Effectuer une migration entre deux UM

Sandra Binning et Allison Shaw ensemble sur le terrain

Sandra Binning et Allison Shaw ensemble sur le terrain

Crédit : Sandra Binning

En 5 secondes

Allison Shaw, biologiste à l’Université du Minnesota, est venue à l’Université de Montréal grâce à une bourse Fulbright pour étudier comment les parasites font migrer les poissons différemment.

Allison Shaw fréquente deux UM: l’Université du Minnesota – Twin Cities, où elle est professeure associée, et l’Université de Montréal, où elle passe le semestre d’automne en tant que boursière Fulbright Canada.

Et curieusement, sa spécialité est la migration, mais pas celle des humains.

Biologiste, Allison Shaw est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat de l’Université de Princeton. Ses recherches portent sur la migration des animaux d’un point de vue multidisciplinaire, en combinant des compétences en écologie, en évolution, en comportement et en théorie.

Elle est particulièrement fascinée par les modèles de mouvement, qui peuvent changer rapidement et influencer les écosystèmes des animaux qu’elle étudie. Elle conçoit des modèles analytiques et des modèles de simulation pour étudier la relation entre les processus écologiques et évolutifs.

Allison Shaw est arrivée à l’UdeM en août pour travailler dans le laboratoire de la professeure de biologie Sandra Binning, titulaire d’un doctorat de l’Université nationale australienne. Sandra Binning se spécialise dans l’étude des poissons et la façon dont ils sont touchés par les facteurs de stress environnementaux, comme les températures élevées et les parasites.

Nous avons rencontré ce duo très actif pour en savoir plus sur leur collaboration transfrontalière.

Tout d’abord, félicitations, professeure Shaw, pour votre bourse Fulbright. Il est bon de voir la frontière s’ouvrir de nouveau aux Américains et Américaines qui souhaitent partager leur expertise et apprendre de l’expérience canadienne.

Allison Shaw: Merci! Je suis reconnaissante à Fulbright Canada d’avoir permis cette expérience et à l’Université de Montréal d’avoir rouvert les portes aux visites et aux collaborations internationales, qui ont été interdites pendant si longtemps à cause de la COVID-19. Je suis également reconnaissante à Sandra de m’avoir accueillie et de m’avoir donné l’occasion d’apprendre d’elle et de ses étudiants et étudiantes sur les poissons et les parasites qui font l’objet de leurs recherches.

Sandra Binning: Et je dois souligner qu’au-delà de la recherche ces visites sont d’une grande utilité pour les doctorantes et doctorants qui ont été privés de liens de ce type depuis un an ou deux, lorsque les conférences ont été déplacées en ligne et que les voyages ont été annulés. Donc, le fait qu’Allison est ici constitue un avantage pour tout le monde.

Parlez-nous un peu de vos champs de recherche, professeure Shaw. Ils se rapportent à la façon dont les animaux se déplacent, non?

AS: En effet. J’étudie comment les animaux – et les plantes – se servent du mouvement pour s’adapter à leur environnement et quelles sont les conséquences du mouvement sur les individus, les populations et les interactions entre les espèces. Mes travaux portent sur des questions générales concernant la dispersion, la migration animale, l’écologie des maladies, la conservation et la biologie de l’invasion parasitaire. Ma principale approche de recherche consiste à élaborer une théorie conceptuelle et mathématique, bien qu’elle soit toujours motivée par l’objectif d’acquérir une connaissance plus approfondie de la biologie sous-jacente.

Quels travaux faites-vous ici, exactement, et où passez-vous le plus clair de votre temps?

AS: Sandra et moi sommes en train de concevoir un modèle visant à comprendre comment les poissons – et d’autres animaux – peuvent modifier leurs stratégies de déplacement en fonction du nombre de parasites qu’ils ont et inversement comment les déplacements qui dépendent de l’infection parasitaire façonnent celle-ci au sein d’une population. Je passe la plupart de mon temps à écrire des codes informatiques ou à résoudre des équations mathématiques sur des tableaux blancs. Ce qui m’est le plus précieux ici, c’est de pouvoir échanger des idées avec Sandra en personne et d’apprendre de ses étudiants et étudiantes à propos de leurs projets de recherche et du système sur lequel ils travaillent. Par exemple, l’un de ses doctorants, Jeremy De Bonville, étudie la façon dont les parasites nuisent à la capacité des poissons à nager, tandis qu’une autre doctorante, Marie Levet, examine la manière dont les infections parasitaires influencent les préférences de température des poissons lorsqu’ils se déplacent.

