Écouter des voix différentes

Ce colloque est organisé à l’Université de Montréal par Simon Harel, Catherine Mavrikakis et Andrea Oberhuber en partenariat avec Isabelle Galichon et Laura Tusa Ilea.

Ce colloque est organisé à l’Université de Montréal par Simon Harel, Catherine Mavrikakis et Andrea Oberhuber en partenariat avec Isabelle Galichon et Laura Tusa Ilea.

Crédit : À votre service | Photos: Amélie Philibert

En 5 secondes

Le colloque «Des voix différentes», pour souligner les 40 ans de l’ouvrage de Carol Gilligan, aura lieu du 5 au 7 octobre à l’UdeM.

L’éthique est-elle sexuée? Agit-on différemment selon qu’on est né homme ou femme? Voilà les questions qui se posent à la lecture de l’ouvrage de Carol Gilligan In a Different Voice, ouvrage inaugural sur le care qui propose notamment de redéfinir la position des femmes dans les sociétés occidentales en laissant entendre leurs voix jusqu’alors moins fortes.

Pour célébrer les 40 de la parution du livre, le colloque «Des voix différentes» propose de poursuivre la pensée de l’auteure et d’explorer, à travers une série d’ateliers de création, les manières dont de nouvelles voix et des pratiques de soins différentes peuvent émerger.

Ce colloque est organisé à l’Université de Montréal par Simon Harel, professeur au Département de littératures et de langues du monde, Catherine Mavrikakis et Andrea Oberhuber, professeures au Département des littératures de langue française, en partenariat avec Isabelle Galichon, chercheuse associée en littérature à l’Université Bordeaux Montaigne, et Laura Tusa Ilea, professeure de littérature à l’Université Babeș-Bolyai en Roumanie.

Pour en savoir plus, nous avons rencontré les organisateurs de l’UdeM.

Ce colloque comportera de nombreux ateliers de recherche-création. Pouvez-vous nous en dire davantage?

Andrea Oberhuber: Ce colloque comportera six ateliers qui seront des lieux à la fois de recherche et de création. Il comprendra aussi deux conférences: une de Nicolas Vonarx sur la voix des infirmières et une de Carol Gilligan.

Catherine Mavrikakis: On veut essayer de penser le trait d'union entre la recherche et la création, qui ont trop souvent été séparées. On souhaiterait les imbriquer au cours de ces ateliers de création.

Simon Harel: Par ce colloque, on a l’intention de concrétiser l'existence d’une recherche solide et manifeste sur les aspects du care dans la relation avec les arts et les lettres. Une recherche qu’on a tous trois débutée dans le cadre du projet À votre service, portant sur les figures ambivalentes du care dans le roman français de 1870 à 1945.

Ce colloque est basé sur la pensée de Carol Gilligan. Comment la résumer?

Andrea Oberhuber: Carol Gilligan est à l'origine de cette pensée qu’il existerait une différence éthique entre les voix de femmes et les voix d'hommes. Selon elle, les hommes auraient davantage tendance à suivre la loi et les femmes auraient une approche différente qui a été jusqu’à présent moins entendue. Au lieu de se soucier de la loi, les femmes se préoccuperaient plutôt d’une éthique du care, une éthique basée sur l’attention, sur le souci de l'autre. La condition préalable pour prendre soin de l’autre est d’être à l'écoute.

Cela nous a amenés à orienter notre colloque sur cette notion fondamentale de la voix, sur ce qu'elle nous apprend, sur la façon dont nous pouvons entrer en contact avec les autres grâce à cette voix qui nous habite, qui nous hante et qui nous caractérise en tant que sujet humain.

Ainsi, vous amenez les participants à explorer les voix environnantes et la leur dans ces différents ateliers?

Andrea Oberhuber: Oui, dans ce colloque, nous voulons faire entendre différentes voix, observer comment elles peuvent émerger et porter une attention toute particulière à celles qui diffèrent.

Catherine Mavrikakis: De multiples questions se posent. Selon quelles modalités la voix peut-elle se frayer un chemin vers un espace public ou semi-public? Comment le corps peut-il participer à faire entendre ou à faire taire les voix qui l’habitent?

