La reconnaissance acquise par les communautés LGBTQ+ profite à tous!

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Alors que le festival Fierté Montréal bat son plein, deux experts en matière d’identité de genre, de sexe et d’orientation sexuelle discutent des efforts visant à rendre la société plus inclusive.

Annie Pullen Sansfaçon est professeure à l’École de travail social de la Faculté des arts et des sciences et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs familles. Ses projets s’articulent autour des expériences vécues par les enfants et les jeunes trans ainsi que leurs familles (biologique, de substitution et choisie) en vue d’améliorer l’accompagnement qui leur est offert.

Professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie de la Faculté de médecine, Robert-Paul Juster s’intéresse, quant à lui, à la biologie du stress, à la santé mentale et à la résilience des communautés lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et queer (LGBTQ+) pendant l’âge adulte, au sein du Labo CESAR (Centre d’études sur le sexe*genre, l’allostasie, et la résilience), qu’il dirige.

Annie Pullen Sansfaçon, professeure à l’École de travail social de la Faculté des arts et des sciences et Robert-Paul Juster, professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie de la Faculté de médecine.

Crédit : Amélie Philibert - Université de Montréal

Si vous pouviez situer le Québec sur une «échelle d’acceptation sociale» envers les communautés LGBTQ+, quelle note obtiendrait-il?

Annie Pullen Sansfaçon: Sans donner de note précise, je dirais qu’au Québec, on oscille entre l’inclusion et l’exclusion. Par exemple, en ce qui concerne les enfants et les jeunes trans, on a connu de belles avancées sur le plan législatif – le projet de loi 103, qui vise à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer la situation des mineurs transgenres ; les politiques inclusives dans les écoles; le changement de la mention du sexe à l’état civil; l’ajout de l’identité de genre dans la Charte canadienne des droits et libertés; la poursuite contre le gouvernement du Québec pour une reconnaissance légale de l’existence non binaire sur l’acte de naissance, etc. En même temps, plusieurs groupes sociaux essaient d’invalider des identités chez les enfants, sous prétexte qu’ils sont trop jeunes pour comprendre. Ces voix-là – souvent de personnes non directement touchées par ces enjeux mais qui veulent «sauver» les jeunes – prennent de plus en plus d’espace médiatique.

Robert-Paul Juster: Malgré tous ces progrès, on remarque beaucoup d’exclusion à l’intérieur même des communautés LGBTQ+. Alors que certains groupes connaissent des avancées, d’autres se sentent laissés pour compte. Par exemple, certaines personnes de la communauté gaie et lesbienne, qui est devenue mainstream, ne se sentent pas concernées par les enjeux vécus par les communautés trans, non binaire, pansexuelle, asexuelle ou bisexuelle. Par ailleurs, le discours change, la société favorise de plus en plus le fait qu’une même personne puisse avoir des identités multiples (ethnicité, âge, nationalité, orientation sexuelle, identité de genre, etc.). Les communautés LGBTQ+ sont aux premières loges pour promouvoir la non-conformité qui, au final, va profiter à tout le monde.

Quels sont les chantiers auxquels on doit s’atteler pour favoriser l’inclusion des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre?

Robert-Paul Juster: On a tendance à penser que, parce que le mariage entre les personnes de même sexe est reconnu au Canada, la bataille est gagnée. Or, chaque province doit mieux protéger les droits des communautés LGBTQ+. D’autant que les enjeux d’exclusion et d’inégalité auxquels ces dernières doivent faire face sont souvent les mêmes que ceux vécus par les femmes.

Annie Pullen Sansfaçon: En ce qui a trait à l’organisation des services psychosociaux, il y a encore beaucoup à faire pour les jeunes trans. Ça prend un accompagnement non contraignant, peu importe où le jeune est rendu dans son parcours. Dans les CIUSSS, les listes d’attente pour voir un psychologue sont longues, et au privé, ça coûte cher. De plus, comme les services médicaux spécialisés sont concentrés dans les grandes villes, plusieurs n’y ont pas accès.

Que nous apprennent vos plus récentes recherches sur l’identité de genre, de sexe et d’orientation sexuelle?

Annie Pullen Sansfaçon: Nos résultats préliminaires sur la discontinuation des transitions nous montrent que le parcours des jeunes trans est marqué par un processus d’acceptation qui les amène à redéfinir leur identité. Par exemple, parmi les jeunes à qui on a assigné le sexe féminin à la naissance, certaines personnes vont entreprendre une transition vers un genre plus masculin, puis discontinuer cette transition sans toutefois se considérer cisgenre. La façon dont ces jeunes perçoivent leur identité semble également conditionnée par la temporalité. La discontinuation de transition doit donc être prise dans sa globalité – elle n’est pas nécessairement marquée par le regret ou le sentiment d’avoir fait une erreur. Par ailleurs, une autre recherche réalisée dans différents pays – Canada, Suisse, Angleterre, Australie – sur le bien-être des jeunes trans démontre que plus les barrières à l’accès aux soins sont grandes, plus la santé mentale de ces jeunes en pâtit.

Robert-Paul Juster: Les personnes issues de la diversité sexuelle et de genre, surtout bisexuelles, asexuelles, pansexuelles, trans et non binaires, souffrent davantage de problèmes de santé mentale que les personnes hétérosexuelles, cisgenres ou les deux. Or, bonne nouvelle, selon nos premières analyses statistiques réalisées auprès de 5 000 adultes canadiens, il semble que l’effet protecteur du soutien social soit 4 fois plus puissant pour contrer la détresse et la dépression dans les communautés LGBTQ+ – ce qui vient corroborer la force de la «famille choisie».

En 2021, en quoi les festivités organisées par Fierté Montréal demeurent-elles pertinentes?

Robert-Paul Juster: Beaucoup de gens se demandent si l’on a encore besoin d’un défilé et même d’un village gai. Absolument! Surtout pour les personnes qui n’ont pas accès à ce genre d’événements en milieu rural. Ce qui avait commencé comme un mouvement de protestation est devenu une plateforme pour faire entendre une multiplicité de voix. Après le confinement qu’on vient de vivre, ça va faire du bien de sortir pour célébrer la diversité d’identités, apporter son soutien aux communautés LGBTQ+ et apprendre à mieux connaître ses membres pour mettre fin aux préjugés.

Annie Pullen Sansfaçon: C’est une façon d’accroître la reconnaissance sociale et, par le fait même, celle des personnes dans leur milieu. Une semaine de festivités comme celle de Fierté Montréal permet de rendre visibles les différentes identités. Pour avoir marché avec des parents d’enfants trans, je peux affirmer que ça donne de l’énergie pour continuer à avancer!

 

*Le 15 août, la tour de l’UdeM sera illuminée aux couleurs de l’arc-en-ciel pour souligner la semaine de Fierté Montréal.

Formation en ligne ouverte à tous et offerte gratuitement

Si l’on entend de plus en plus parler des enjeux auxquels sont confrontées les personnes lesbiennes, gaies ou bisexuelles (LGB), il reste un retard important à rattraper concernant la connaissance des enjeux auxquels sont confrontées les personnes trans (T). 

Grâce à un partenariat entre la Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs familles, le Groupe d’action trans de l’Université de Montréal (GATUM) et le Vice-rectorat aux affaires étudiantes et aux études, l’UdeM a développé un cours en ligne ouvert à tous.

Trans•diversité est une formation gratuite et en ligne qui porte sur l’identité de genre, la transidentité et les meilleures pratiques de soutien auprès des personnes trans, que ce soit dans le milieu de l’enseignement supérieur ou dans la vie quotidienne.