Écrans et sommeil: au-delà de la lumière bleue

Il est difficile de départager si l’utilisation des médias a une influence négative sur les variables du sommeil ou si ce sont les gens qui ont déjà des difficultés à s’endormir qui les utilisent pour passer le temps avant de se coucher.

Il est difficile de départager si l’utilisation des médias a une influence négative sur les variables du sommeil ou si ce sont les gens qui ont déjà des difficultés à s’endormir qui les utilisent pour passer le temps avant de se coucher.

Crédit : Getty

En 5 secondes

La quasi-totalité des adultes consultent au moins une fois un média dans l’heure précédant le coucher, selon l’étude d’une doctorante de l’UdeM. Quelles en sont les conséquences sur leur sommeil ?

«Je voulais explorer l’utilisation des médias par une population diverse et son association avec les variables du sommeil», résume Ajar Diushekeeva, étudiante de doctorat en recherche et intervention, option Psychologie clinique, à l’Université de Montréal, sous la direction d’Antonio Zadra (Département de psychologie) et de Santiago Hidalgo (Département d’histoire de l’art, de cinéma et des médias audiovisuels).

Dans sa thèse, elle a donc mené une étude transversale et corrélationnelle pour examiner l’utilisation des médias dans l’heure précédant le coucher au moyen d'un questionnaire en ligne. L’étudiante voulait sonder des adultes. «Depuis quelques décennies, plusieurs études se sont penchées sur les enfants et les adolescents, mais peu sur les adultes et sur la façon dont sont employés les téléphones intelligents durant cet intervalle de temps», précise-t-elle. Or, cette question touche toutes les générations. 

Ajar Diushekeeva présentera ses premiers résultats au 92e Congrès de l’Acfas, qui se déroule jusqu’au 9 mai.

Une utilisation répandue

Ajar Diushekeeva

Ajar Diushekeeva

Crédit : Gaby Valevicius

Plus de 700 personnes recrutées dans des cours universitaires et par les réseaux sociaux ont donc répondu à un questionnaire en ligne sur leurs habitudes de consultation des médias avant de dormir au cours du mois précédent. Les questions portaient sur les activités et les appareils utilisés (télévision, téléphone, ordinateur, livre imprimé, numérique ou audio, balado, musique, etc.). Trois variables du sommeil étaient aussi incluses: la qualité, la durée du sommeil et la latence d’endormissement.

Les résultats préliminaires montrent ainsi que la presque totalité (99 %) de l’échantillon a utilisé au moins quelques fois dans le mois précédent un appareil numérique avant de s’endormir. «Ce n’est pas surprenant, mais c’est quand même marquant», note l’étudiante. La majorité a rapporté avoir passé plus de temps que souhaité (73 %) devant cet appareil et une grande partie l’avoir fait du lit. 

Si la télévision restait quand même populaire (pour 60 % des personnes ayant répondu au questionnaire), l’appareil le plus utilisé était sans surprise le téléphone intelligent (91 %). Près de la moitié de ces utilisateurs le consultaient systématiquement avant de dormir. 

Du point de vue des activités elles-mêmes, les réseaux sociaux remportaient la palme: 80 % des gens sondés les fréquentaient parfois et le tiers toujours. Les vidéos courtes étaient particulièrement populaires. En deuxième position, il y avait le visionnement de films ou de séries (79 % parfois, 20 % toujours). 

Ajar Diushekeeva a par ailleurs relevé une différence de genre: les femmes regardaient davantage la télévision, alors que les hommes jouaient plus souvent sur des consoles de jeu ou se branchaient à leur ordinateur.

La doctorante, qui s’intéresse également aux effets des contenus médiatiques sur les rêves, a posé deux questions exploratoires sur ce thème, mais ne sait pas si elle se servira de ces données (le deuxième article de son doctorat sur le sujet consistera en une revue de la littérature). 

L’activité ou l’appareil ?

Mais est-ce l’appareil (et sa lumière bleue) ou l’activité qui influe le plus sur le sommeil? «Est-ce que les conséquences sur le sommeil viennent du fait que ces activités déplacent l’heure à laquelle on se couche ou ces activités occupent-elles le temps qui devrait être passé à dormir? C’est ce que j’aimerais déterminer», confie Ajar Diushekeeva. 

Malheureusement, ce type d’étude ne permet pas de répondre tout à fait à la question. En effet, il est difficile de départager si l’utilisation des médias a une influence négative sur les variables du sommeil ou si ce sont les gens qui ont déjà des difficultés à s’endormir qui les utilisent pour passer le temps avant de se coucher ou essayer de se détendre. «Pour ce faire, ça prendrait des études expérimentales en laboratoire ou des études longitudinales», dit-elle.

Mais avec une utilisation aussi étendue, il y a de quoi s’interroger. «Ce qu’on voit dans notre étude et dans d’autres récentes, c’est que les adultes sont probablement tout aussi concernés que les jeunes par l’omniprésence des médias dans leur routine avant le sommeil. Ce serait intéressant de voir si une habitude particulière ou diverses utilisations des médias seraient plus fortement associées à une qualité de sommeil», soulève la doctorante. 

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