Yvette Mollen devient professeure agrégée au Département de linguistique et de traduction

Yvette Mollen

Yvette Mollen

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

Yvette Mollen enseigne déjà l’innu-aimun à l’UdeM, mais sa nomination lui permettra de pousser plus loin ses travaux pour préserver, transmettre et revitaliser sa langue maternelle.

La nouvelle professeure agrégée du Département de linguistique et de traduction de l’Université de Montréal Yvette Mollen, originaire de la communauté innue d’Ekuanitshit (Mingan) sur la Côte-Nord, estime que sa nomination s’inscrit dans la continuité du travail qu’elle accomplit déjà à l’Université. En effet, elle enseigne au Centre de langues de la Faculté des arts et des sciences de l’UdeM depuis 2017 et, en 2021, elle est devenue professeure invitée au Département de littératures et de langues du monde et au Centre de langues. «Le fait d’être professeure agrégée m’aidera à mener encore plus loin les projets qui me tiennent à cœur. J’essaie entre autres de concevoir avec mon équipe un jeu qui s’adresse aux enfants de trois à six ans pour qu’ils apprennent les rudiments de l’innu-aimun [aussi appelé innu] dès leur jeune âge. Un de nos objectifs est de faire participer les parents, mais le jeu pourra également être utilisé à l’école primaire», explique Mme Mollen.

En plus d’élaborer des outils pour faciliter l’apprentissage de l’innu-aimun, Yvette Mollen continuera de l’enseigner. «Je donne deux cours cette session-ci et j’ai plusieurs autres projets, dont celui d’amener les étudiants et étudiantes qui ont terminé les cours des niveaux I à IV dans des communautés innues. Ça demande beaucoup de préparation, de communiquer avec de nombreuses personnes et de faire des demandes de financement», précise celle dont le travail a été récompensé à deux reprises. En 2020, elle a reçu le premier Prix de la valorisation des langues autochtones de l’Université de Montréal suivi du prix Gérard-Morisset 2021. Ce dernier, qui est l’un des Prix du Québec, est attribué a une personne s’étant distinguée par sa contribution remarquable à la sauvegarde et au rayonnement du patrimoine québécois.

L’amour de l’innu-aimum

Cela fait plus de 25 ans qu’Yvette Mollen se consacre à la sauvegarde de sa langue maternelle. Elle a commencé sa carrière comme enseignante au primaire, puis a été directrice du secteur Langue et culture de l’Institut Tshakapesh d’Uashat, une réserve innue située dans la région de Sept-Îles. Elle a également collaboré à la création de nombreuses ressources éducatives disponibles sur le site innu-aimun.ca.

Mme Mollen était toute jeune quand elle a pris conscience de l’importance de préserver la première langue qu’elle a apprise. «Mes grands-parents, mes parents, mes oncles et mes tantes, tout le monde dans la famille parlait innu à la maison. Lorsque je suis arrivée à la maternelle, à l’âge de cinq ans, je parlais seulement innu et les premiers mots que j’ai écrits avec un crayon, à six ans, étaient en français. J’avais commencé à apprendre le français à la maternelle, mais c’est à six ans que j’ai appris le vocabulaire», raconte-t-elle.

Du primaire à l’université, Yvette Mollen a étudié en français tout en continuant de parler innu-aimun à la maison. «Ce qui m’a fait réaliser l’importance de ma langue, c’est quand j’allais garder des enfants qui parlaient français alors que leurs parents s’exprimaient en innu. À ce moment-là, je me suis dit que, si un jour j’avais des enfants, ils le parleraient aussi», se souvient-elle.

La transmission du savoir

Oui, la situation de l’innu-aimun s’est améliorée au cours des 25 dernières années, mais selon la nouvelle professeure agrégée, il reste beaucoup de travail à effectuer.

Yvette Mollen revient sur le fait que bien des jeunes ne parlent pas la langue même lorsqu’ils vivent dans une communauté innue. «C’est comme une vague où, tout d’un coup, tout le monde se met à parler en français parce que l’école, la télévision sont en français. Récemment, j’ai assisté à une conférence où il a été question des jeunes qui font des achats en ligne sur des sites en anglais. Vous savez, le recul du français face à l’anglais? C’est la même chose pour l’innu», signale la professeure. Elle croit que consacrer plus de temps à l’enseignement de cette langue à l’école – pas seulement une heure par cycle de sept ou neuf jours comme c’est le cas en ce moment –, en plus de la parler à la maison, aiderait énormément à la préserver.

En plus de son travail à l’UdeM, Yvette Mollen est chargée de cours à l’Université du Québec à Chicoutimi et, lorsque le temps le lui permet, elle retourne enseigner à des professeurs et professeures à l’Institut Tshakapesh. «C’est important de les former le plus possible. Je reçois souvent des messages de personnes qui ont besoin d’aide. Je trouve essentiel que l’innu soit bien écrit et que les enseignants le montrent de la bonne façon aux enfants», conclut-elle.