Enseignement, apprentissage et ChatGPT: un mariage potentiellement heureux

L'utilisation de ChatGPT bénéficiera au personnel enseignant ainsi qu'aux étudiantes et étudiants, selon les experts consultés.

L'utilisation de ChatGPT bénéficiera au personnel enseignant ainsi qu'aux étudiantes et étudiants, selon les experts consultés.

Crédit : Getty

En 5 secondes

L’utilisation de ChatGPT dans le domaine de l’éducation soulève des craintes légitimes, mais elle comporte plus d’avantages que d’inconvénients, selon des professeurs de l’UdeM experts en la matière.

Y a-t-il un risque que des étudiants et étudiantes utilisent l’intelligence artificielle (IA) générative de contenu pour tricher ou plagier?  

Oui. 

Un outil comme ChatGPT peut-il induire en erreur le personnel enseignant et les classes en leur fournissant de fausses informations ou des résultats inventés de toutes pièces?  

Oui. 

Mais dès lors que l’on connaît ces risques et qu’on fait preuve de circonspection, l’utilisation de l’IA générative de contenu s’avère fort utile dans différentes sphères de l’enseignement et de l’éducation. Et son utilité ira en grandissant. 

C’est l’avis des professeurs Alexandre Beaupré-Lavallée, Neerusha Baurhoo Gokool, Bruno Poellhuber et Hugo G. Lapierre, de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Selon ces experts, les technologies semblables à ChatGPT changeront surtout les façons d’enseigner et d’apprendre.

Optimiser les apprentissages et la culture de l’IA

Alexandre Beaupré-Lavallée, Neerusha Baurhoo Gokool et Bruno Poellhuber

Alexandre Beaupré-Lavallée, Neerusha Baurhoo Gokool et Bruno Poellhuber

Crédit : Alexandre Beaupré-Lavallée et Neerusha Baurhoo Gokool (courtoisie), Bruno Poellhuber (Amélie Philibert, Université de Montréal)

Pour Alexandre Beaupré-Lavallée, le débat autour du rôle et des risques de l’IA générative de contenu s’apparente à celui qui, en 2007, est survenu avec l’apparition de Wikipédia. 

«Dans la mesure où ChatGPT parviendra à fournir les références auxquelles il recourt lorsqu’il explique un concept, son utilisation pourra permettre aux gens d’apprendre de façon asynchrone», indique le professeur du Département d’administration et fondements de l’éducation. 

«ChatGPT a aussi le potentiel de s’adapter à ceux et celles qui le consultent, ce qui permet d’avoir un assistant personnel pour apprendre en fonction de ses défis d’apprentissage», souligne le professeur Bruno Poellhuber, du Département de psychopédagogie et d'andragogie.  

Selon lui, la grande force de ChatGPT réside dans sa capacité à donner une rétroaction appropriée aux utilisateurs. «La littérature scientifique dans le domaine de l’éducation est formelle: c’est le feedback qui permet les meilleurs apprentissages et ChatGPT ainsi que les robots conversationnels peuvent jouer ce rôle», affirme celui qui est aussi directeur du Centre de pédagogie universitaire de l’UdeM. 

C’est également ce que croit Neerusha Baurhoo Gokool, selon qui ces nouveaux outils peuvent permettre aux étudiantes et étudiants des cycles supérieurs d’améliorer leurs compétences en rédaction scientifique. «Dans les cercles de lecture que j’anime, je perçois que les difficultés liées à la rédaction scientifique provoquent de l’anxiété chez les gens à la maîtrise et au doctorat – notamment ceux qui viennent de l’étranger – et ChatGPT peut les aider à s’améliorer grâce à la rétroaction qu’il peut donner sans qu’ils se sentent jugés!» mentionne la professeure du Département de psychopédagogie et d’andragogie. 

À cet égard, Bruno Poellhuber insiste sur la nécessité de développer et d’étendre une culture de l’IA afin qu’un plus grand nombre de personnes comprennent mieux la façon dont fonctionnent les outils qui en sont dotés et jettent un regard critique sur ce qu’ils nous suggèrent.  

«Il existe de nombreuses techniques permettant de s’assurer d’une meilleure justesse des réponses et la connaissance de ces techniques – telle l’ingénierie des commandes d’invites – fait partie de la culture de l’IA», dit le professeur.

Un meilleur accès à la littérature en enseignement

À l’autre bout du spectre pédagogique, le corps enseignant est aussi à même de bénéficier des avantages que peut procurer ChatGPT, toujours à condition de savoir ce qu’on cherche. 

«En administration et fondements de l’enseignement, le matériel en français recensé par ChatGPT est relativement récent, ce qui donne accès aux ouvrages originaux ainsi qu’aux résumés et aux interprétations secondaires de chercheurs et d’étudiants qui viennent enrichir le contenu livré par l’outil», soutient Alexandre Beaupré-Lavallée.  

Celui-ci émet toutefois des réserves quant à «la qualité très variable des interprétations que ChatGPT peut proposer, bien que plusieurs revues scientifiques publiées en libre accès puissent venir contrebalancer ce risque», nuance-t-il.  

L’IA générative de contenu peut aussi permettre de recenser la littérature scientifique sur un sujet particulier «ou encore de concevoir une planification pédagogique bonifiée en formulant des idées de plans de cours et d’objectifs d’apprentissage qui s’y rattachent, des méthodes d’enseignement ainsi que des évaluations sommatives et les critères d’évaluation correspondants», illustre Bruno Poellhuber. 

Selon lui, il importe surtout que le personnel enseignant demeure à l’affût des possibilités qu’offrent les outils tels ChatGPT afin d’actualiser et améliorer leurs pratiques. 

«Depuis un bon moment déjà, le Centre de pédagogie universitaire effectue une veille de l’IA générative de contenu et c’est ce qui nous a permis d’être en mesure d’offrir rapidement des formations pour mieux outiller le corps enseignant, ajoute le directeur du Centre. Nous disposons désormais d’un réseau d’échange de pratiques formé de conseillères et conseillers pédagogiques et de professeures et professeurs qui poursuivent la réflexion quant aux pratiques à adopter.»

Améliorer les pratiques d’enseignement à l’ère de ChatGPT

Afin d’alimenter cette réflexion, Bruno Poellhuber mène actuellement un projet de recherche auprès du personnel enseignant, de l’effectif étudiant et de différents professionnels des cégeps de Saint-Jérôme et de Lanaudière à Terrebonne ainsi que de l’UdeM. 

«Notre projet vise, entre autres, à mesurer leur degré de connaissance et d’utilisation de ChatGPT tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, explique M. Poellhuber. 

«Nos résultats devraient être connus en mars 2024, mais nous observons d’ores et déjà que les étudiantes et les étudiants éprouvent une certaine inquiétude à l’idée d’y avoir recours, par crainte d’être punis: les risques de plagiat ont tellement monopolisé le débat autour de l’utilisation de ChatGPT qu’ils oblitèrent les avantages potentiels», déplore-t-il.  

À cet égard, Bruno Poellhuber souligne que l’Université de Montréal a pris position quant aux bonnes pratiques relatives à l’utilisation de ChatGPT. 

«L’Université a publié un document qui balise l’utilisation de l’IA générative dans les activités d’enseignement et qui ouvre diverses possibilités d’utilisations pédagogiques d’outils tel ChatGPT tout en les encadrant», conclut-il. 

Ce texte fait partie de la série «Les répercussions présentes et futures de l'intelligence artificielle». Pour lire tous les autres articles, c'est par ici.