Le mur de visualisation des Bibliothèques: pour transformer la recherche et l’enseignement
- UdeMNouvelles
Le 25 septembre 2024
- Juliette Tirard-Collet
Le mur de visualisation de la Bibliothèque des sciences du campus MIL est maintenant accessible à la communauté universitaire.
Le mur de visualisation de la Bibliothèque des sciences du campus MIL de l’Université de Montréal est maintenant accessible à la communauté de l’UdeM et prêt à accueillir les projets. Composé de 27 écrans à haute définition qui forment une surface d'affichage tactile de plus de neuf mètres de largeur et deux mètres de hauteur, le mur offre une expérience immersive complétée par un système sonore performant. Un ordinateur et une suite logicielle permettent le contrôle des écrans et la salle peut accueillir jusqu’à 30 personnes.
Une technologie de pointe pour la communauté de l’UdeM
Alain Borsi, directeur de la Bibliothèque des sciences, explique: «L’ensemble de la communauté de l’UdeM est invitée à venir profiter de cette installation, car c’est une technologie qui s’adapte à toutes les disciplines et à toutes sortes de projets. Nous offrons un service d’accompagnement pour son utilisation, qu’il s’agisse d’un projet de recherche, d’une idée pour un cours ou d’un travail de session. Le mur est situé au Complexe des sciences, mais toutes les facultés sont les bienvenues!»
Les applications du mur sont nombreuses, comme le mentionne Benjamin Constantineau, chef de la Bibliothèque: «On pourrait penser à la projection de modélisations, par exemple d’une cellule, d’une fleur ou d’un réseau neuronal, qui permettrait d’explorer le sujet de manière interactive soit dans le contexte d’un cours, soit pour un projet de recherche. Il est également possible de connecter plusieurs ordinateurs pour se partager l’interface – on peut donc comparer en temps réel différentes projections épidémiologiques ou des modèles climatiques. Le projet réalisé avec le professeur Château-Dutier était aussi une belle illustration de l’utilisation faite de notre laboratoire de visualisation pour explorer les images à haute résolution.»
L’histoire de l’art à la Bibliothèque des sciences
Quel que soit son nom, la bibliothèque du campus MIL est ouverte à toute la communauté de l’UdeM et ses ressources peuvent être utilisées peu importe les domaines d’études et de recherche. Le professeur Emmanuel Château-Dutier a d’ailleurs été l’un des premiers chercheurs à utiliser le mur de visualisation pour un projet de recherche. Retour sur son expérience en six questions.
En quoi un mur de visualisation intéresse-t-il un chercheur en histoire de l’art?
Je m’intéresse à tous les apports des technologies numériques aux domaines patrimonial et culturel et à celui de l’histoire de l’art. En tant que responsable de l’axe numérique d’une recherche dirigée par Joanne Lamoureux [de l’UdeM], le laboratoire de recherche L’Ouvroir d'histoire de l’art et de muséologie numériques, j’explore tous azimuts les nouvelles formes de valorisation des contenus culturels et du propos en histoire de l’art.
Comment un outil tel le mur de visualisation des Bibliothèques s’inscrit-il dans votre démarche?
J’ai eu l’occasion de travailler sur le mur de visualisation aux premiers temps de la conception d’une application numérique servant à l’exploration d’une œuvre numérisée de l’artiste Righettino [voir l'encadré sur les images à haute résolution]. En voyant l’image affichée sur le mur, j’ai été surpris du rapport très différent à l’image que provoquaient le grand écran et l’hyperzoom. Par le changement d’échelle, on était directement immergé dans l’image et l’exploration visuelle du contenu se trouvait complètement transformée.
J’avais déjà conscience des possibilités en matière de visualisation des données, les visualisations interactives notamment, mais je n’avais pas du tout prévu que le changement d’échelle des images modifierait mon rapport au contenu de cette manière. C’est certainement quelque chose que je vais explorer plus avant.
Avez-vous des projets pour le mur?
J’aimerais tester sur ce grand écran tactile une application que nous avons élaborée. C’est un prototype interactif qui permet de travailler dans l’image en opérant des recadrages et une sorte de visite guidée interactive autour de l’image, qui exploite le protocole IIIF [un protocole d’interopérabilité des images]. Cette application a été développée pour le Web, mais c’est une interface assez générique, alors l’idée serait de voir comment elle se comporte sur grand écran, comment on peut l’y adapter.
