Même sans commotion, les coups à la tête sont dangereux

Aux yeux de Louis De Beaumont, le débalancement répété de l’équilibre entre le glutamate et le GABA pourrait contribuer à augmenter le risque de souffrir de certaines maladies neurologiques.

Aux yeux de Louis De Beaumont, le débalancement répété de l’équilibre entre le glutamate et le GABA pourrait contribuer à augmenter le risque de souffrir de certaines maladies neurologiques.

Crédit : James Hajjar

En 5 secondes

Une nouvelle étude met en relief les conséquences neurochimiques des coups à la tête qui ne mènent pas à une commotion cérébrale, mais qui peuvent nuire malgré tout à la santé du cerveau.

Au cours d’un match de football, un joueur reçoit un coup assez puissant à la tête. Il ne se sent pas étourdi ni confus: il semble avoir évité la commotion cérébrale. Pourtant, malgré l’absence de symptômes commotionnels, l’impact subi a perturbé l’équilibre chimique de son cerveau. Et ce débalancement n’est pas sans répercussions.

Voilà la conclusion d’une nouvelle étude menée par Louis De Beaumont, neuropsychologue clinicien et professeur au Département de chirurgie de l’Université de Montréal: recevoir des coups à la tête d’une certaine puissance mène à une toxicité cérébrale, même lorsqu’il n’y a pas de commotion.

Une «cascade excitotoxique»

Louis De Beaumont

Louis De Beaumont

Crédit : Bonesso-Dumas

Pour arriver à cette conclusion, l’équipe de recherche a mesuré l’activité neuronale – grâce à la stimulation magnétique transcrânienne – d’une vingtaine de joueurs de football universitaires avant et après un match.

Par rapport aux mesures de base, les footballeurs ayant reçu un coup d’une force de 40 g (qui équivaut à 40 fois la gravité terrestre) présentaient une «désinhibition corticale».

«Les données montrent qu’un coup n’entraînant pas de symptômes commotionnels déclencherait néanmoins une cascade neurométabolique excitatrice semblable à celle de la commotion cérébrale. Cette cascade serait le résultat d’un dérèglement du délicat équilibre entre le glutamate, le principal neurotransmetteur excitateur du cerveau responsable du déclenchement d’un influx nerveux, et le GABA [l’acide gamma-aminobutyrique], le principal neurotransmetteur inhibiteur dont la tâche est de désactiver le neurone», explique Louis De Beaumont.

Le chercheur du Centre de recherche de l’Hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal ajoute que, lorsque cet équilibre est rompu, le cerveau tombe en «crise énergétique», laquelle peut provoquer la mort de neurones.

Temporaire et durable à la fois

Selon le professeur, ce déséquilibre neurochimique a une durée qui se mesure généralement en jours ou en semaines et son ampleur serait liée à la gravité des symptômes d’une commotion. Le déclenchement répété de la cascade neurométabolique excitatrice associée aux coups récurrents inhérents à la pratique de sports de contact pourrait toutefois entraîner des dérèglements durables de l’homéostasie entre le glutamate et le GABA.

Cela peut alors occasionner l’apparition de symptômes notamment sur les plans de la mémoire, de l’équilibre et de l’humeur. En outre, ces symptômes commotionnels ont tendance à s’accentuer avec l’avancement en âge, alors que le processus de vieillissement réduit également les capacités du cerveau.

Aux yeux de Louis De Beaumont, ce débalancement répété de l’équilibre entre le glutamate et le GABA pourrait contribuer à augmenter le risque de souffrir de certaines maladies neurologiques, comme la sclérose latérale amyotrophique, l’encéphalopathie chronique traumatique et les troubles de l’humeur.

Un potentiel préventif

Des athlètes qui reçoivent un coup à la tête, mais qui n’ont pas de symptômes commotionnels vont souvent rester sur le terrain et continuer à jouer. Or, à la lumière de ces résultats, on comprend que recevoir un ou plusieurs autres coups accroît la réponse excitotoxique et, ainsi, augmente le risque pour l’athlète de subir une commotion pendant le match.

En sachant cela, mesurer l’activité cérébrale et faire un suivi systématique des forces d’impact sur la tête à chaque match et à chaque entraînement avec contact pourrait être utile pour la prévention des blessures dans ce type de sports.

«On pourrait être sur les lignes de terrain et mesurer l’association entre les coups puissants à la tête et la réponse excitatrice du cerveau. Les informations recueillies nous permettraient à terme de fournir aux équipes une mesure objective sur laquelle fonder le retrait de l’athlète du terrain par précaution si l’on juge que le jeu n’en vaut pas la chandelle», conclut le chercheur.

À propos de cette étude

L’article «Short-term changes in the physiology of the primary motor cortex following head impact exposure during a Canadian football game», par Louis de Beaumont et ses collègues, a été publié le 16 février 2024 dans le Journal de neurochirurgie.

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