Réévaluer les gaz à effet de serre dans l'Arctique

Par UdeMNouvelles
En 5 secondes L'ampleur de l'absorption de méthane dans les «puits» des hautes terres pourrait être plus importante qu'on pensait et augmenter dans des conditions de sécheresse, selon une étude dirigée par l'UdeM.
Vue aérienne prise par drone en juin 2019 du site Trail Valley Creek en haute toundra, dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada, où des mesures automatisées et manuelles de flux de gaz sont effectuées. Le trottoir de bois permet d'accéder à chaque site de chambre à flux sans perturber la végétation et influencer les flux de gaz à l'intérieur des chambres; la tente blanche abrite l'analyseur de gaz et le système de contrôle du système de chambre automatisé; et une station micrométéorologique et une tour de covariance des turbulences sont visibles au bas de la photo.

Dans la série

Comprendre les changements climatiques Article 3 / 8

Situées dans des zones de basse altitude saturées d'eau, les zones humides, qui constituent 14 % du territoire de l'Arctique, émettent de grandes quantités de méthane, un puissant gaz à effet de serre. Mais les scientifiques pensent que ces émissions peuvent être atténuées par l'absorption du méthane atmosphérique qui se produit dans les hautes terres de l'Arctique, qui sont bien drainées et qui couvrent plus de 80 % de la région polaire.

Toutefois, jusqu'à présent, les scientifiques ont eu du mal à mesurer, à comprendre et à évaluer les mécanismes sous-jacents, les contrôles environnementaux et l'ampleur de l'absorption du méthane dans ces «puits» des hautes terres. Une étude internationale vient de révéler que cette absorption pourrait être plus importante qu'on pensait et qu'elle pourrait augmenter dans des conditions plus sèches.

Dirigée par Oliver Sonnentag, professeur de géographie à l'Université de Montréal, et menée par une ancienne chercheuse postdoctorale de son laboratoire, Carolina Voigt, l'étude est publiée aujourd'hui dans la revue Nature Climate Change.

«Les scientifiques de l'Arctique ont tendance à installer tous leurs instruments de mesure des flux à des endroits où l'on peut s'attendre à de fortes émissions de méthane. Notre travail réduit ce biais en quantifiant l'absorption du méthane dans les hautes terres et en mettant en lumière les contrôles de cette absorption», indique le professeur Sonnentag, titulaire d'une chaire de recherche du Canada en biosciences de l'atmosphère.

À Trail Valley Creek, une station de recherche dans la toundra, établie sur du pergélisol à 45 kilomètres au nord d'Inuvik (Territoires du Nord-Ouest), dans l'ouest de l'Arctique canadien, l'équipe de l'UdeM a utilisé un dispositif expérimental unique composé de 18 chambres automatisées pour mesurer en continu les flux de méthane. Aucun autre système de chambres automatisées n'existe aussi loin dans le nord au Canada et il n'y en a que quelques-uns au-dessus du cercle polaire à l'échelle mondiale, la plupart étant installés là où les émissions de méthane sont importantes.

Au-delà de 40 000 mesures

Enregistrées entre juin et août en 2019 et 2021, au-delà de 40 000 mesures à haute résolution des flux de méthane ont été effectuées sur trois types de végétation communs: la toundra d'arbustes nains avec couverture de lichens (mais sans plantes vasculaires), la couverture d'arbustes nains à feuilles caduques et à feuilles persistantes et la couverture de touffes d'herbe. Des mesures supplémentaires ont été prises cette fois manuellement sur trois autres portions du territoire arctique situées dans l'ouest du Canada et en Laponie finlandaise.

Les mesures ont révélé une dynamique ininterrompue et saisonnière de l'absorption de méthane inconnue jusqu'à présent: au début et au plus fort de l'été, l'absorption était la plus importante l'après-midi, coïncidant avec la température maximale du sol, mais à la fin de l'été, elle atteignait son maximum pendant la nuit.

«L'absorption de méthane était également étroitement liée à la respiration du dioxyde de carbone de l'écosystème, l'absorption de méthane la plus grande se produisant lorsque les taux de respiration de l'écosystème étaient élevés, mentionne Carolina Voigt, aujourd'hui chercheuse associée à l'Université de Hambourg, en Allemagne. Soutenus par des études en laboratoire, nos travaux montrent un lien entre l'absorption de méthane et le carbone labile [en décomposition] et l'approvisionnement en nutriments.»

«Nos résultats impliquent que l'assèchement des sols et l'augmentation de l'apport en nutriments favoriseront l'absorption du méthane par les sols arctiques, ce qui constituera une rétroaction négative sur le changement climatique mondial, concluent les auteurs dans leur étude. Compte tenu des immenses pertes gazeuses et latérales de carbone associées au dégel du pergélisol et de leurs répercussions climatiques, nous devons en apprendre davantage sur les puits naturels, leur capacité à équilibrer les émissions et leur réponse à l'évolution de l'Arctique.»

À propos de cette étude

L'étude «Arctic soil methane sink increases with drier conditions and higher ecosystem respiration», par Carolina Voigt et ses collègues, a été publiée le 31 août 2023 dans Nature Climate Change. L'étude a été menée par l'Université de Montréal, en collaboration avec l'Université Wilfrid-Laurier et l'Université de Finlande orientale, ainsi qu'avec des scientifiques d'Allemagne, de Finlande, du Canada et des États-Unis. Le financement a été assuré par le projet MUFFIN de l'Académie de Finlande et le projet Changing Arctic Network de la Fondation canadienne pour l'innovation, ainsi que par ArcticNet et les programmes de chaires de recherche du Canada et de subventions à la découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Le travail sur le terrain a été financé par Metsähallitus et l'Aurora Research Institute.

Partager

Demandes médias

Université de Montréal
Tél. : 514 343-6111, poste : 75930