Médias sociaux: quand la jalousie et la surveillance s’invitent dans les relations de couple
- UdeMNouvelles
Le 11 février 2022
- Martin LaSalle
Si les médias sociaux et autres technologies numériques permettent de rencontrer l’âme frère ou sœur, notamment depuis la pandémie, leur utilisation peut mener à des conflits qui peuvent dégénérer.
Au-delà des papillons provoqués par les premiers contacts qui mènent à la lune de miel, les médias sociaux permettent aux amoureux d’être connectés en temps réel et d’échanger à tout moment, peu importe la distance qui les sépare.
«Les technologies numériques peuvent réellement contribuer à échanger des mots d’affection, exprimer des émotions et s’apporter un soutien mutuel; elles permettent aussi de partager avec ses amis des publications et des images relatives à son couple qui peuvent contribuer à cimenter la relation», expose la professeure Marie-Ève Daspe, du Département de psychologie de l’Université de Montréal.
De même, les jeunes adultes – et les plus âgés aussi! – utilisent beaucoup les applications de rencontre afin de trouver un ou une partenaire du moment ou stable, car elles élargissent le bassin de personnes ayant des champs d’intérêt communs qu’il aurait été difficile de rencontrer hors ligne. Et c’est particulièrement vrai depuis le début de la COVID-19.
«Avec la pandémie, les applications se sont adaptées, notamment en permettant de filtrer les partenaires potentiels selon leur degré de respect des règles sanitaires et leur profil de vaccination, ajoute la directrice du Laboratoire de recherche sur les interactions et la vie conjugale. Bien qu’il ait été déconseillé de rencontrer de nouvelles personnes en période de confinement, certains et certaines n’ont pas pour autant mis de côté leur recherche de contacts et de relations.»
Régler les conflits par messagerie texte: oui et non…
Les résultats d’une recension des études en cours sur l’utilisation de la messagerie texte dans les conflits amoureux ont particulièrement surpris Marie-Ève Daspe.
Son impression de départ était que le recours à ce type de technologie chez les jeunes adultes allait empirer le conflit et que les échanges en personne favoriseraient un apaisement, voire la résolution du conflit.
«Le postulat de plusieurs théories de la communication veut que la messagerie texte augmente le risque de mal interpréter ce qui est dit et d’affirmer des choses qu’on regretterait par la suite, mais cela n’est pas nécessairement toujours le cas, s’étonne-t-elle. La revue de la littérature sur le sujet ne permet pas de dire laquelle des deux approches est la plus concluante.»
En effet, certaines études tendent à démontrer que les échanges par texto ou par messagerie instantanée par exemple peuvent permettre d’éviter les escalades et de formuler des messages plus clairs quand on prend le temps de mieux organiser sa pensée au lieu d’agir sur le coup de l’émotion.
«En fait, la capacité de régler des conflits amoureux – que ce soit par les technologies numériques ou en personne – semble davantage dépendre du profil des personnes en relation que des moyens de communication qu’elles utilisent», nuance celle qui est aussi membre du Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles.
Une recherche en cours dans son laboratoire vise d’ailleurs à cerner les caractéristiques des couples qui profitent davantage des interactions en face à face et de ceux pour qui le recours aux technologies est au contraire plus avantageux pour la résolution de conflits.
«C’est qui, cette personne-là?»
Si la présence des médias sociaux a une influence sur la satisfaction, la communication et l’intimité dans les couples – particulièrement chez les jeunes –, les études menées par Marie-Ève Daspe ont permis de désigner deux facteurs de risque liés à leur utilisation chez les amoureux et amoureuses: la jalousie et la surveillance électronique.
«Plus une personne utilise les réseaux sociaux, dont Facebook, plus elle s’expose à toutes sortes d’informations sur l’être aimé qui peuvent lui paraître ambigües, comme percevoir un rival potentiel chez quelqu’un qui a aimé une de ses publications, illustre Mme Daspe. Et nos recherches démontrent que la jalousie peut ultimement augmenter le risque de conflits importants et de violence psychologique ou physique.»
Le second facteur de risque se rapporte aux comportements de contrôle que permettent les réseaux sociaux.
«Une personne jalouse peut avoir tendance à faire de la surveillance électronique en épiant tout ce que son partenaire publie sur ses comptes, poursuit Marie-Ève Daspe. Les activités de cette personne et les notifications de nouveaux amis peuvent ainsi devenir prétexte à de la surveillance, du harcèlement ou de la cyberviolence directe ou indirecte.»
Selon la professeure, les médias sociaux peuvent aussi compliquer les ruptures. «Lorsqu’on décide de se séparer surgissent les questionnements quant à la pertinence de rester en contact virtuel avec les amis qu’on a en commun, les membres de la famille de l’ex-partenaire», souligne-t-elle.
Les personnes qui choisissent de se déconnecter vivent d’ailleurs mieux leur rupture que celles qui continuent de «suivre» leur ancienne flamme ou son entourage, la surveillance après-rupture étant d’ailleurs fréquente chez elles.
«Et à l’extrême, cela peut mener à des cyberagressions, puisque les technologies rendent les ex-partenaires plus vulnérables à l’intrusion dans la vie privée affichée sur les réseaux sociaux et aux tentatives d’humiliation; il peut devenir très difficile d’échapper à la personne avec qui l’on a rompu», ajoute Mme Daspe.
Une question de jugement et de respect
Il y a aussi les petits conflits et les frustrations qui peuvent découler de ce que la professeure désigne comme de la «technoférence», c’est-à-dire de l’interférence technologique. «Quand son partenaire passe beaucoup de temps sur son téléphone cellulaire tandis qu’on est en sa compagnie, cela devient une intrusion dans la relation et le temps de qualité qui peut finir pas user le couple», avertit-elle.
«Globalement, les technologies numériques dans les relations de couple seront bonnes ou mauvaises selon l’utilisation qu’on en fait, conclut Marie-Ève Daspe. Il faut savoir limiter le temps qu’on leur consacre et le type d’activité dans laquelle on s’engage pour conserver une utilisation saine et une maîtrise de l’outil plutôt que l’inverse.»
Des ressources pour contrer la violence conjugale et la cyberviolence dans les relations amoureuses
Si vous êtes ou croyez être victime de cyberviolence ou de violence conjugale, vous pouvez contacter
SOS violence conjugale au 1 800 363-9010, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Pour en savoir davantage sur le harcèlement en ligne et la cyberviolence conjugale, consultez le guide
La cyberviolence dans les relations amoureuses, ce n’est pas de l’amour, publié par l’Université de Montréal, en collaboration avec les Services à la vie étudiante et le Bureau d’intervention en matière de harcèlement de l’UdeM.