Plus de décès évitables chez les personnes lesbiennes, gaies et bisexuelles

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Les personnes lesbiennes, gaies et bisexuelles du Canada sont plus enclines à mourir de causes évitables que celles hétérosexuelles, selon une nouvelle étude épidémiologique.

La littérature a montré à plusieurs reprises la présence d’inégalités en matière de santé dans la population lesbienne, gaie et bisexuelle (LGB) par rapport à la population hétérosexuelle. Par exemple, Statistique Canada rapportait en 2020 que les personnes issues de la communauté LGB étaient trois fois plus susceptibles d’avoir subi dans leur vie des actes de violence physique ou sexuelle. Elles seraient également plus susceptibles de faire une dépression, d’éprouver de l’anxiété, d’avoir des idées suicidaires et d’abuser de substances que leurs homologues hétérosexuelles.

Or, peu d’études se sont intéressées à la mortalité dans cette communauté, plus précisément aux décès dont les causes sont plus faciles à prévenir.

Une équipe de recherche pancanadienne s’est penchée sur la question et a comparé les estimations de la mortalité évitable pour les personnes adultes lesbiennes, gaies et bisexuelles avec celles des individus hétérosexuels au Canada.

«Les répondantes et répondants issus de la communauté LGB présentaient un risque plus élevé de mortalité toutes causes confondues, et ces risques étaient plus élevés précisément pour les maladies cardiaques, les accidents, le VIH et les suicides», énonce Olivier Ferlatte, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche en santé publique qui a participé à l’étude.

Des causes sociales et économiques

Olivier Ferlatte, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Olivier Ferlatte, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Pour l’équipe de recherche, cette mortalité plus élevée chez les personnes lesbiennes, gaies et bisexuelles peut s’expliquer en partie par le phénomène du «stress des minorités». Cette théorie prévoit qu’une accumulation de menaces externes, réelles et perçues, envers les minorités sexuelles (par exemple la violence, la discrimination ou l’exclusion sociale), jumelées à des notions intériorisées de honte et de dissimulation de l’identité sexuelle, entraîne des réponses psychologiques, physiologiques et comportementales.

«En raison de ce stress, de nombreuses personnes LGB perçoivent ou anticipent que les prestataires de soins de santé vont stigmatiser leur orientation sexuelle minoritaire ou ont fait l’expérience directe de la discrimination ou de la stigmatisation, et retardent ou évitent donc les consultations médicales», précise Olivier Ferlatte.

La mortalité accrue pourrait aussi être expliquée par le fait que les personnes LGB ont plus difficilement accès à des ressources sociales (elles sont moins en couple, donc moins entourées par la famille et ont un réseau de soutien moins étendu) et matérielles (leurs revenus sont inférieurs).

Des interventions structurelles nécessaires

Pour Olivier Ferlatte, la solution pour corriger cet écart serait de faciliter l’accès à des soins de santé primaires et préventifs adaptés aux personnes LGB, où «priment l’ouverture, la bienveillance et l’acceptation».

À ce chapitre, il insiste sur le fait que la santé des membres de la communauté LGB est un enjeu global qui dépasse largement la santé sexuelle, d’où l’importance d’investir davantage dans les soins de première ligne, qui favorisent le diagnostic précoce de plusieurs affections, notamment les maladies cardiovasculaires.

Olivier Ferlatte déplore aussi le peu de financement en matière de santé mentale au pays et rappelle que le Canada est l’un des seuls pays du G7 à ne pas avoir de stratégie nationale pour la prévention du suicide. «Ce contexte mène à d’importantes barrières à l’accès aux soins en santé mentale, sans oublier qu’il faut attendre plusieurs mois et débourser de fortes sommes pour entreprendre une psychothérapie», affirme-t-il.

Finalement, le chercheur croit qu’il faudrait également investir davantage dans la recherche concernant la communauté LGB pour mieux comprendre ses besoins et ses particularités. «Nous sommes le premier groupe de recherche à décrire la mortalité évitable au sein de cette portion de la population, souligne-t-il. Il faut surveiller cette réalité de près et ensuite déterminer quels types d’interventions pourraient venir atténuer les inégalités en matière de santé chez les minorités sexuelles et de genre.»