Études socratiques

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Le professeur de philosophie Louis-André Dorion présente son livre «Études socratiques».

Dix ans après avoir remporté le prix François Millepierres de l'Académie française pour son ouvrage L’autre Socrate: études sur les écrits socratiques de Xénophon, Louis-André Dorion, professeur et directeur du Département de philosophie de l’Université de Montréal, répond à l'appel de son éditeur en publiant Études socratiques, un nouveau recueil comprenant 11 analyses approfondies consacrées à Socrate. Parmi elles, 5 sont présentées pour la toute première fois en français, offrant ainsi un nouvel éclairage sur la figure emblématique de la philosophie antique. 

Louis-André Dorion a répondu à nos questions. 

Socrate n’ayant rien écrit, comment peut-on reconstituer sa pensée?

On connaît la vie et la pensée de Socrate par l’intermédiaire de ses principaux «témoins». On distingue les témoins directs, c’est-à-dire les contemporains de Socrate, tel Aristophane, ou ses disciples, comme Platon et Xénophon, et les témoins indirects, à savoir ceux qui ont vécu après Socrate et qui nous rapportent des informations à son sujet, entre autres Aristote. Force est de constater qu’il y a de grandes divergences entre ces différentes sources.  

On appelle «question socratique» la question de savoir s’il est possible, à partir de ces témoignages, de reconstituer la pensée du Socrate historique. Pendant les deux siècles passés, on a assisté à de nombreuses tentatives de reconstitution qui privilégiaient tantôt telle source, tantôt telle autre ou encore une combinaison de certaines d’entre elles, mais aucune de ces tentatives n’est parvenue à créer un consensus parmi les historiens de Socrate. À l’heure actuelle, la tendance prédominante est de considérer que la question socratique est un problème insoluble et probablement mal posé en ce sens que les premiers témoignages sur Socrate n’ont jamais eu la prétention de rapporter fidèlement sa pensée. Nous sommes donc beaucoup plus sensibles, aujourd’hui, à la diversité irréductible des différentes représentations de Socrate et c’est d’ailleurs pourquoi le Que sais-je? que j’ai consacré à Socrate, en 2004, est divisé en quatre principaux chapitres qui étudient chacun les principaux portraits de Socrate, soit ceux d’Aristophane, de Platon, de Xénophon et d’Aristote.  

Comment Xénophon dépeint-il Socrate?

L’intérêt premier des écrits socratiques de Xénophon – Mémorables, Banquet, Économique, Apologie – est de nous offrir un portrait «alternatif» de Socrate: c’est le seul portrait complet, issu des milieux socratiques, que nous puissions opposer à celui de Platon. Il ne fait aucun doute que le Socrate de Xénophon ne peut être réduit au Socrate de Platon et que leurs doctrines respectives sont inconciliables sur de nombreux points. Ceux qui prétendent le contraire se contentent en fait de recoupements superficiels qui masquent des désaccords plus profonds. Par exemple, alors que le Socrate de Platon se prétend ignorant des sujets les plus importants et qu’il cherche en vain à définir les vertus, le Socrate de Xénophon ne se déclare jamais ignorant d’un sujet qui relève de l’éthique et il est en mesure de définir les vertus. Autre exemple: si le Socrate de Platon identifie la vertu à une connaissance et ne semble pas reconnaître qu’on puisse la perdre, le Socrate de Xénophon considère que la vertu est le fruit de l’exercice et qu’on peut la perdre aussitôt qu’on cesse de s’y exercer. Dernier exemple: dans la mesure où la force physique est indispensable à l’acquisition et à l’exercice de la vertu, le Socrate de Xénophon accorde beaucoup plus d’importance que le Socrate de Platon au soin et à la bonne condition du corps. 

À qui destinez-vous cet ouvrage?

Étant donné que les études qui composent ce livre sont initialement parues dans des périodiques spécialisés en philosophie ancienne ou des ouvrages collectifs qui portent sur des aspects précis de la philosophie de Socrate, le public visé est d’abord constitué de spécialistes de la pensée de Socrate et aussi, plus largement, de ceux et celles qui désirent approfondir leurs connaissances sur Socrate. Pour qui souhaiterait une introduction à la pensée de Socrate et se familiariser avec les différents portraits que ses principaux témoins nous ont laissés, je conseillerais plutôt la lecture de Socrate, que j’ai publié en 2004 dans la collection Que sais-je?. 

À propos de ce livre

Louis-André Dorion, Études socratiques, Paris, Les Belles Lettres, 2023, 352 p. 

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