Urbanisme scolaire: transcender les frontières des écoles
- UdeMNouvelles
Le 26 février 2024
- Béatrice St-Cyr-Leroux
L’urbaniste et chercheur Juan Torres partage sa vision pour renouveler l’école et créer des communautés plus inclusives et durables.
«L’école est bien plus qu’un simple bâtiment situé sur un terrain délimité. Elle fait partie d’une expérience tant pour les élèves que pour les adultes autour d’eux.»
Tel est le plaidoyer de Juan Torres, urbaniste et professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur les déterminants environnementaux de la mobilité quotidienne des enfants et la participation des jeunes à l’aménagement de leur milieu de vie.
À ses yeux, une amélioration des établissements scolaires d’un point de vue urbanistique passe par une vision plus large de l’école. «L’école est un lieu de socialisation, de rencontre, d’échange. Elle est ancrée dans son quartier et doit être considérée comme un équipement urbain bien particulier», estime le professeur.
Une philosophie à revoir
«Je n’aime pas l’expression citoyens du futur lorsqu’on parle des enfants, poursuit Juan Torres. Ça vient d’une bonne intention, mais les enfants sont des individus d’aujourd’hui. Ils contribuent activement à leur communauté, à part entière.»
Selon le chercheur, il est «réducteur» de considérer les enfants exclusivement comme des êtres «vulnérables, incomplets dans leur développement et en déficit de compétences». Et c’est une telle vision qui se transpose au cadre bâti de l’école et en fait un lieu replié sur lui, à l’abri des rues et d’une ville perçues comme hostiles, inadéquates pour y grandir.
Pourtant, indique Juan Torres, l’école devrait faire l’objet de réflexions plus larges sur le rôle qu’elle peut jouer dans le quartier et la ville qui l’hébergent. Réciproquement, la ville devrait être envisagée comme le prolongement naturel de l’école. Tel est le cœur de l’urbanisme scolaire, une approche qui place l’école au cœur d’un projet urbain porteur d’une vision de société.
Un espace clé de la construction citoyenne
En prônant cette approche qui assume davantage la richesse de l’école, on peut ensuite penser les bâtiments scolaires autrement, croit Juan Torres. Parmi les éléments clés à prendre en compte se trouve l’emplacement des écoles, puisque la distance domicile-école dicte le moyen de transport préconisé.
Le professeur rappelle que se déplacer à pied ou à vélo permet d’inclure l’activité physique dans sa routine quotidienne – et ainsi d’en ressentir les effets positifs sur la santé physique et la santé mentale –, en plus d’être un moment privilégié d’interaction avec sa communauté et son voisinage.
«C’est aussi un moment important pour apprendre à composer avec certaines situations d’incertitude dans l’espace public et à les gérer de façon autonome. Cette “culture piétonne” s’acquiert petit à petit. On apprend donc autant sur le chemin de l’école qu’à l’école elle-même», souligne l’urbaniste.
D’ailleurs, en considérant le potentiel éducatif de l’espace urbain, Juan Torres pense qu’on peut démythifier la ville et la nécessité perçue d’amener les enfants à l’école en voiture. «Cette approche protectrice a un effet pervers qui perpétue les vulnérabilités, en plus d’accroître les risques pour les autres élèves. Souvent, les abords des écoles deviennent dangereux à cause des parents mêmes», note-t-il.
Juan Torres ajoute qu’il est aussi pertinent d’envisager les installations scolaires comme des ressources collectives et polyvalentes. Mutualiser les lieux peut permettre par exemple de loger des activités offertes par des organismes communautaires ou d’élargir l’offre municipale en sports et loisirs.
«L’école est un bâtiment structurant de la ville. Nous ne pouvons pas penser une communauté complète sans l’école», résume-t-il.