Incendies de forêt: la qualité de l’eau des lacs en péril

En 5 secondes

Les incendies de forêt rendraient l’eau des lacs dont les bassins versants ont été brûlés plus trouble et riche en nutriments, a constaté une équipe de recherche canado-américaine.

Plus de deux millions d’hectares de forêt québécoise réduits en cendres. La ville de New York sous un épais couvert de fumée orangée. Plusieurs îles grecques ravagées. La capitale des Territoires du Nord-Ouest évacuée. Plus d’une centaine de décès sur l’île de Maui. Des flammes visibles dans la vallée de l’Okanagan.

L’été 2023 sera pour toujours tristement célèbre pour ses nombreux incendies de forêt qui ont fait rage sur la planète. Exacerbés par les changements climatiques et l’activité humaine, ces évènements sont de plus en plus appelés à faire partie du paysage mondial.

Si l’on sait que ces feux nuisent à la qualité de l’air – en raison des particules fines et des gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère –, qu’en est-il de la qualité de l’eau des lacs des régions incendiées?

Elle aussi serait dégradée, nous informe une étude menée par une équipe canado-américaine dont faisaient partie Jean-François Lapierre, professeur au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, et son étudiante de maîtrise Mathilde Bélair.

L’équipe a échantillonné 30 lacs (15 «brûlés» et 15 témoins) tous les mois pendant un an après le feu de Greenwood dans le Minnesota, aux États-Unis, une région riche en lacs où les incendies de forêt sont historiquement fréquents.

Les chercheuses et chercheurs ont constaté dans les lacs brûlés une augmentation importante des concentrations d’azote, de phosphore, de carbone organique et de matières en suspension, ainsi qu’une réduction de la clarté de l’eau et du pH. Ces changements seraient proportionnels à la gravité et à la superficie des feux.

Causes et conséquences à préciser

Jean-François Lapierre

Pour l’instant, l’équipe ne sait pas avec certitude quel phénomène cause ces perturbations. Jean-François Lapierre avance qu’il s’agit probablement d’un accroissement du ruissellement de l'eau de pluie de la terre vers les lacs en raison de la diminution de l’évapotranspiration, de l’absorption des nutriments par les plantes, de l’interception des précipitations par la canopée et de l’absorption de l’eau par le sol.

«Après un feu, la matière organique est moins bien retenue dans les sols par la végétation et est ainsi lessivée davantage vers les lacs. Heureusement, si cette hypothèse s’avère, on peut présumer que les effets des feux s’estomperont au fur et à mesure que les arbres et les plantes repousseront», explique le chercheur.

Le professeur tient à préciser qu’une réduction de la clarté de l’eau et une augmentation des nutriments ne sont pas dommageables en soi. Cependant, à plus long terme, si l’eau des lacs brûlés est chlorée pour la consommation humaine et présente une forte concentration de carbone, les deux éléments pourraient interagir. La perte de transparence de l’eau pourrait aussi influencer la température et l’oxygénation des différentes couches d’eau, modifiant ensuite la production primaire d’algues et de cyanobactéries.

«Certaines études laissent entendre que les changements dans la transparence de l’eau et dans la concentration de nutriments pourraient aussi accroître la bioamplification des métaux des phytoplanctons vers les poissons», ajoute Jean-François Lapierre.

Des effets potentiellement plus larges?

Mathilde Bélair

L’étude menée au Minnesota étant terminée, Jean-François Lapierre et Mathilde Bélair explorent actuellement des questions similaires quant aux lacs du Québec. S’ils s’attendent à des résultats comparables sur le plan de la clarté de l’eau et des nutriments, l’équipe souhaite aussi investiguer davantage du côté du cycle du carbone.

«On veut savoir ce que devient le carbone contenu dans les sols après un feu: est-ce qu’il retourne dans l’atmosphère sous forme de gaz ou est-il emprisonné dans les sédiments des lacs? Bref, y a-t-il une perte massive de carbone ou un transfert de carbone du milieu terrestre au milieu aquatique?» s’interroge le chercheur.

Rappelons que les incendies de forêt expulsent des milliards de tonnes de CO2 en dévorant de grandes quantités de matière organique. Si les lacs n’absorbent pas le carbone des sols, on peut donc considérer que le bilan carbone de ces feux pourrait être encore plus lourd que ce qui avait été envisagé.

Assurément, voilà un sujet bien chaud…