de la matière, récompensée par le prix Nobel de physique en 2016, a profondément révolutionné notre compréhension de la matière condensée. La topologie est une branche des mathématiques qui s’intéresse à certaines propriétés géométriques d’un objet qui sont insensibles aux déformations. Par exemple, un ruban de Möbius présente toujours un seul enroulement sur lui-même, peu importe si nous le tordons ou si nous l’étirons. De façon similaire, dans les matériaux topologiques, la propagation des électrons peut être insensible à certaines perturbations, comme des vibrations atomiques ou la présence de défauts atomiques. Notre but est de reproduire cette physique topologique dans nos matériaux artificiels de lumière à la fois pour tirer profit technologiquement de cette robustesse topologique et pour répondre à des questions plus fondamentales liées à l’existence et aux propriétés de ces phases exotiques.»
Jonglant avec expérimentations, questions théoriques et applications techniques, Philippe St-Jean voit son arrivée à l’UdeM comme l’occasion de constituer un groupe de recherche où il pourra former de jeunes chercheurs et chercheuses sous une même vision fédératrice et tenter de répondre à toutes ces questions fondamentales et conceptuelles.