Un nouveau stage en intervention spirituelle à Lausanne
- UdeMNouvelles
Le 4 septembre 2024
- Virginie Soffer
Des étudiants ont réalisé un stage au Centre hospitalier universitaire vaudois de Lausanne, découvrant de nouvelles pratiques et approches en soins spirituels.
Pour la toute première fois, cet été, six étudiantes et étudiants inscrits au diplôme d’études supérieures spécialisées en spiritualité et santé de l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal ont eu la possibilité de réaliser leur stage clinique en intervention en soins spirituels au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) de Lausanne, en Suisse. Ce stage intensif piloté par le professeur Jean-Marc Barreau a été rendu possible grâce à une subvention d'UdeM international.
Sur place, la supervision du stage a été assurée par Mario Drouin, un cadre en formation spirituelle au CHUV, d’origine québécoise. Grâce à son expérience et à sa compréhension des contextes culturels et méthodologiques distincts entre la Suisse et le Québec, il a guidé chaque stagiaire dans l’acquisition de compétences essentielles pour intervenir en soins spirituels. Ce stage d’un mois a permis aux personnes participantes de découvrir de nouvelles pratiques tout en s’immergeant dans un cadre culturel différent de celui du Québec.
L’importance de l’évaluation spirituelle dans les soins de santé
Le professeur Jean-Marc Barreau insiste sur l’importance d’intégrer dans la formation des futurs intervenants et intervenantes en soins spirituels la notion de santé globale. «Si l’on réfléchit à la santé du patient, on va s'apercevoir qu’il est susceptible de vivre une sorte de détresse qui peut avoir des ramifications spirituelles. Si tel est le cas, on va essayer de soulager cette détresse spirituelle pour faire en sorte que la détresse générale soit moins grande», explique-t-il. Le professeur donne pour exemple ces représentations mortifères que les patients peuvent avoir au sujet de la transcendance. Représentations qui nourrissent une culpabilité et qui exigent une intervention judicieuse en soins spirituels. Il évoque notamment le cas de patients qui associent leur maladie à une punition divine, une croyance qui peut causer une souffrance spirituelle supplémentaire. L’évaluation spirituelle permet donc de détecter ces fausses croyances et de travailler avec les patients pour les libérer de ce poids infécond, favorisant ainsi un apaisement global. «C’est vrai pour tout patient, mais plus encore pour celles et ceux qui sont admis aux unités de soins palliatifs», déclare le professeur.
«Il s’agit d’une évaluation spirituelle et non d'une évaluation religieuse», insiste Jean-Marc Barreau. Selon lui, cette distinction est essentielle pour intégrer la spiritualité dans la dynamique interdisciplinaire des soins de santé. «Si la spiritualité n'était que religieuse, elle serait extérieure à l'interdisciplinarité, elle resterait confessionnelle, ajoute-t-il. En la distinguant de la religion, on permet au personnel de la santé – qu'il s'agisse d'infirmières, de médecins ou de psychothérapeutes – de s'approprier cette dimension et donc de contribuer, dans une saine collaboration avec les intervenantes et intervenants en soins spirituels, à une prise en charge générale du patient.»
Simulations au programme
Avant de rencontrer des patients, les stagiaires ont pu bénéficier de séances de simulation au CHUV, un aspect particulièrement formateur du stage. Ces simulations, d'une durée de quatre heures chacune, faisaient appel à des comédiens jouant le rôle de patients et ont permis aux étudiants et étudiantes de mettre à profit leurs compétences en soins spirituels dans des conditions quasi réelles. Après chaque simulation, une relecture détaillée était effectuée par le superviseur et les pairs, qui offraient des retours critiques pour améliorer les interventions futures. Les étudiants et étudiantes travaillaient alors notamment sur les transferts, les contretransferts et les abus spirituels potentiels. «Ces simulations, parfois vécues comme déstabilisantes par les stagiaires, se sont révélées extrêmement formatrices. Elles ont permis aux étudiantes et aux étudiants de s’exercer dans un environnement sécurisé avant d’être confrontés ultérieurement à des situations réelles avec de véritables patients, limitant ainsi les risques d’erreurs ou de maladresses dans leur future pratique professionnelle», mentionne Jean-Marc Barreau.
Découverte d’un nouveau modèle d’évaluation spirituelle
Au CHUV, les stagiaires ont été initiés au modèle d’évaluation spirituelle STIV, approche qui intègre quatre dimensions de la spiritualité comme l’indique l’acronyme: le sens (S), la transcendance (T), l’identité (I) et les valeurs (V). Ce modèle offre ainsi une approche holistique de l’évaluation spirituelle. Il permet non seulement d’examiner les dimensions spirituelles du patient, mais aussi de comprendre comment celles-ci définissent la vie du patient. «En somme, il s’agit de dessiner l’identité spirituelle du patient afin que celle-ci soit considérée dans le rapport du patient à sa santé, à sa finitude. Le STIV se distingue par sa capacité à intégrer ces éléments de manière cohérente et à fournir une évaluation complète de la situation spirituelle du patient», indique Jean-Marc Barreau.
Autres approches en soins spirituels
Les différences entre les pratiques suisse et québécoise en matière de soins spirituels ne se limitent pas aux modèles d’évaluation. Jean-Marc Barreau met en évidence une distinction sémantique importante qui reflète des approches différentes dans l’accompagnement des patients: au Québec, on parle d’«intervention spirituelle», tandis qu’en Suisse on privilégie le terme «accompagnant spirituel». Cette distinction traduit une différence dans la façon d’accompagner le patient. Au Québec, l’intervention spirituelle est souvent perçue comme une démarche ponctuelle, intégrée dans une dynamique clinique globale où chaque professionnel intervient à un moment précis du parcours du patient. En revanche, en Suisse, l’accompagnement spirituel est envisagé comme un processus continu où l’intervenant marche aux côtés du patient sur le long terme, dans une logique d’accompagnement durable et de soutien progressif. Le professeur souligne qu’il s’agit là d’une différence plus profonde dans la manière dont les soins spirituels sont perçus et intégrés dans le système de santé.
Une autre différence majeure entre les deux contextes culturels est le rapport à la religion et à la spiritualité. Jean-Marc Barreau explique qu’au Québec la spiritualité tend à être dissociée de la religion en raison de l’héritage laïque de la société québécoise. Par contre, dans le canton de Vaud, dont dépend Lausanne, la religion et la spiritualité cohabitent plus facilement sans pour autant se confondre. Cette conception influence directement la façon dont les soins spirituels sont donnés, les patients ayant des attentes et des besoins en fonction de leur culture spirituelle personnelle et du contexte sociétal qui les a construits.
En confrontant les pratiques suisse et québécoise, les étudiantes et étudiants auront ainsi acquis une perspective précieuse pour offrir des interventions spirituelles toujours plus adaptées aux besoins diversifiés des patients.