Prendre la température des étoiles
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Le 19 septembre 2024
- UdeMNouvelles
Un chercheur de l'UdeM à la tête d’une équipe d’astronomes a mis au point une technique qui permet de mesurer les variations de température des étoiles avec une précision inégalée, une première!
Les astronomes étudient les étoiles avec la spectroscopie, qui permet d'analyser la lumière qu'elles émettent dans toutes les couleurs. Une équipe menée par Étienne Artigau, chercheur à l'Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx), a mis au point une méthode qui permet d'extraire du spectre d'une étoile la variation de sa température, au dixième de degré Celsius près, sur des échelles de temps variées.
«En suivant la température des étoiles, on peut en apprendre beaucoup sur elles: leur période de rotation, leur activité stellaire, leur champ magnétique. Cette connaissance intime des étoiles est aussi essentielle pour trouver et étudier leurs planètes», explique le chercheur.
Dans un article qui paraîtra prochainement dans l’Astronomical Journal, l'efficacité et la grande polyvalence de la technique sont démontrées grâce à des observations de quatre étoiles très différentes faites avec les télescopes Canada-France-Hawaii et celui de 3,6 m de La Silla.
Connaître les étoiles pour connaître leurs planètes
L'équipe s'est d'abord intéressée aux spectres des étoiles pour améliorer la détection d'exoplanètes avec la méthode de vélocimétrie. Cette méthode consiste à mesurer la légère oscillation d'une étoile provoquée par l'attraction gravitationnelle d'une planète en orbite autour de cette étoile. Plus on arrive à mesurer de faibles variations de vitesse de l'étoile, plus on peut repérer des planètes de faible masse. Étienne Artigau et son équipe ont mis au point une technique de vélocimétrie qui consiste à exploiter tout le spectre de l'étoile, et pas uniquement quelques portions, comme c'était d'usage, afin d'arriver à détecter des planètes aussi peu massives que la Terre autour de petites étoiles.
En s'inspirant du succès obtenu avec cette technique, le chercheur a eu l'idée d'exploiter une stratégie similaire pour déterminer non pas les variations de vitesse des étoiles, mais plutôt celles de leur température.
Cette mesure se révèle tout aussi cruciale pour l'étude des exoplanètes, qu'on observe la plupart du temps de manière indirecte, en suivant de près leur étoile. Dans les dernières années, les astronomes se sont butés à la difficulté de distinguer dans leurs observations ce qui relève de l'étoile de ce qui relève de ses planètes. Cela s'avère un problème autant pour découvrir des exoplanètes avec la méthode de vélocimétrie que pour en apprendre plus sur leur atmosphère avec la méthode de spectroscopie de transit.
«C'est très difficile de confirmer la présence d'une exoplanète ou d'étudier son atmosphère sans connaître avec précision les propriétés de l'étoile hôte et leur variabilité dans le temps. Cette nouvelle technique nous offre un outil inestimable pour nous assurer que les connaissances que nous acquérons sur les exoplanètes sont solides et pour aller plus loin dans notre caractérisation de ces dernières», indique Charles Cadieux, doctorant à l'iREx qui a contribué à l'étude.
Une précision inégalée
La température à la surface des étoiles est une propriété fondamentale que les astronomes tiennent à mesurer, car elle leur permet de déduire la luminosité de ces dernières et leur composition chimique. Dans le meilleur des cas, la température exacte d'une étoile peut être connue avec une précision d'environ 20 °C.
Avec cette nouvelle technique, on ne s’intéresse pas aux températures exactes, mais à leurs variations dans le temps. Et l’on arrive à les mesurer avec une précision remarquable.
«On ne sait pas si l’étoile est à 5000 ou 5020 °C, mais on peut savoir si sa température a augmenté ou diminué d'un degré ou même moins! Personne n’avait jamais réussi cela. Déterminer ce genre de changement de température est déjà tout un défi pour le corps humain, alors imaginez pour une boule de gaz à des milliers de degrés qui se trouve à des dizaines d'années-lumière!» s'enthousiasme Étienne Artigau.
Une nouvelle technique efficace et polyvalente
Pour démontrer que leur technique fonctionne, les astronomes ont utilisé des observations faites avec le spectrographe SPIRou (télescope Canada-France-Hawaii) et le spectrographe HARPS (télescope de 3,6 mètres de l'Observatoire européen austral).
Dans les données obtenues par ces deux télescopes pour quatre petites étoiles du voisinage solaire, l'équipe arrive à voir clairement des changements de température, qu'elle attribue tantôt à la rotation des étoiles, tantôt à ce qui se passe à leur surface ou dans les environs.
La nouvelle technique permet de mesurer de grandes variations de température. Pour l'étoile AU Microscopii, connue pour avoir une très grande activité stellaire, l'équipe enregistre des variations de près de 40 °C.
Grâce à cette technique, on repère aussi bien les changements très rapides, comme ceux causés par la rotation sur elles-mêmes en quelques jours d'AU Microscopii ou d'Epsilon Eridani, que ceux qui se produisent sur une échelle beaucoup plus longue, une prouesse très difficile à réaliser avec des télescopes au sol.
«On arrive à mesurer des changements de quelques degrés ou moins qui surviennent sur des périodes très longues, par exemple ceux associés à la rotation de l'étoile de Barnard, une étoile très calme qui tourne sur elle-même en cinq mois, mentionne Étienne Artigau. Pour mesurer cette variation, subtile et très lente, on avait dû recourir à Hubble à l'époque!»
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L'équipe d'astronomes a repéré de très grands changements de température pour l'étoile AU Microscopii, qui est connue pour être très active, posséder un disque de poussières et avoir au moins une planète qui gravite autour d'elle (visible ici en silhouette).
Crédit : NASA, ESA, Joseph Olmsted (STScI)
À propos de cette étude
L’article «Measuring Sub-Kelvin Variations in Stellar Temperature with High-Resolution Spectroscopy» sera publié sous peu dans l’Astronomical Journal. En plus d'Étienne Artigau et de Charles Cadieux, l’équipe comprend les chercheurs Neil J. Cook et Romain Allart, le professeur René Doyon, l'étudiante de maîtrise Laurie Dauplaise et la stagiaire Maya Cadieux, de l'iREx, de même que sept coauteurs des États-Unis et de France.
Relations avec les médias
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Marie-Ève Naud
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx)
Tél: 514-279-3222 -
Julie Gazaille
Université de Montréal
Tél: 514 343-6796