Adolescents et armés

Des programmes scolaires visant à développer des compétences sociales, la communication et la résolution pacifique des conflits pourraient contribuer à prévenir de nombreux problèmes sociaux, bien au-delà des questions liées aux armes à feu.

Des programmes scolaires visant à développer des compétences sociales, la communication et la résolution pacifique des conflits pourraient contribuer à prévenir de nombreux problèmes sociaux, bien au-delà des questions liées aux armes à feu.

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René-André Brisebois, expert en criminologie, nous éclaire sur les raisons qui incitent les jeunes à s’armer et propose des pistes de prévention pour enrayer cette violence grandissante.

René-André Brisebois

René-André Brisebois

Crédit : Courtoisie

Une soirée d'information sur la circulation des armes chez les jeunes, organisée par le Réseau des partenaires en sécurité urbaine et au cours de laquelle sera diffusé le documentaire Ados et armés, se tiendra le 23 septembre. 

À cette occasion, nous nous sommes entretenus avec l’un des panélistes, René-André Brisebois, chargé de cours à l’École de criminologie de l’Université de Montréal ainsi qu’au certificat d’intervention auprès des jeunes de la Faculté de l’éducation permanente de l’UdeM. Il est également coordonnateur professionnel au centre d'expertise de l'Institut universitaire Jeunes en difficulté. 

Pourquoi les jeunes ressentent-ils le besoin de s'armer pour se défendre?

La première raison souvent mentionnée par les jeunes, et qu’on retrouve dans la littérature scientifique, est le besoin de protection. Les jeunes se sentent en danger ou vivent dans un milieu qu’ils perçoivent comme hostile, avec des risques d'agression. Se procurer une arme devient alors un moyen de se sentir en sécurité. 

Il existe d'autres motivations. Il peut y avoir le besoin de valorisation de sa propre image. Pour certains jeunes, posséder une arme représente une forme de prestance qui pourra impressionner les autres. Une arme peut aussi servir à intimider pour obtenir ce qu'on souhaite.  

Dans un contexte d’activités délinquantes, notamment le trafic de drogues, une arme sert à se protéger. Et enfin, dans d'autres situations encore plus circonscrites, dans des groupes délinquants très actifs, où des ennemis peuvent attaquer, l’arme devient un moyen de défense et confère un statut au sein du groupe. 

Comment expliquer que de plus en plus de jeunes possèdent des armes à feu à Montréal?

Plusieurs hypothèses sont avancées. Bien que le coût des armes à feu ait considérablement augmenté ces dernières années, les adolescents en possèdent davantage. Cela s’explique en partie par une transformation de la criminalité, notamment avec l'essor des fraudes technologiques et du vol de véhicules, des activités très lucratives qui touchent Montréal et d’autres grandes métropoles d’Amérique du Nord. Les jeunes impliqués dans ces délits gagnent beaucoup d’argent, ce qui engendre des tensions et des conflits. Ils ressentent donc le besoin de se protéger en se procurant des armes. 

Malheureusement, la possession d'une arme influence directement le comportement et la perception du danger. Des méta-analyses démontrent que le simple fait de posséder une arme conduit à percevoir des contextes comme plus dangereux qu'ils le sont réellement et rend l’utilisation de l’arme plus probable, même si à l'origine elle était acquise pour se protéger. C’est ainsi que des jeunes se retrouvent à utiliser des armes alors qu'il n’y avait pas de danger immédiat. 

Quelles recommandations feriez-vous pour enrayer cette violence grandissante?

La prévention est essentielle dans une approche à long terme. Les actions répressives ne sont efficaces que sur le court terme: elles permettent d’effectuer des arrestations et de réduire momentanément la violence armée, mais elles ne résolvent pas le problème en profondeur. 

Il est capital d’investir dans des efforts de prévention dès le plus jeune âge. Des programmes scolaires visant à développer des compétences sociales, la communication et la résolution pacifique des conflits pourraient contribuer à prévenir de nombreux problèmes sociaux, bien au-delà des questions liées aux armes à feu. Le soutien parental est aussi indispensable. Certains parents manquent de ressources ou d’outils pour encadrer leurs enfants aux prises avec des problèmes de comportement. Des programmes d'accompagnement familial pourraient pallier ces lacunes. 

Ensuite, on tient pour acquis que nul n’est censé ignorer la loi. C'est un beau principe qu’il faudrait concrètement enseigner aux adolescents. Il faudrait leur expliquer quels comportements sont attendus, quels autres ne sont pas acceptables et les conséquences qui en découlent. À l’adolescence, il est également important d’apprendre aux jeunes à résister à la pression de leurs pairs.  

Enfin, pour les jeunes qui ont basculé dans la criminalité, les intervenants de proximité jouent un rôle clé. Ils peuvent établir des liens avec ces jeunes, les amener à réfléchir à leurs choix et proposer des solutions pour répondre à leur besoin de sécurité ou de valorisation sans avoir recours aux armes.  

Les stratégies de désescalade des conflits, menées par des médiateurs, peuvent en outre contribuer à apaiser des situations potentiellement violentes. Si un médiateur a l’impression qu’une fusillade est en train de s'organiser en lien par exemple avec des ennemis dans des groupes criminalisés, il va essayer de calmer le jeu en disant par exemple: «Vous allez attirer l'attention de la police si vous faites cela et ce ne sera pas nécessairement bon pour vous, cela risque de mettre en danger les jeunes de la communauté.»  

En résumé, une combinaison de ces différentes stratégies est nécessaire pour réduire la violence armée à long terme. 

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