La communication scientifique, entre défis et occasions favorables

La Dre Caroline Quach-Thanh

La Dre Caroline Quach-Thanh

Crédit : Benjamin Seropian

En 5 secondes

La 9e Conférence de la montagne mettra notamment en vedette la professeure Caroline Quach-Thanh, véritable porte-étendard de la communication scientifique en temps de crise.

La pandémie de COVID-19 a plus que jamais braqué les projecteurs sur la recherche et le discours scientifique. Appelés à expliquer des concepts parfois complexes ou à nuancer des résultats ou des analyses, les scientifiques sont descendus sur la place publique, parfois contraints par les spécificités des médias et de la politique.

En temps de crise, comment peuvent et doivent cohabiter les acteurs scientifiques, médiatiques et politiques? Quelle position doivent adopter les scientifiques dans la sphère publique? Doit-on privilégier un seul message officiel ou permettre à des voix multiples de s’exprimer pour présenter les nuances?

Telles sont les questions qui seront abordées à la 9e Conférence de la montagne, sur le thème «Sciences, médias et politique en temps de crise: des univers à concilier», présentée le 9 mai à l’occasion du 90e Congrès de l’Acfas.

Animée par la productrice Marie-France Bazzo, la rencontre réunira la Dre Caroline Quach-Thanh et Ryoa Chung, professeures à l’Université de Montréal, et Amélie Quesnel-Vallée, de l’Université McGill.

Microbiologiste-infectiologue de renommée internationale affiliée au CHU Sainte-Justine et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en prévention des infections, la Dre Quach-Thanh aura été plus que sollicitée pendant la pandémie. Où se situe-t-elle dans l’enchevêtrement des frontières entre sciences, médias et politique?

Avant-goût de la conférence.

Avec la pandémie de COVID-19, vous êtes devenue une figure de proue de la communication scientifique en temps de crise. Vous attendiez-vous à tenir ce rôle dans votre carrière?

Pas du tout. J’ai été au «bon moment» au «bon endroit» dans ma carrière. Si c’était arrivé il y a 10 ans, je n’aurais jamais été capable de répondre aux attentes. Mais j’étais rendue à presque 20 ans de carrière avec d’autres expériences et crises de moindre importance derrière la cravate, que j’ai eu à gérer dans des rôles plus modestes. C’était donc un concours de circonstances.

Selon vous, quels sont les défis de la communication scientifique s’adressant au grand public?

C’est justement ce dont il sera question à la conférence: à quel point il est nécessaire d’apporter des nuances, puisque la science, c’est de la nuance sans arrêt, mais en même temps le message est parfois plus difficile à communiquer parce qu’il nécessite de l’interprétation. Donc, on veut discuter à savoir s’il vaut mieux, en temps de crise, avoir un message unique et fort ou si l’on est mieux servi par des messages plus nuancés, mais parfois multiples avec différents interlocuteurs qui peuvent se contredire.

Et quelle est votre opinion sur le sujet?

Personnellement, je crois qu’au final il est plus bénéfique de laisser les gens s’exprimer. Je considère que le public est intelligent, qu’il va réussir à faire la part des choses et bien comprendre les propos. Il doit aussi comprendre que le message n’est pas politique, que les scientifiques sont là pour l’aider à prendre de bonnes décisions et lui expliquer les consignes à suivre quand il y en a.

Diriez-vous que les scientifiques ont bien fait leur travail pendant la pandémie?

Je pense que les scientifiques s’en sont bien sortis. De façon générale, ils ont fait du bon travail, mais il reste difficile de généraliser. Je considère que mes collègues qui sont allés dans les médias l’ont fait pour les bonnes raisons et qu’ils ont été capables d’expliquer ce qu’ils devaient expliquer.

Dans cette ère où la désinformation et les opinions sont répandues, est-ce parfois décourageant d’être scientifique?

Je pense que ça pourrait être pire. Par moments, nous avons tous été un peu découragés au cours des trois dernières années. En même temps, comme scientifiques ou comme professeurs, nous avons la possibilité de nous poser des questions et de trouver des réponses. Nous avons une liberté d’action qui n’existe pas dans d’autres métiers ou milieux. Je nous considère plutôt chanceux d’avoir un certain contrôle sur nos vies.

Et si c’était à refaire, si par exemple une nouvelle pandémie survenait, seriez-vous prête à reprendre le flambeau de la communication?

J’aimerais qu’il y ait 10 ans d’écart entre les deux [rires], juste pour qu’on puisse tous s’en remettre un peu…! Mais oui, je pense que si je suis encore en forme et capable de m’exprimer je vais reprendre le flambeau. En même temps, s’il y a des plus jeunes qui sont prêts à prendre la place, c’est avec plaisir que je vais la leur laisser. L’idée n’est pas d’occuper l’espace à tout prix, mais de le faire parce qu’il faut que quelqu’un le fasse, sinon d’autres s’en chargeront et pas nécessairement pour les bonnes raisons.

Pour terminer, pourquoi avez-vous accepté d’être présidente d’honneur du 90e Congrès de l’Acfas? Que représente ce congrès pour vous?

C’est un congrès pluridisciplinaire où les sciences sociales côtoient les sciences pures et appliquées et où l’on peut apprendre beaucoup les uns des autres. C’est un super forum de vulgarisation, de communication et de pédagogie. De plus, c’est un des rares lieux où l’on peut faire de la science en français.

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