Un référendum sur l’égalité est-il stressant pour les personnes LGBTIQ+?
- Salle de presse
Le 23 juillet 2024
- UdeMNouvelles
L’étude montre que les arguments et les déclarations de personnes en défaveur de l’égalité du mariage ont eu un effet négatif sur les niveaux de stress biologique des personnes LGBTIQ+ et de leurs alliés, mais que cet effet s’atténuait lorsqu’ils recevaient plusieurs déclarations de soutien de la part de personnes en faveur de l’égalité du mariage.
Crédit : GettyLorsque la Suisse a consulté ses citoyens sur le droit des minorités sexuelles et de genre de se marier et d’adopter des enfants, le bilan a été lourd, explique Robert-Paul Juster, chercheur à l’UdeM.
Comment le référendum suisse de 2021 sur l’égalité du mariage, l’adoption et les droits reproductifs a-t-il affecté le bien-être des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, intersexuées et queers (LGBTIQ+) du pays?
Une nouvelle étude internationale impliquant l’Université de Montréal suggère que les personnes LGBTIQ+ et leurs alliés hétérosexuels cisgenres ont sécrété plus d’hormones de stress pendant la campagne controversée.
Cette découverte, publiée aujourd’hui dans la revue américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), a été conduite par une équipe de chercheurs de l’UdeM, de l’université de Zurich et de l’université de Princeton.
«Cette étude unique est une “expérience de la nature” qui nous a permis de mesurer le stress avant, pendant et après le référendum suisse non seulement sur le mariage de même sexe, mais aussi sur les droits reproductifs des femmes», dit Robert-Paul Juster, professeur agrégé au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’UdeM et l’un des coauteurs. «Des études comme celle-ci nous permettent de voir comment les changements de lois peuvent avoir un impact sur la santé publique.»
Des études ont montré que les personnes LGBTIQ+ sont confrontées à des inégalités systémiques persistantes et à des discriminations qui peuvent nuire à leur bien-être. Lorsque les préoccupations de la communauté LGBTIQ+ sont abordées dans des débats publics de grande ampleur, cela peut laisser des traces et des cicatrices, ajoute-t-il.
«Les campagnes politiques contre les droits des personnes LGBTIQ+ peuvent renforcer les expériences vécues de discrimination, de rejet et d’aliénation par la société dominante chez des personnes déjà stigmatisées», souligne l’autrice principale de l’étude, Léïla Eisner, chercheuse postdoctorale en psychologie à l’université de Zurich.
Lors du référendum de septembre 2021, environ deux tiers des citoyens suisses adultes ont voté en faveur de la modification du Code civil du pays afin de légaliser le mariage entre personnes de même sexe, d’autoriser les couples de même sexe à adopter des enfants et de permettre aux couples lesbiens d’avoir accès aux techniques de procréation assistée.
La modification est entrée en vigueur en juillet 2022, faisant de la Suisse l’un des derniers pays d’Europe occidentale à accorder aux couples de même sexe le droit de se marier.
Des échantillons de cheveux sont prélevés pour évaluer le stress
Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont interrogé 954 personnes au moment du référendum sur le «mariage pour tous» en Suisse, et ont également recueilli des données biologiques à partir d’échantillons de cheveux de 393 d’entre eux, un processus dirigé par Juster de l’UdeM.
Ils ont constaté que les cheveux des personnes LGBTIQ+ et de leur entourage hétérosexuel cisgenre présentaient des niveaux considérablement plus élevés de marqueurs biologiques de stress tels que le cortisol et la cortisone pendant la campagne comparativement aux niveaux retrouvés avant ou après celle-ci.
Le stress perçu, cependant, n’a augmenté dans aucun des deux groupes.
Ce phénomène pourrait s’expliquer par le fait que le stress perçu est influencé par de nombreux facteurs comme le stress au travail ou à la maison ou, pendant l’étude, le stress causé par la pandémie de COVID-19. Alors que la campagne référendaire a laissé des traces dans les marqueurs biologiques du stress, les gens ont peut-être sous-estimé leur niveau de stress dans les questionnaires auxquels ils ont répondu, suggèrent les chercheurs.
L’étude montre que les arguments et les déclarations de personnes en défaveur de l’égalité du mariage ont eu un effet négatif sur les niveaux de stress biologique des personnes LGBTIQ+ et de leurs alliés, mais que cet effet s’atténuait lorsqu’ils recevaient plusieurs déclarations de soutien de la part de personnes en faveur de l’égalité du mariage.
«La campagne en faveur de l’égalité du mariage a manifestement contribué à atténuer les conséquences de la discrimination sur la santé», conclut la maîtresse de conférences en psychologie de l’université de Zurich, Tabea Hässler, qui a codirigé la recherche.
«Cependant, les données de notre étude montrent également que l’engagement dans la campagne n’a pas toujours été exempt de conflits. Cela illustre l’importance de l’équité dans les relations interpersonnelles afin d’améliorer la santé des populations minoritaires.»
À propos de cette étude
The impact of marriage equality campaigns on stress – Did a Swiss public vote get under the skin?, par Léïla Eisner, Susanne Fischer, Robert-Paul Juster et Tabea Hässler, a été publié le 22 juillet 2024 dans PNAS. Le financement des analyses biologiques a été assuré par une chaire en sciences du sexe et du genre des Instituts de recherche en santé du Canada ainsi que par une subvention accordée à Robert-Paul Juster par le Vice-rectorat à la recherche, à la découverte, à la création et à l’innovation de l’UdeM.
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Université de Montréal
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