Simon Harel: Un atelier portera sur la voix animale. Deux ateliers porteront sur l’émotion et la voix, sur les liens qui existent pour faire sortir ces voix émotives.

Mathieu Simonet va travailler dans son atelier sur les différences qui surgissent entre les lectures d’un texte à voix basse et à voix haute devant un auditoire.

Vous donnez la voix à des étudiants dans le cadre de l’installation sonore «Murmures de corridor».

Andrea Oberhuber: En effet. Catherine Bastien, Jérémy Champagne, Caroline Hogue et Mathieu Li-Goyette, étudiants à l’Université de Montréal, ainsi que Jodie-Lou Bessonnet, étudiante à l’Université Bordeaux Montaigne, ont créé une installation sonore. Cette installation va inaugurer notre colloque le 5 octobre à 17 h.

Catherine Mavrikakis: La communauté étudiante, particulièrement aux 2e et 3e cycles, a été en quelque sorte sacrifiée durant la pandémie. On avait l'impression qu'il y avait une parole étudiante qui avait été étouffée par les évènements. On sentait que certaines choses n’avaient pas été dites ou entendues. Il y a peut-être quelque chose qui va pouvoir exister grâce à l’art. On attend le résultat avec impatience! Les étudiants et étudiantes ont travaillé de façon autonome, sans que les professeurs et les professeures interviennent afin de rendre possible l’émergence d’une voix étudiante.

Simon Harel: On souhaite faire en sorte que ces voix étudiantes soient entendues dans l'espace public qu’est l'université. Cette installation va se trouver dans un endroit de très grande circulation, qui n'est ni une salle de classe ni une salle de séminaire: Murmures de corridor va être présentée en haut du gigantesque escalier qui mène à la tour du pavillon Roger-Gaudry. Il s’agit d’interpeller. On pourrait dire que c’est une forme d’activisme.

Carol Gilligan va venir à l’UdeM. Quelle place va-t-elle prendre dans ce colloque?

Catherine Mavrikakis: Ce colloque rend hommage à ses travaux. Elle prononcera d’ailleurs une conférence. Dans les autres activités, on poursuivra ces recherches, mais autrement, à partir de la voie tracée 40 ans plus tard.

Simon Harel: C’est un grand honneur de la recevoir dans notre université. Elle vient dans un esprit de curiosité, ouverte à la création et au dialogue.

Andrea Oberhuber: Oui, elle possède une manière très originale de faire de la recherche qui s’apparente à de la recherche-création. Par exemple, son ouvrage In a Different Voice débute par un extrait de La cerisaie, de Tchekhov, qu’elle analyse ensuite. C’est souvent de cette manière qu’on fonctionne en recherche-création.

Son discours a été souvent repris. Elle a été beaucoup lue et beaucoup critiquée notamment par Sandra Laugier, Fabienne Brugère, Patricia Paperman ou encore Pascale Molinier. Sa pensée a essaimé en sociologie, en science politique et en littérature.

Et aujourd’hui, certains étudiants continuent de travailler sur le domaine du «care»?

Andrea Oberhuber: Dominique Hétu a été la première personne à travailler sur l’éthique du care à l’Université de Montréal.

Jérémy Champagne vient de déposer son mémoire de maîtrise intitulé «Colette, le care et l’attention». Il travaille sur l’attention, une des notions clés de l'éthique du care, et il se base beaucoup sur ce qu'a fait Carol Gilligan. Il observe comment les différents personnages de la romancière sont à l'écoute ou non et se penche sur l’ambivalence du care.

Pour le colloque, il participera à l’installation Murmures de corridor.

Catherine Mavrikakis: Les premières personnes à travailler sur la pensée de Carol Gilligan venaient des milieux anglophones. Il se passe maintenant quelque chose de l’ordre de l’appropriation et je le dis dans le bon sens! Il y a une possibilité de comprendre le care dans le monde francophone et au Québec particulièrement. Tout un travail de passation a désormais lieu. On assiste à quelque chose de différent grâce au fait français: par la traduction, quelque chose se déplace et se poursuit.

Informations pratiques

Dates: du 5 au 7 octobre

Lieu: Université de Montréal

Programme: https://avotreservice.net/actualites/colloque-voix