La majorité des Québécoises ne veulent pas mourir chez elles
- UdeMNouvelles
Le 18 janvier 2024
- Virginie Soffer
Les désirs de la population québécoise concernant ses lieux de fin de vie et de décès sont bien différents de ce qu’on pourrait imaginer.
Vous pensiez que la très grande majorité des gens souhaitent mourir à domicile? Au Québec, c’est le cas de moins d’une personne sur deux. Tel est le surprenant résultat d’un sondage de la firme Léger mené en 2021 auprès d’un millier de Québécoises et Québécois âgés de 65 ans. Ce sondage a été réalisé pour le compte d’une équipe de recherche interuniversitaire composée d’Isabelle Van Pevenage, professeure au Département de sociologie de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale, Valérie Bourgeois-Guérin, professeure au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, Marianne Kempeneers, professeure au Département de sociologie de l’UdeM, et Patrik Marier, professeur au Département de science politique de l’Université Concordia.
Finir sa vie à domicile, mais ne pas mourir chez soi
Si seulement 49 % des résidants et résidantes du Québec désirent mourir à domicile, 71 % souhaitent en revanche vivre leur fin de vie chez eux. Une personne en fin de vie «a reçu un diagnostic de maladie incurable et les médecins ne seraient pas surpris d’apprendre son décès dans l’année. Cette période peut durer de quelques semaines à plusieurs mois. L’état de santé et l’autonomie de la personne déclinent généralement de manière progressive pour arriver à la période de décès», explique Isabelle Van Pevenage.
«La période de décès désigne la phase terminale d’une maladie et la mort elle-même. Cette phase correspond le plus souvent à un état clinique instable qui provoque une perte accélérée d’autonomie et les besoins relatifs aux soins sont généralement plus importants. Cette période concerne les derniers jours et les dernières heures de vie de la personne», poursuit la chercheuse.
Un désir souvent oublié: celui d’aller en maison de soins palliatifs
Fréquemment négligées dans les discussions, les maisons de soins palliatifs représentent pourtant le deuxième choix des répondants et répondantes. En effet, 22 % expriment le souhait de finir leur vie dans ces établissements, tandis que 37 % désirent y mourir.
En combinant les préférences quant à la fin de vie, si l’on tient compte du domicile et des maisons de soins palliatifs, cela représente une proportion de 71 % des gens. En ce qui concerne le lieu de la mort elle-même, cette proportion s'élève à 86 %. On peut donc affirmer qu'il s'agit d’une volonté majoritaire au sein de la population québécoise.
«Le problème, c’est que l’accès aux maisons de soins palliatifs n’est pas égalitaire. En effet, l'admission dans ces établissements dépend souvent de l'obtention d'un pronostic réservé. Ce sont généralement les personnes atteintes de cancer qui bénéficient de cet accès, ce qui crée une forme d'exclusion sociale à l’endroit des personnes âgées», déclare Isabelle Van Pevenage.
Des résultats bien différents pour les femmes
Ce sondage montre également des différences selon les sexes. Seulement 39 % des femmes préféreraient mourir chez elles contre 61 % des hommes. Isabelle Van Pevenage émet l’hypothèse que les femmes ne souhaiteraient pas être une charge pour leur entourage.
Les femmes manifestent par ailleurs un optimisme moindre par rapport aux hommes en ce qui concerne la réalisation de leurs souhaits de fin de vie. Environ 32 % des répondantes ayant le désir de passer leurs derniers jours à domicile estiment que cela sera réalisable comparativement à 45 % chez les hommes. De plus, parmi celles qui veulent mourir chez elles, 36 % pensent que cette possibilité se concrétisera, tandis que ce taux atteint 44 % chez les hommes.
Pour comprendre la disparité entre les aspirations des femmes et celles des hommes, Isabelle Van Pevenage propose une piste de réflexion empruntée au sociologue Bernard Lahire, qui s’est beaucoup intéressé à la mobilité sociale. Afin d’expliquer le fait que les jeunes des classes plus défavorisées ne sont pas enclins à vouloir entreprendre des études supérieures, il suggère que «ce qui n’est pas objectivement accessible ne devient plus subjectivement désirable».
Des résultats qui diffèrent selon le niveau de scolarité
Le sondage révèle également que les individus qui ont un niveau de scolarité plus élevé tendent davantage à privilégier le domicile comme lieu de fin de vie et de décès. De plus, les personnes les plus scolarisées affichent un optimisme supérieur quant à la concrétisation de leur souhait de mourir à domicile.
À noter que cette enquête a été menée pendant la pandémie, et les personnes participantes les plus éduquées ont été moins nombreuses à indiquer que la COVID-19 a influencé leur choix du domicile comme lieu de décès.