Une lumière supplémentaire sur le cancer colorectal
- UdeMNouvelles
Le 16 mars 2023
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Selon une équipe de recherche de l’UdeM, un supplément alimentaire vendu en pharmacie stimulerait la croissance de bactéries productrices d’une toxine qui favorise l’apparition du cancer colorectal.
Au Québec, le cancer colorectal est la deuxième cause de décès par cancer chez les hommes et la troisième chez les femmes. Il a été démontré que la composition du microbiote intestinal peut influencer l’apparition et la progression de ce type de cancer, bref que certaines bactéries s’y trouvant contribueraient à son développement.
C’est le cas d’une souche spécifique d’Escherichia coli – plus communément appelée E. coli pks+ – qui produit une toxine, la colibactine, qui provoque des cassures double brin dans l’ADN des cellules hôtes. Ces cassures entraînent un taux élevé de mutations et favorisent ainsi l’émergence de tumeurs intestinales.
Sachant cela, une équipe de recherche sous la direction de Manuela Santos, chef du laboratoire de nutrition et du microbiome du Centre de recherche du CHUM et professeure au Département de médecine de l’Université de Montréal, a voulu faire un état des lieux et évaluer la prévalence de cette bactérie dans la population québécoise, tant chez des personnes en santé que chez celles atteintes d’un cancer colorectal.
L’équipe a constaté avec surprise que, chez environ 42 % des individus sains, le microbiote intestinal était colonisé par des souches bactériennes productrices de colibactine, contre 46 % des individus ayant un cancer colorectal.
Publiée dans Gut Pathogens, l’étude a été menée par Manon Oliero, étudiante de doctorat dans l’équipe de Manuela Santos.
«Jusqu’ici, presque toutes les études montraient que les bactéries productrices de colibactine étaient plus présentes chez les personnes souffrant d’un cancer colorectal que chez les gens en santé, note Manon Oliero. C’est intéressant de savoir si le système digestif d’un individu de prime abord en bonne santé abrite ou non cette bactérie pathogène, car nous pourrions ensuite proposer des interventions diététiques ou médicales visant à réguler l’abondance de cette bactérie, puisque nous savons qu’elle favorise l’apparition du cancer.»
Contenir la bactérie: le cas «raté» de l’inuline
À la recherche de composants alimentaires ou bactériens capables de limiter la croissance d’Escherichia coli ou la production de la colibactine, les chercheuses se sont d’abord intéressées à divers suppléments alimentaires vantés pour leurs effets bénéfiques sur la santé intestinale.
Elles ont notamment étudié l’inuline, un supplément vendu en pharmacie. Cette fibre alimentaire naturellement présente dans une variété de végétaux est décrite comme «un prébiotique qui nourrit les bactéries saines dans l’intestin».
Or, Manon Oliero et Manuela Santos ont observé que l’inuline augmentait la croissance d’E. coli pks+ et la sécrétion de la colibactine. Elles ont d’abord testé le supplément in vitro, puis sur un modèle murin atteint d’un cancer colorectal et dont l’intestin était colonisé par E. coli pks+, pour constater une augmentation de la croissance de la bactérie et l’accélération de la progression du cancer par rapport au groupe qui n’avait pas reçu d’inuline.
Leurs résultats préliminaires réalisés sur des souches d’E. coli pks+ isolées de selles de patients sont les mêmes: la majorité des souches d’E. coli pks+ seraient capables d’utiliser l’inuline pour accélérer leur croissance.
«Compte tenu de la prévalence d’E. coli pks+ chez les individus en santé et ceux atteints d’un cancer colorectal, la supplémentation en inuline chez les personnes où cette bactérie a colonisé le microbiote devrait être envisagée avec prudence», croit Manon Oliero.
Heureusement, les chercheuses se disent sur la bonne voie pour mettre au jour des composants susceptibles d’inhiber la croissance de la bactérie… plutôt que de l’augmenter comme le fait l’inuline.