Patrick Garon-Sayegh: l’avocat expert en expertises

Patrick Garon-Sayegh

Patrick Garon-Sayegh

Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal

En 5 secondes

Spécialiste du droit de la preuve, le professeur Patrick Garon-Sayegh, de la Faculté de droit, explore les limites de la quête de la vérité quand les avocats défendent les intérêts de leurs clients.

Si un chirurgien ampute la jambe gauche de son patient au lieu de la droite, faire la preuve de la faute médicale devant un juge sera facile. Mais tous les cas sont loin d’être aussi évidents. Alors comment prouver qu’un médecin aurait dû procéder d’une autre façon ou effectuer tel acte plutôt qu’un autre?

En faisant appel à des experts du domaine! C’est là que l’expertise qu’a acquise Patrick Garon-Sayegh au fil des ans entre en ligne de compte.

En fait, les travaux du nouveau professeur adjoint de la Faculté de droit de l’Université de Montréal portent sur des questions fondamentales liées à la preuve et sont situés au carrefour de la philosophie des sciences, de la philosophie du droit et de la rhétorique – ou théorie de l’argumentation.

«Le droit de la preuve impose des limites à la liberté des parties lorsqu’elles doivent étayer leurs prétentions devant un juge: les parties sont libres, mais à l'intérieur de certaines balises qui peuvent à la fois viser à promouvoir la recherche de la vérité et sacrifier – en partie – cette recherche de la vérité afin de protéger d'autres valeurs ou intérêts, tels la vie privée ou le secret professionnel», précise Patrick Garon-Sayegh.

Une fascination de longue date pour le droit

Si le droit peut mener à différentes carrières, c’est la musique qui a indirectement conduit Patrick Garon-Sayegh au droit.

«Adolescent, je n’étais pas très motivé par l’école et je n’étais pas un bon élève, confie-t-il. C’est la musique qui m’a appris à être structuré. J’étais vraiment passionné de musique au point où j’ai même songé à en faire mon métier.»

Au début des années 2000, le joueur de basse électrique étudie la communication et la production sonore tout en composant et enregistrant de la musique et en se produisant régulièrement en spectacle. Il obtiendra son baccalauréat en communication de l’Université Concordia avec mention en 2005. L’année suivante, il amorce ses études de droit à l’Université McGill.

«Je nourrissais depuis longtemps une fascination abstraite pour le droit, mais cette discipline me faisait peur. Or, ma réussite en communication et l’acquisition d’une certaine maturité m’ont donné la confiance pour poursuivre en droit», raconte-t-il.

Après avoir terminé ses études dans la discipline, Patrick Garon-Sayegh travaille de 2011 à 2015 dans une firme d’avocats pancanadienne. Il défend alors des causes complexes liées à l’environnement et à la construction et fait appel à différents experts, notamment en ingénierie et en urbanisme.

Mieux comprendre la responsabilité professionnelle

En parallèle, des ennuis de santé importants l’amènent à consulter différents professionnels de la santé. Ceux-ci lui prodiguent de bons soins, mais l’expérience stimule néanmoins sa réflexion quant aux motifs sur lesquels ces professionnels s’appuient pour poser un acte médical plutôt qu’un autre.

«J’avais besoin de changer de direction et j’ai donc amorcé une maîtrise afin d’explorer le droit en lien avec la bioéthique et l’éthique médicale… tout en considérant la possibilité d’aller plus loin aux cycles supérieurs», se remémore le juriste.

L’exploration est fructueuse: immédiatement après avoir obtenu sa maîtrise en droit de l’Université McGill, il entame des études doctorales en 2017, cette fois à l’Université de Toronto.

Dans sa thèse, Patrick Garon-Sayegh étudie comment l’expertise médicale est utilisée pour prouver la faute de médecins en matière de responsabilité médicale.

«Mon objectif est de mieux situer l’origine des règles de l’art médical et de mieux comprendre comment on prouve les fautes des médecins, illustre-t-il. Et puisqu’on poursuit des experts, on doit mobiliser les avis d’autres experts pour prouver qu’il y a eu faute.»

Car la science ne fait pas foi de tout acte médical. «On l’a vu lors de la pandémie: toutes les décisions qui ont été prises ne se réduisaient pas à des questions scientifiques, et il en est de même en médecine clinique», poursuit-il.

L’importance de la particularité de chaque cas

À compter de janvier, le nouveau professeur de droit enseignera la preuve en matière civile.

À ce titre, il cherchera à sensibiliser ses étudiantes et étudiants au fait qu’ils seront éventuellement responsables de la qualité de leur raisonnement, «pas seulement dans leur tâche étroite d’avocat plaidant devant un tribunal, mais aussi à travers les différents problèmes concrets qu’ils rencontreront en tant qu’avocats et notaires: ils devront éviter de calquer des solutions en se remettant constamment en question pour assumer la charge qui vient avec la liberté d’action professionnelle», insiste-t-il.

«Et je souhaite leur transmettre l’importance de prêter attention à la situation particulière de leurs clients pour que la justice émerge: le droit et la médecine ont ceci en commun que les clients et les patients souhaitent être traités non pas comme des numéros interchangeables, mais comme des personnes à part entière, conclut Patrick Garon-Sayegh. Le droit de la preuve, c’est savoir s’arrêter aux détails. Et pour ce faire, il faut savoir écouter.»