Les grands écrans [comme le mur] seraient très utiles pour travailler sur les images. Le changement de rapport à l’image est immédiat, dans la visibilité des motifs. On peut y travailler en équipe, car on regarde la même chose, on peut interagir avec le contenu et partager des recadrages. On pourrait même imaginer un mode de travail collectif sur l’image avec la segmentation des écrans, puisque le mur est constitué de 27 écrans qui peuvent ou non être synchronisés.
Vous touchez à deux domaines, la muséologie et l’histoire de l’art. D’après votre expérience, le mur pourrait-il être utile dans d’autres disciplines?
Construire une argumentation et la soutenir au moyen de l’image, c’est un défi que nous avons en histoire de l’art, mais j’imagine que l’usage de la preuve par image se pose dans différentes disciplines ou des questions comparables dans d’autres domaines, notamment en sciences humaines.
On pourrait également considérer les changements quant au format des thèses – comme les options en recherche-création. On en vient donc à remettre en question les moyens de publication et de communication des résultats.
Et pour l’enseignement, voyez-vous des applications?
En histoire de l’art, souvent, on projette les images, mais c’est un rapport très standardisé à l’image à cause des moyens à notre disposition dans l’enseignement.
Avant, il y a eu les projections doubles, où l’on travaillait avec deux chariots pour décaler les projections. Maintenant, on a les présentations assistées par ordinateur, mais ça reste un mode de présentation de l’image extrêmement linéaire.
Si l’on avait des interfaces qui permettaient de fouiller les images durant les cours, on obtiendrait une fluidité dans le propos et dans l’utilisation des images. Et comme le mur peut être connecté au Web, à des bases de données d’images pertinentes en ligne, on peut suivre aussi la discussion avec les étudiants et étudiantes, juxtaposer les images à l’échelle, les travailler.
Auriez-vous des conseils pour ceux et celles qui, dans d’autres disciplines que l’histoire de l’art, voudraient utiliser le mur dans leurs recherches?
Il faut être assez stratégique dans le choix des applications. Il y a encore du travail de développement à faire pour des interfaces adaptées à nos besoins. Des applications existent déjà qu’il serait intéressant de tester sur grand écran.
Il faut se préparer. Par exemple, pour utiliser l’hyperzoom, il faut des images à très haute résolution et des moyens techniques, comme un serveur IIIF pour travailler avec l’hyperzoom de manière efficace.
Il faut aussi s’appuyer sur les connaissances techniques du personnel des Bibliothèques qui est mobilisé pour l’utilisation du mur. On a la chance d’avoir du personnel formé aux technologies numériques et aux usages créatifs de ces technologies.
Et peut-être planifier quelques séances de travail parce que la présence de l’image peut vraiment changer la donne. Il faut garder l’esprit ouvert sur ce qui peut être découvert comme application en cours de route. Il ne faut pas hésiter à essayer, explorer ce qui devient possible avec ce changement de perception. On peut aussi tirer parti de la très grande taille du mur, notamment pour les interactions multiples avec l’image.
On peut communiquer avec l’équipe de création numérique des Bibliothèques pour plus d’information sur le mur de visualisation à l’adresse creanum(at)bib.umontreal.ca.
Des images à très haute résolution
En réponse entre autres aux besoins d’Emmanuel Château-Dutier, l'équipe des Bibliothèques a acquis une expertise dans la valorisation des objets numériques. Il est possible, par exemple, de comparer côte à côte des images à très haute résolution tirées des collections numériques de différents musées (comme l'exemplaire de British Algae, d’Anna Atkins, conservé à l'UdeM et celui qui se trouve à New York) et de les encoder en images pyramidales de sorte à faciliter leur exploration, sans latence, pour une expérience aussi fluide que d'observer les originaux avec une loupe de bijoutier. Sans les maux de dos et dans le confort de la Bibliothèque des sciences.
Pour en savoir plus
Voir la vidéo Créer des liens par l’histoire de l’art numérique, produite par la Faculté des arts et des sciences, qui met en vedette Fannie Caron-Roy, alors étudiante et assistante de recherche, et les professeurs Denis Ribouillault et Emmanuel Château-Dutier.