Une équipe de l’IRCM découvre un mécanisme crucial de la réponse immunitaire

Nathalie Labrecque

Nathalie Labrecque

Crédit : IRCM

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L’équipe de Nathalie Labrecque a découvert que la signalisation NOTCH est essentielle à la différenciation des lymphocytes T CD8+, optimisant leur réponse immunitaire aux infections.

Des travaux amorcés il y a 10 ans par l’équipe de la professeure Nathalie Labrecque à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) et au Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont jettent aujourd’hui un nouvel éclairage sur les mécanismes qui régissent une réponse immunitaire efficace aux infections. Le résultat de ces recherches est publié dans le prestigieux Journal of Experimental Medicine.

Si le rôle du système immunitaire et de ses lymphocytes dans la lutte contre les agents infectieux est chose établie dans la littérature scientifique depuis longtemps, plusieurs aspects cruciaux des mécanismes cellulaires et moléculaires qui déclenchent et régissent la réponse des lymphocytes T échappent encore à la compréhension des scientifiques.

L’équipe de Nathalie Labrecque, professeure au Département de médecine et au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal, en collaboration, entre autres, avec le Dr Ivan Maillard, de l’Université de Pennsylvanie, coauteur principal de l’étude, s’est intéressée aux évènements précoces de la réponse des cellules immunitaires appelées lymphocytes T CD8+. Dans ce travail de longue haleine, l’équipe de recherche a démontré que la voie de signalisation NOTCH, conservée dans l’évolution de tous les organismes multicellulaires, joue un rôle essentiel dans le processus de différenciation nécessaire afin que les cellules T CD8+ deviennent aptes à contrôler les infections. L’équipe a également montré que le signal NOTCH agit, notamment, en permettant l’action d’autres facteurs de transcription.

Le contexte

Lorsqu’un lymphocyte T CD8+ naïf (sentinelle circulant dans le corps) reconnaît un agent infectieux, il doit rapidement créer une armée composée de cellules qui seront en mesure de lutter contre l’infection. À la suite de l’infection, la majorité de ces cellules combattantes mourront, mais une proportion sera épargnée pour garder en mémoire l’identité de l’agent agresseur et ainsi être en mesure de le reconnaître en cas de réinfection: ce sont les cellules T mémoire. La création des cellules combattantes nécessite la mise en place d’une nouvelle programmation des cellules T CD8+, processus nommé différenciation. De précédents travaux de l’équipe avaient mis au jour que la voie de signalisation NOTCH jouait un rôle central dans la différenciation, indispensable à une réponse immunitaire efficace des lymphocytes T CD8+.

La nouveauté

Dans ses récents travaux, l’équipe a démontré que, durant le processus de différenciation des lymphocytes T CD8+, qui dure environ de 7 à 10 jours, le signal NOTCH est présent dès les premiers jours.

En observant la provenance du signal NOTCH, communiqué par le biais de son ligand aux lymphocytes T CD8+, l’équipe a montré que la reconnaissance d’un agent infectieux par les lymphocytes T CD8+, dans les ganglions lymphatiques, les rend aptes à recevoir le signal NOTCH. À la surprise de l’équipe, ce sont des cellules structurelles appelées fibroblastes réticulaires qui, présentes dans les ganglions, auront la tâche essentielle de fournir le ligand du signal NOTCH afin de déclencher la suite des évènements de différenciation des lymphocytes T CD8+.

«C’est comme si les cellules dendritiques signalaient la présence et l’identité de la menace, mais qu’en fait, ce sont les cellules fibroblastiques qui détiennent le code permettant la programmation des cellules combattantes», explique la doctorante en microbiologie à l’UdeM et première auteure de l’étude Laure Le Corre.

Enfin, l’activation du signal NOTCH, à la suite de l’interaction avec ses ligands, mène à son clivage et à son entrée dans le noyau, où se trouve l’ADN. Là, il va se lier à l’ADN et en ouvrir une partie (chromatine) pour permettre la mise en œuvre d’autres facteurs de transcription qui produiront les changements requis (expression de gènes) pour la différenciation des lymphocytes T CD8+.

«Il y avait certains indices que les fibroblastes, dans les ganglions lymphatiques, étaient engagés dans la réponse des lymphocytes T CD8+, mais on en savait très peu sur le mécanisme sous-jacent, dit Nathalie Labrecque. Notre étude ajoute une pièce importante au casse-tête et fait vraiment avancer le domaine.»

Les prochaines étapes

La présente étude s’est spécifiquement concentrée sur la réponse immunitaire faisant appel à la voie de signalisation NOTCH dans un contexte précoce d’infection. Ces nouveaux éclairages pourraient ouvrir la voie à des observations de la collaboration entre la voie de signalisation NOTCH et les autres facteurs de transcription en jeu dans la réponse immunitaire précoce.

Par ailleurs, une autre étape sera de faire la lumière sur la manière dont ce processus prend place dans un contexte d’infection chronique ou de cancer, notamment pour mieux comprendre les phases plus avancées des mécanismes qui régissent la réponse immunitaire. Par exemple, il serait intéressant de comprendre si, dans ces cas-là, le signal provient également de la niche fibroblastique.

Ces avancées pourraient conduire à des cibles thérapeutiques novatrices pour améliorer la réponse immunitaire, comprendre ce qui se passe à cet égard lorsque l’infection devient chronique et aussi lorsque l’agression n’est pas d’origine extérieure, comme dans le cas des cancers.

À propos de cette étude

L’article «Early Notch signals from fibroblastic reticular cells program effector CD8+ T cell differentiation», par Laure Le Corre et ses collègues, a été publié dans le Journal of Experimental Medicine le 20 mars 2025.

Cette étude a été rendue possible grâce à l’appui des Instituts de recherche en santé du Canada et des National Institutes of Health (États-Unis).

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