Élections américaines: les États pivots sous la loupe des étudiants de Sorel Friedman

Sorel Friedman devant sa classe

Sorel Friedman devant sa classe

Crédit : Martin Lasalle

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Dans le cours qu’elle donne depuis plus de 20 ans, Sorel Friedman intègre les élections présidentielles américaines comme outil d'apprentissage de la langue anglaise et de la culture américaine.

Le 2 octobre en après-midi, l’atmosphère était effervescente dans la classe de Sorel Friedman: la trentaine d’étudiantes et d’étudiants inscrits au cours Contemporary American Culture affûtaient leurs connaissances en vue du débat des candidats à la vice-présidence des États-Unis qui allait avoir lieu en soirée. 

C’est que depuis plus de deux décennies, la chargée de cours du Département de littératures et de langues du monde de l’Université de Montréal utilise les élections présidentielles américaines comme outil pédagogique. Et la campagne actuelle ne fait pas exception!  

«L'objectif est d'approfondir leur connaissance de la langue anglaise et celle de la culture américaine, mais au-delà de la simple maîtrise linguistique, j’offre une véritable immersion dans la complexité du système électoral américain et des cultures qui l’ont forgé», explique Sorel Friedman avec passion.

L'aventure a commencé en 2000, à l'aube de l'ère numérique. «Le soir de l'élection, toute la classe prenait part à une séance de clavardage en espérant que les résultats sortent avant 22 h, se souvient l’enseignante. Or, cette année-là, les résultats se sont fait attendre au-delà de la fin du trimestre, après que les tribunaux ont déclaré la victoire de George W. Bush sur Al Gore.» 

Aujourd'hui, le cours a évolué, mais son essence reste la même.  

Les étudiants et étudiantes de Sorel Friedman, dont plusieurs viennent de l’étranger à la faveur d’un programme d’échange, plongent dans l'analyse des swing states, ces États pivots qui peuvent faire basculer une élection. «On n'entre pas dans le politique, précise-t-elle. Le but est de comprendre le fonctionnement des élections américaines dans ces États et de constater l’évolution des comportements électoraux depuis les élections précédentes.»

Six États clés sous la loupe

Roxane, Mary, Sorel Friedman et Sudeshna dans le cours du 2 octobre dernier

Crédit : Martin Lasalle

Réunis en équipe, les étudiantes et étudiants échangent ce qu’ils ont appris en scrutant l'actualité et l'histoire de six États pivots de la présente élection, soit la Pennsylvanie, le Wisconsin, le Michigan, la Géorgie, le Nevada et l'Arizona. Chaque groupe travaille sur un État et communique ensuite ses découvertes au reste de la classe. 

«J’ai choisi six swing states où quelques milliers de votes changeront peut-être le cours des choses pour plus de 350 millions de personnes!» fait remarquer l’enseignante.  

Sudeshna, une étudiante enthousiaste, s'est penchée sur le cas de la Géorgie. «Cet État du sud a toujours été républicain, sauf à deux occasions, dont en 2016, où les démocrates l'ont emporté par une différence de seulement 0,24 % des voix!» explique-t-elle. Elle souligne que la pauvreté et la violence sont les principaux sujets d’inquiétude dans cet État où la course s'annonce serrée. 

Du côté du Nevada, Roxane a découvert un État en pleine mutation. «Auparavant majoritairement républicain, l’État a vu sa population croître au fil des dernières décennies grâce à l'arrivée de gens de la Californie – plutôt démocrate – et de personnes des pays d'Amérique du Sud», dit-elle en indiquant que l'économie et le logement sont au cœur des préoccupations de l’électorat, ainsi que le droit à l'avortement, qui pourrait redevenir un sujet brûlant en cas de victoire républicaine. 

Mary, quant à elle, s'est intéressée aux réalités du Michigan. «Les difficultés de l'industrie automobile et plus généralement du secteur manufacturier représentent la problématique dominante de cet État, note la native de la Nouvelle-Calédonie. Il y a aussi une division entre les questions urbaines, axées sur la justice sociale, et rurales, centrées sur l'économie et l'immigration.» 

Un enseignement dynamique et continu

Agissant comme un guide, Sorel Friedman ne limite pas son cours à l'analyse des États pivots. Son groupe explore la structure du gouvernement américain et le fonctionnement du collège électoral, et assiste à des conférences d'invités. Une activité particulièrement appréciée est la séance «Ask an American», où les étudiantes et les étudiants peuvent poser directement leurs questions à des citoyens américains. 

Sorel Friedman insiste sur l'importance de comprendre les enjeux actuels à travers le prisme de l'histoire. Elle recommande à sa classe la lecture de Letters from an American, de l'historienne Heather Cox Richardson, qui analyse quotidiennement l'actualité à la lumière du passé. 

Le point culminant du cours sera la soirée électorale du 5 novembre. Tout le groupe se réunira virtuellement pour suivre en direct les résultats, particulièrement attentif à ce qui se passera dans les six États pivots étudiés. «Ils apprennent l'histoire en temps réel en suivant le processus électoral depuis le début de la session», mentionne fièrement Sorel Friedman. 

Pour eux, l'expérience est enrichissante à plus d'un titre. Au-delà de l'amélioration de leur anglais, ils acquièrent une compréhension approfondie de la société américaine et de ses mécanismes démocratiques. «Ce cours nous permet d'élargir notre culture générale», résume Mary, traduisant le sentiment général de la classe. 

Et fait remarquable, l’influence du cours va bien au-delà de la session. «Certains anciens et anciennes restent en contact avec moi pour échanger sur les élections, ce qui me fait plaisir, car je souhaite que leur apprentissage se poursuive au-delà du trimestre universitaire et qu’ils continuent à faire preuve de curiosité», conclut Sorel Friedman.

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