L'apprentissage musical: un atout pour le développement cognitif des enfants
- UdeMNouvelles
Le 25 novembre 2024
- Martin LaSalle
Une méta-analyse réalisée par le doctorant Kevin Jamey, de l’UdeM, mène à des résultats prometteurs quant aux bienfaits de l'apprentissage musical sur le contrôle de l’inhibition chez les enfants.
Apprendre à jouer d’un instrument de musique permettrait aux enfants d’avoir un meilleur contrôle de l’inhibition, c’est-à-dire de concentrer leur attention sur la tâche à exécuter en résistant aux distractions et aux réactions automatiques ou impulsives.
C’est ce que révèlent les résultats d’une méta-analyse qui paraît dans l’édition de novembre de la revue Cognition et réalisée par le doctorant Kevin Jamey au Département de psychologie de l’Université de Montréal, sous la direction du professeur Simone Dalla Bella.
Ce qui rend ce projet de recherche unique – qui repose sur l’analyse de 22 études publiées entre 1980 et 2023 et menées auprès de 1734 enfants âgés de 3 à 11 ans –, c’est qu’il se concentre sur l’effet de l’apprentissage musical sur une seule capacité cognitive, le contrôle de l’inhibition, jugé crucial dans le développement de l’enfant.
Des études réalisées dans neuf pays
Le corpus des 22 études – qui ont été réalisées dans neuf pays – comporte 8 essais randomisés avec groupe témoin, considérés comme la norme d'excellence en recherche, et 14 sont des études longitudinales.
À partir des données recueillies, Kevin Jamey a constaté que l’apprentissage d’un instrument de musique procure un effet positif «moyen-fort» sur le contrôle de l'inhibition.
Ainsi, les essais randomisés avec groupe témoin révèlent un effet de taille moyen de 0,60, un résultat considéré comme significatif. «À partir d’un effet de taille de 0,4, nous sommes en mesure, par exemple, de faire des recommandations de changements de politiques publiques», illustre le doctorant.
Pour ce qui est des études longitudinales, c’est-à-dire menées sur une plus longue période auprès d’une cohorte de jeunes, l'effet de taille reste significatif bien que plus modeste, soit 0,36.
«Ces résultats dépassent ceux des méta-analyses précédentes sur les effets de l'apprentissage musical transférés aux fonctions exécutives en général, commente Simone Dalla Bella. Ils surpassent également ceux relatifs à l'efficacité d'autres types d'entraînements cognitifs tels les jeux vidéos.»
Des bienfaits distincts
Cet effet positif de l’apprentissage musical sur le contrôle de l’inhibition était observable indépendamment de l'âge des enfants ayant pris part à l’une ou l’autre des études analysées, de l'intensité de l'entraînement musical ou de la méthode d'apprentissage musical.
«Notre méta-analyse porte sur diverses formes d'apprentissage musical, des cours particuliers aux leçons en groupe, et nous avons noté que les cours incorporant un encadrement individuel, surtout hors du cadre scolaire, semblent avoir l’influence la plus forte, puisqu’il y a moins de distractions tant pour l'élève que pour le professeur», souligne Kevin Jamey.
Les données ont aussi permis de déterminer qu'il suffirait d'un minimum de 300 minutes d'entraînement musical, au total, pour observer un effet sur le contrôle de l'inhibition. Cette durée relativement courte laisse entendre que même une pratique musicale modérée peut être bénéfique.
Pas une solution miracle, mais un potentiel certain
Les auteurs indiquent que les résultats de leur méta-analyse ne présentent pas la musique comme une solution miracle. «L'apprentissage musical doit être guidé et basé sur des résultats scientifiques pour être vraiment efficace, insiste Simone Dalla Bella. Mais bien que la musique n'améliore pas tout, elle semble avoir des effets bénéfiques sur certaines fonctions cognitives qu'il faut continuer à explorer.»
Kevin Jamey et Simone Dalla Bella sont optimistes quant aux applications potentielles de l’apprentissage musical chez les enfants ayant des troubles du développement. «Des formes précises d'entraînement musical pourraient être bénéfiques aux enfants atteints d'un trouble du spectre autistique ou d'un trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité», suggèrent-ils.
À cet égard, il faudra davantage d’études randomisées avec groupe témoin pour valider les résultats obtenus, et c’est d’ailleurs ce à quoi s’appliquera Kevin Jamey en prenant part à un projet de recherche qui durera quatre ans, dans le cadre d’un postdoctorat qu’il effectuera au Brain and Creativity Institute de l’Université de Californie du Sud.
Par ailleurs, Simone Dalla Bella et Kevin Jamey se disent en faveur d’une réintroduction de l'éducation musicale dans les écoles primaires. «Nous sommes très proches de pouvoir en faire la recommandation officielle, concluent-ils. Les avantages potentiels sont trop importants pour être ignorés.»
À propos de cette étude
L'article «Does music training improve inhibition control in children? A systematic review and meta-analysis», par Kevin Jamey et al., sous la direction de Simone Dalla Bella, a été publié dans l'édition de novembre de la revue Cognition.