Annaëlle Winand, archiver l’inarchivable

Annaëlle Winand, professeure adjointe à l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information de l'Université de Montréal

Annaëlle Winand, professeure adjointe à l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information de l'Université de Montréal

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

Annaëlle Winand rejoint les rangs de l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information à titre de professeure en archivistique.

«On aurait tendance à voir les archives comme des objets arides, figés, représentant le passé. Pourtant, ces objets sont en constant changement, autant tournés vers l'avenir qu'ils le sont vers le passé. Ce sont des objets qui réunissent des personnes, qui créent beaucoup d'affects et d'émotions et qui sont aussi éminemment politiques», explique Annaëlle Winand, nouvelle professeure d’archivistique à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information (EBSI) de l’Université de Montréal. Ses recherches se concentrent aujourd’hui sur l’impensé archivistique, les archives alternatives et de communauté. 

Passionnée d’histoire et de cinéma

Enfant, Annaëlle Winand se rêvait archéologue… ou marchande de crème glacée! C’est vers l’histoire qu’elle s’est tournée et elle a étudié plus précisément la montée des fascismes et des résistances. «C'est un sujet qui me passionnait non seulement pour analyser le passé, mais aussi pour comprendre les répercussions présentes, politiques, éthiques de ce qui s'est passé et ce qu’on peut en apprendre pour vivre dans notre société», dit-elle. 

Jeune diplômée, elle enseigne l’histoire à des élèves du secondaire dans son pays natal, la Belgique. Mais cette expérience ne l'emballe pas et elle décide de retourner aux études. Ayant fréquenté avec joie le monde des archives et des bibliothèques durant la majeure partie de sa scolarité pour comprendre comment l’histoire se construit et avec quels matériaux, elle entreprend une maîtrise en archivistique à l’Université catholique de Louvain. 

À côté de son travail d’archiviste dans son alma mater, cette passionnée de cinéma écrit des critiques de films pour des revues et sites Web comme Kweb, DesperateZombie ou encore SinistreMagazine.  

Un coup de foudre pour Montréal

C’est tout à fait par hasard qu’Annaëlle Winand est venue à Montréal. Partie travailler dans des vignobles à l’autre bout du monde, en Australie et en Nouvelle-Zélande, elle prend goût aux voyages et s’envole l’automne suivant pour Vancouver. En visitant le pays, elle tombe sous le charme de Montréal et souhaite y travailler comme archiviste. 

«Quand je suis arrivée à Montréal, l’une des choses que j'ai découverte et qui m’a fascinée, c'est le cinéma expérimental. Il y a de nombreux festivals et des distributeurs de films expérimentaux, de vidéos d’art», indique-t-elle. En amour avec ce type de cinéma, elle s’intègre à la communauté et devient notamment programmatrice pour le Montreal Underground Film Festival, puis pour le Groupe Intervention Vidéo.  

Adorant apprendre, des amis lui suggèrent de retourner sur les bancs d’école. Elle lie alors ses deux passions: les archives et le cinéma. «J'avais vu énormément de films qui utilisent des archives comme matière première et je me suis rendu compte qu’on en parlait beaucoup en cinéma, mais vraiment pas en archivistique», observe-t-elle. Elle s’inscrit à l’EBSI et fait, sous la direction d’Yvon Lemay, professeur à l’école, et André Habib, professeur au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM, un doctorat sur l'exploitation des archives dans le cinéma expérimental qui lui vaudra la mention Exceptionnel. 

Réfléchir à l’utilisation des archives grâce aux non-archivistes

Les discours sur l’utilisation des archives par des non-archivistes comme des historiens, des journalistes, des cinéastes, etc., vont permettre d’apprendre des choses nouvelles sur les archives. Cela fascine Annaëlle Winand. Elle prend pour exemple les cinéastes qui travaillent avec des films décomposés. «La décomposition est quelque chose qui est interdit en archivistique, signale-t-elle, puisque si un film est décomposé, c'est qu'on a mal fait son travail et on doit tout faire pour arrêter ce processus. Pourtant des cinéastes disent: “Regardez ces images qui sont en train de se décomposer. Qu'est-ce que ça vous dit du temps? Qu'est-ce que ça vous dit des objets et qu’est-ce que ça vous dit esthétiquement de voir ces films se décomposer?”» 

Des projets d’archivages alternatifs

Quand on pense aux archives, on songe à celles conservées à Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Pourtant, «près de 80 % de ce qui constitue le paysage archivistique au Québec est constitué d'autres types d'archives: archives privées, religieuses, de communauté, archives dans les centres de santé, dans les écoles…», mentionne Annaëlle Winand.  

D’autres organisations regroupent également des archives dites «révolutionnaires». «Ces archives sont souvent collectées par devoir de mémoire, pour des raisons engagées, politiques, communautaires», dit celle qui étudie la complexité et la diversité de ces pratiques archivistiques. 

Elle partage cette diversité de pensée dans son enseignement en archivistique. Cet automne, elle va donner le cours sur la politique de gestion des archives. L'hiver prochain, ce sera le cours de diffusion, communication et exploitation des archives, qu’elle a donné pendant quatre ans à titre de chargée de cours.