Des étudiants proposent la restauration d’un couvent au Portugal

Les étudiantes et étudiants ont considéré dans leur projet d’intervention à la fois l’état actuel des ruines et leur histoire en relation avec les écosystèmes existants.

Les étudiantes et étudiants ont considéré dans leur projet d’intervention à la fois l’état actuel des ruines et leur histoire en relation avec les écosystèmes existants.

Crédit : Miquel Reina Ortiz

En 5 secondes

Pendant un voyage d’études au Portugal, des étudiants en architecture ont proposé une intervention dans le bâtiment historique du couvent des capucins à Setúbal.

Du 3 juin au 1er juillet, 20 étudiants et étudiantes de deuxième année en architecture de l'Université de Montréal ont séjourné au Portugal pour proposer une intervention de restauration légère sur le bâtiment historique du couvent des capucins d’Alferrara, situé dans la région de Setúbal, au sud de Lisbonne. Cette initiative s'inscrit dans le cadre de l’atelier international «hors les murs» donné par Miquel Reina Ortiz, professeur d’architecture à la Faculté de l’aménagement de l’UdeM, avec la collaboration d’Ana Tomé, professeure à l’Instituto Superior Técnico (IST) de Lisbonne, et de Jesse Rafeiro, chercheur postdoctoral au Tokyo College. L'atelier s'est déroulé en juin à l'IST et comprenait également une semaine de travail sur le terrain au couvent des capucins.

Comprendre la spécificité du lieu

Pendant l’atelier, les étudiants et étudiantes ont rencontré un expert en histoire des couvents de Lisbonne, un ingénieur des systèmes hydrauliques et des spécialistes en géologie ainsi que de la flore et de la faune. Grâce à des recherches et à des conversations avec l'actuel directeur du lieu, Fábio Vicente, ils ont pris connaissance de l’histoire du couvent. «Le couvent des capucins d'Alferrara, construit à partir de 1333 sur ce même emplacement , fut habité par une communauté franciscaine de frères capucins jusqu'à son abandon en 1834, à la suitede la dissolution des ordres religieux au Portugal. Cet abandon a conduit à la dégradation de l’endroit jusqu'à ce qu’il soit vendu avec le couvent voisin de São Paulo à l’Association des municipalités de la région de Setúbal en 1986», explique Miquel Reina Ortiz. 

Aujourd'hui, les deux couvents sont utilisés comme ferme pédagogique, offrant aux jeunes générations un aperçu de la région rurale de Setúbal. On y propose également diverses activités communautaires locales telles que des excursions dans la nature, des activités de recherche, des concerts et des représentations théâtrales liées à l’histoire du lieu.  

Une panoplie d’outils

Pour pouvoir analyser des zones difficiles d’accès, les étudiantes et étudiants ont pu recourir à une vaste panoplie de techniques d'enregistrement numérique: appareil photo à développement instantané, caméras numériques panoramiques et non panoramiques ainsi qu’un drone. Ils ont aussi employé la photogrammétrie, qui consiste à prendre des images superposées afin de créer un modèle 3D, et le balayage laser pour recueillir des données sur le couvent lors d'une étude préliminaire. Ces outils leur ont notamment permis d’obtenir des informations détaillées sur des emplacements du couvent de la région d’Alferrara à utiliser plus tard pour mieux comprendre le bâtiment et élaborer leur intervention.  

Une approche de restauration intégrée

«Selon le paradigme dominant en matière de conservation, on déclarerait le couvent des capucins en ruine et une série d’actions devraient être exécutées pour restaurer et maintenir l'intégrité physique du bâtiment et le protéger des processus d'érosion, d'altération et de décomposition. Nous voyons plutôt l'état actuel du couvent comme une occasion d'explorer et de comprendre les multiples relations passées entre les gens et les éléments qui ont façonné le lieu. Notre objectif est de proposer une exploration de ces ruines qui favorise dans les futurs processus de restauration  de l’endroit la prise en compte de ses valeurs patrimoniales et le maintien du lien avec le passé plutôt que son accentuation», dit Miquel Reina Ortiz. 

Le professeur propose ainsi une approche intégrée qui ne prend pas simplement en compte la matérialité physique du couvent. En groupe de trois à cinq personnes, les étudiants et étudiantes ont réfléchi aux dimensions environnementale, sociale, économique et culturelle du lieu. Par exemple, ils ont proposé la récupération du jardin médicinal et la création d'une aire de jardinage à saveur pédagogique avec l'introduction de nouvelles espèces, la remise en état de la cuisine pour restaurer l'ancienne tradition culinaire, la reconstruction des quatre dernières pièces du dortoir pour permettre aux visiteurs de se rassembler et de se reposer, la reconversion de l’infirmerie en espace de recherche et de guérison dans la nature et, enfin, la préservation du système hydraulique d'origine comme lieu de contemplation et d'éducation. 

Les étudiantes et étudiants ont considéré dans leur projet d’intervention à la fois l’état actuel des ruines et leur histoire en relation avec les écosystèmes existants, qu’il s’agisse de la communauté environnante, de la flore ou de la faune. «Les éléments naturels sont vus comme des agents destructeurs des ruines existantes. Cependant, les frères capucins considéraient autrefois ces agents comme essentiels au développement de leur économie autonome. L’endroit est marqué par la présence de diverses espèces d'arbres comme le chêne, le liège, l'olivier, le caroubier et l'érable. Les bâtiments n'étaient pas seulement en brique et en mortier, en faisaient aussi partie des vergers, des installations médicinales et des jardins potagers enracinés dans le climat d'Arrábida. Ce qu’on appelle aujourd'hui des mauvaises herbes et dont on cherche à se débarrasser a pourtant permis la vie de la communauté dans le passé», poursuit Miquel Reina Ortiz. 

Le professeur a ainsi invité ses étudiants et ses étudiantes à changer leur regard sur la manière dont ils perçoivent l'architecture en leur proposant d’aller au-delà de l'idée d'un bâtiment comme une structure finie et stable. «Dès lors l'altération, plutôt que d'être considérée comme une détérioration, devient un processus qui imprègne un bâtiment de nouvelles couches de caractère et de beauté. J’encourage les architectes à accepter cette impermanence et à réfléchir à des usages futurs qui respectent le patrimoine l’endroit et servent la communauté actuelle», conclut-il. 

  • Crédit : Miquel Reina Ortiz
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  • Crédit : Miquel Reina Ortiz
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