Une nouvelle chaire UNESCO en politiques éducatives et profession enseignante

La Chaire a comme objet central les transformations de la profession enseignante entraînées par les politiques éducatives visant à assurer la disponibilité d’enseignantes et enseignants qualifiés en nombre suffisant.

La Chaire a comme objet central les transformations de la profession enseignante entraînées par les politiques éducatives visant à assurer la disponibilité d’enseignantes et enseignants qualifiés en nombre suffisant.

Crédit : Getty

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La Chaire UNESCO en politiques éducatives et profession enseignante vise à contribuer à une amélioration des politiques nationales relatives au personnel enseignant.

Créée en mai 2023, la Chaire UNESCO en politiques éducatives et profession enseignante a pour objectif de contribuer à une amélioration des politiques en matière de développement de la profession enseignante ainsi que des programmes de formation destinés aux futurs enseignants et enseignantes. 

La Chaire, rattachée au Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante de l’Université de Montréal, a comme objet central les transformations de la profession enseignante entraînées par les politiques éducatives visant à assurer la disponibilité d’enseignantes et enseignants qualifiés en nombre suffisant. Cet objet est abordé dans trois axes majeurs. Le premier explore les politiques et pratiques de gestion du personnel enseignant; le second s'intéresse à la diversification de l’offre de formation; et le troisième examine les pratiques professionnelles. Ensemble, ces axes visent à mieux comprendre les effets des politiques sur l’attractivité de la profession, la satisfaction professionnelle, la rétention ou l’attrition du personnel enseignant, la qualité de l'enseignement et, ultimement, les apprentissages des élèves. 

Le titulaire de la Chaire est Martial Dembélé, professeur au Département d’administration et fondements de l’éducation de l’UdeM. La Chaire est également codirigée par Adriana Morales Perlaza, directrice du même département, et Geneviève Sirois, professeure au département Éducation de l'Université TELUQ. 

Une chaire inspirée par deux décennies d'observation des effets de la contractualisation sur la profession enseignante

Martial Dembélé

Martial Dembélé

Crédit : Julie Durocher

La création de cette chaire a pour origine une étude dirigée il y a près de 20 ans par Martial Dembélé au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Sénégal. À l'époque, il s'intéressait avec son équipe à la formation et à la gestion du personnel enseignant du primaire et ils ont rapidement perçu les effets des politiques de contractualisation sur le corps enseignant. «Dans les années 1990, des organisations internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont, dans une certaine mesure, imposé à ces pays une réduction de la taille de la fonction publique. Et c'était en même temps la décennie de l'éducation pour tous et il fallait donc recruter massivement des enseignants et des enseignantes pour atteindre la scolarisation universelle au primaire en 2000», explique Martial Dembélé. Pour combler ce déficit de main-d’œuvre, des contrats à durée déterminée ont été instaurés, menant à une transformation radicale du corps enseignant. «Dans certains pays, en à peine quelques années, les enseignantes et enseignants permanents ne représentaient plus que de 10 à 20 % du personnel», observe-t-il. Cette évolution a marqué le point de départ de la Chaire. 

Martial Dembélé poursuit: «Initialement, je souhaitais créer un observatoire pour suivre en temps réel l’évolution de la profession dans ces quatre pays. Deux décennies plus tard, cette chaire vise précisément à comprendre comment les politiques influencent la profession et les acteurs qui la composent. Il est essentiel de réfléchir attentivement à ces effets, car ils façonnent profondément le groupe professionnel et son avenir.» 

Reconnaître le travail enseignant par des moyens non pécuniaires au Québec

Martial Dembélé souligne le double discours dans la rhétorique politique au Québec: «On insiste sur le rôle particulièrement important des enseignants et enseignantes, mais en même temps, on les rend responsables de problèmes qui échappent souvent à leur contrôle.» Selon lui, ce mélange de louanges et de critiques est renforcé par des décisions qui envoient des messages ambigus, comme l’introduction de programmes de formation accélérés. «Lorsqu’on passe d’un baccalauréat de 120 crédits à faire en quatre ans à des programmes qualifiants de 30 crédits pour devenir membre du personnel enseignant, cela transmet un signal décourageant à celles et ceux qui sont déjà en poste et aux personnes qui envisagent d’exercer la profession.» 

Une recherche que la Chaire a récemment lancée se penche ainsi sur les formes de reconnaissance non pécuniaire les plus prometteuses en matière de fidélisation du personnel scolaire québécois. «La reconnaissance peut être de divers ordres. Elle peut être verbale, comme des remerciements ou des encouragements, tangible, comme la mise en place de mesures visant la conciliation travail-famille, mais aussi symbolique, à travers des initiatives telles que la Semaine des enseignantes et des enseignants. Chaque année en février, cette célébration mobilise les centres de services scolaires et les facultés universitaires d’éducation, qui organisent diverses activités pour souligner l'importance de la profession», mentionne-t-il. L’objectif de cette recherche est donc d’évaluer les retombées de ces formes de reconnaissance sur la satisfaction professionnelle, la persévérance et la rétention du personnel enseignant dans le système éducatif québécois. 

Un soutien international pour le renforcement des capacités en éducation

En plus de leur mission de recherche, les chaires UNESCO ont pour mandat de contribuer au renforcement des capacités dans les pays qui en font la demande. À ce titre, la chaire de l’UdeM mène un projet en Tunisie, soutenu par l'UNICEF, visant à moderniser la formation initiale du personnel enseignant du primaire. Le projet comporte une première phase d’analyse approfondie de l’offre actuelle de formation en Tunisie, suivie d’une révision du référentiel de compétences et de la maquette des programmes. Ces travaux devraient conduire à des propositions concrètes pour actualiser et améliorer les programmes de formation du corps enseignant. Une fois les nouvelles orientations validées, l'équipe prévoit élaborer une préparation pour les formateurs et formatrices – incluant non seulement les professeurs et professeures d’université qui interviennent dans les 10 instituts tunisiens de formation du personnel enseignant, mais aussi les inspecteurs et inspectrices pédagogiques supervisant les stages. «Nous avons mobilisé une équipe diversifiée, composée de collègues de notre faculté et d’autres facultés d’éducation au Québec, en collaboration étroite avec des homologues en Tunisie», dit Martial Dembélé. 

Les projets de la Chaire ne se limitent pas au Québec et à la Tunisie. Grâce à des collaborations établies depuis des décennies, l'équipe mène des activités dans plusieurs régions du monde: l’Afrique francophone, l’Amérique latine, l’Europe de l’Ouest et le reste du Canada. Par exemple, Adriana Morales Perlaza entretient des liens étroits avec des chercheurs et chercheuses au Chili et en Colombie, tandis que Martial Dembélé et Geneviève Sirois collaborent avec de nombreux collègues d’Afrique subsaharienne depuis les années 1990 et 2010 respectivement. Progressivement, la Chaire entend étendre ses partenariats. «Au fur et à mesure que les collaborations vont s'élargir, d'autres régions seront concernées», conclut Martial Dembélé. 

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