Une nouvelle approche pour bloquer la propagation des cellules cancéreuses

Hugo Lavoie, Driss Lajoie, Ting Jin et Marc Therrien

Hugo Lavoie, Driss Lajoie, Ting Jin et Marc Therrien

Crédit : IRIC

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Une étude menée par l’équipe de Marc Therrien perce le mystère du pouvoir oncogène de mutants de la protéine BRAF et met au jour des façons inédites de les contrecarrer.

L’équipe de Marc Therrien, directeur général et directeur de l’Unité de recherche en signalisation intracellulaire de l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie et professeur au Département de pathologie et biologie cellulaire de l’Université de Montréal, a mis au jour des changements structurels majeurs qui permettent à la protéine BRAF d’échapper aux contrôles de la cellule et de mimer son activation, ce qui lui confère un fort potentiel oncogène. De plus, l’équipe a réussi à rétablir complètement l’état conformationnel normal de la protéine par l’utilisation de petites molécules – ce qui constitue une première.

L’étude, publiée dans la prestigieuse revue Science, est le fruit du travail commun d’Hugo Lavoie (directeur adjoint), de Ting Jin (conseillère à la recherche) et de Driss Lajoie (conseiller à la recherche), qui en sont les premiers auteurs. Elle s’inscrit dans une collaboration étroite avec des équipes de recherche de l’Université de New York Langone, de l’Université de Bordeaux et de l’Université de Calgary.

Une structure altérée qui «mime» la forme active de la protéine BRAF

En saumon, la représentation de la structure de cryomicroscopie électronique de BRAF. Les autres représentations sont des protéines dites “chaperones”, c’est-à-dire qui aident les autres protéines à se replier correctement.

En saumon, la représentation de la structure de cryomicroscopie électronique de BRAF. Les autres représentations sont des protéines dites “chaperones”, c’est-à-dire qui aident les autres protéines à se replier correctement.

Crédit : IRIC

Environ 50 % des cancers sont liés à un dysfonctionnement de la voie MAPK, un système de communication qui permet aux cellules d’intégrer des signaux externes et de fournir des réponses cellulaires appropriées. Au cœur de cette voie, une protéine nommée BRAF agit comme interrupteur moléculaire qui se doit d’être rigoureusement contrôlé. Fréquemment touchée par des mutations dites oncogènes, cette protéine joue un rôle dans plusieurs cancers humains.

À l’état normal, la protéine BRAF demeure confinée dans une forme inactive grâce à un mécanisme d’auto-inhibition qui est critique pour préserver une régulation fine et correcte de la voie MAPK. Mais certaines mutations lui permettent de «s’évader», par l’adoption d’une forme qui mime son état actif, et de déclencher une signalisation incontrôlée à l’origine de cancers, notamment de la thyroïde, de la peau, du côlon et du poumon.

Comment? L’équipe de Marc Therrien a percé une partie du mystère.

Par des expériences de cryomicroscopie électronique, qui permet d’étudier la structure tridimensionnelle d’échantillons biologiques complexes, l’équipe du professeur Therrien a réussi à repérer des changements structurels majeurs causés par les mutations de la protéine BRAF qui lui permettent de s’activer de façon anormale. En bref, ses formes oncogènes adoptent une structure quasi identique à sa forme naturellement active. Les formes altérées de la protéine BRAF peuvent ainsi échapper au mécanisme d’auto-inhibition et, en quelque sorte, contourner les contrôles de sécurité internes de la cellule. C’est un peu comme si la protéine BRAF mettait un déguisement de forme active pour déclencher une prolifération cellulaire à volonté.

Une petite hélice au grand potentiel thérapeutique

Au centre de cette stratégie d’évasion: une hélice, nommée alpha-C. Ce segment de la protéine adopte chez les formes mutées un positionnement analogue à celui de la forme active de la protéine BRAF. L’équipe a utilisé de petites molécules inhibitrices pour cibler l’hélice alpha-C et freiner son positionnement.

Certains des inhibiteurs testés ont permis de ramener la forme oncogène hyperactive vers l’état auto-inhibé inactif de la protéine BRAF. Ces résultats confirment le rôle central joué par cette structure dans la reconfiguration structurelle majeure des formes oncogènes de la protéine BRAF. En outre, la «reconversion» conformationnelle complète d’une protéine mutante par une molécule thérapeutique représente une première dans ce champ de recherche.

L’étude du laboratoire Therrien publiée dans la revue Science permet une meilleure compréhension des déterminants sous-jacents au potentiel oncogène de la protéine BRAF. Elle pave également la voie à l’optimisation de nouvelles classes de petites molécules inhibitrices qui pourraient mieux neutraliser les «fugitifs» oncogènes et les ramener vers un état inactif avant qu’ils prennent le contrôle de la cellule.

À propos de cette étude

L’article «BRAF oncogenic mutants evade autoinhibition through a common mechanism», par Marc Therrien et ses collègues, a été publié le 29 mai dans la revue Science.

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