SB: À la fin du mois d’août, Allison et moi avons eu la chance de passer trois jours à la Station de biologie des Laurentides, à Saint-Hippolyte, où mes étudiants et étudiantes menaient leurs expériences. Le fait qu’Allison a été présente pour voir les expériences et les poissons et qu’elle a pu discuter avec les étudiantes et les étudiants au fur et à mesure qu’ils recueillaient leurs données s’est avéré extrêmement précieux.

En général, est-ce que nous faisons les choses différemment ici qu’aux États-Unis dans votre discipline?

AS: La science est pratiquée un peu différemment dans chaque endroit, car les scientifiques ont des perspectives, des formations et des expériences différentes. Je conçois des modèles en fonction de mon point de vue, de ma façon de voir le monde. Visiter de nouveaux lieux comme le Canada m’aide à voir le monde autrement, à découvrir des hypothèses que je n’imaginais pas faire dans mon travail et, par conséquent, permet d’améliorer la science.

Vous avez parlé de théorie. Quel rôle joue-t-elle dans vos travaux de recherche?

AS: La théorie fait référence aux cadres que nous utilisons pour donner un sens au monde. Les modèles que je conçois contribuent à cette théorie. Une partie essentielle de la conception de modèles consiste à faire des hypothèses sur ce qui est le plus important, et sur lequel il faut se concentrer, par rapport à ce qui ne l’est pas et qui peut être ignoré. Ce processus s’apparente aux expériences scientifiques qui font varier certains facteurs tout en en contrôlant d’autres. Tout comme il n’y a pas une seule expérience qui est «la meilleure», il n’y a pas un seul modèle qui est «meilleur» que les autres. Nous concevons des modèles avec divers ensembles d’hypothèses pour obtenir diverses perspectives sur les organismes que nous étudions. Voilà l’une des raisons pour lesquelles la science bénéficierait de la présence de chercheurs et chercheuses aux profils plus diversifiés, qui apporteraient des perspectives différentes.

Les exemples biologiques qui ne cadrent pas avec les hypothèses de la théorie existante constituent un bon point de départ pour élaborer une nouvelle perspective. Pouvez-vous citer quelques exemples?

AS: La plupart des modèles qui étudient la façon dont le mouvement dépend de l’infection parasitaire partent de l’hypothèse simplificatrice de regrouper tous les individus infectés et de les comparer avec les individus non infectés. Chez les poissons sur lesquels travaille le laboratoire de Sandra, il y a une différence entre les poissons qui ont peu de parasites et ceux qui en ont beaucoup, et il y a rarement des poissons sans aucun parasite. Cela a inspiré notre projet actuel, qui vise à étudier le rôle du degré d’infection.

Enfin, qu’est-ce que l’étude des poissons nous apprend sur nous-mêmes, en tant qu’êtres humains?

AS: Bien que les poissons ne puissent rien nous apprendre sur les humains, les modèles relatifs aux poissons, eux, le peuvent. Les modèles que je conçois couvrent généralement des groupes taxonomiques. Ils peuvent s’appliquer aux poissons, aux mammifères, aux reptiles, etc. Récemment, nous avons même utilisé l’un de nos modèles sur les déplacements saisonniers des animaux entre les environnements pour étudier de quelle manière les déplacements quotidiens des personnes entre leur domicile et leur lieu de travail pouvaient influer sur la propagation de la COVID-19.

SB: Nous étudions les poissons non pas parce que nous voulons apprendre quelque chose sur les êtres humains directement, mais parce que les ressources en eau douce, comme les lacs et les cours d’eau qui sont nos laboratoires, sont essentielles à nos vies, que nous le réalisions ou non. Il est important de comprendre comment les parasites et les maladies influencent le lieu et la façon dont les poissons se déplacent pour prévoir comment les infections peuvent se propager dans et entre les systèmes lacustres et entre les espèces. Qui dit poissons sains dit lacs sains, et des lacs sains sont bénéfiques non seulement pour les organismes qui y vivent, mais aussi pour les êtres humains.

  • Allison Shaw discute d'une expérience de suivi de poissons vivants avec Marie Levet, doctorante au laboratoire de Sandra Binning.

    Crédit : Sandra Binning
  • Jeremy De Bonville, étudiant au doctorat, met un crapet-soleil dans un tunnel de nage pour une expérience.

    Crédit : Allison Shaw
  • Un crapet-soleil dans un tunnel de nage

    Crédit : Allison Shaw
  • Jeremy De Bonville, étudiant au doctorat, tient un crapet-soleil après une expérience.

  • Un crapet-soleil qui a peu de parasites, puisque les taches noires ne sont pas nombreuses.

    Crédit : Jeremy De Bonville

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