La molécule UM171: d’abord l’Europe, bientôt le Canada
 
La molécule UM171, découverte à l’Université de Montréal et reconnue pour améliorer l’efficacité des greffes de cellules souches chez les patients atteints d’un cancer du sang, fait désormais son entrée sur le marché.
Le 26 août, l’Agence européenne des médicaments a donné son feu vert à la mise en marché de sa formulation commerciale, baptisée Zemcelpro. Il s’agit du premier et du seul traitement autorisé pour les adultes atteints d’un cancer du sang qui ont besoin d’une greffe et pour qui aucun donneur pleinement compatible n’a été trouvé.
Le Zemcelpro contient des cellules souches prélevées dans le sang de cordons ombilicaux de donneurs, dont une partie a été multipliée grâce à UM171 – aussi appelée dorocubicel. En augmentant le nombre de cellules disponibles, la molécule rend les greffes plus efficaces, même à partir de petites unités de sang de cordon.
«Maintenant que nous avons une approbation officielle, plusieurs choses s’enclenchent», dit le Dr Guy Sauvageau, hématologue à l’UdeM et co-inventeur de la molécule avec la professeure de chimie médicinale Anne Marinier, tous deux à l’origine de la création de l’entreprise de biotechnologie montréalaise ExCellThera.
«D’abord, ExCellThera peut commencer à commercialiser le produit partout en Europe; ensuite, des négociations s’amorcent dans chaque pays pour établir le prix que les systèmes d’assurance ou les États accepteront de payer», poursuit-il.
La France en tête de liste
 
                
        
    
    
    
Particularité: la France accepte d’emblée le prix fixé par l’entreprise. Si, dans les 12 mois, un tarif inférieur est convenu, les acheteurs pourront réclamer un remboursement rétroactif.
«L’avantage pour nous, c’est que le Zemcelpro arrive en France dès cette année, sans attendre que le prix final soit établi», souligne le Dr Sauvageau, également président et directeur scientifique d’ExCellThera.
Le Canada suivra de près, ajoute-t-il.
Normalement, Santé Canada n’accélère l’approbation d’un traitement qu’une fois les essais cliniques de phase III entamés. «Mais comme en Europe, il existe ici un programme d’accès qui ouvre la porte à une autorisation rapide», précise-t-il.
Ainsi, 60 jours après avoir été avisé de l’approbation européenne, le ministère fédéral peut accorder un accès anticipé. ExCellThera ayant transmis l’avis début août, les hôpitaux, fondations ou patients canadiens pourraient obtenir le traitement dès le mois d’octobre.
Vers les États-Unis
Des démarches sont aussi en cours aux États-Unis. Une rencontre avec la Food and Drug Administration est prévue à la mi-septembre afin de déterminer la possibilité de soumettre une demande d’approbation, qui mènerait ensuite à la commercialisation et à une négociation de prix.
Rappelons que la molécule UM171 a été découverte à l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie de l’UdeM avec l’appui financier d’IRICoR, un organisme à but non lucratif voué à la valorisation de la recherche.
Plus de 100 patients déjà traités
Depuis huit ans, 120 patients au Canada, aux États-Unis et en Europe ont reçu un traitement expérimental à base de la molécule UM171. Les résultats sont prometteurs: environ 70 % d’entre eux étaient en rémission deux ans après la greffe – un taux bien supérieur aux attentes initiales de 40 %.
«C’est presque le double de ce qu’on espérait, ce qui est incroyable», se réjouit le Dr Sauvageau.
Un exemple: François Lucas Alzate, un jeune Montréalais de 23 ans chez qui a été diagnostiquée une leucémie myéloïde aigüe en 2014. Il a subi une greffe deux ans plus tard à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont et il est toujours en rémission.
Son témoignage peut être écouté sur le site Web d'Héma-Québec.
De tels succès, combinés avec la capacité des gouvernements et des assureurs d’en financer l’accès, détermineront la valeur commerciale de la molécule UM171. Pour en arriver à son approbation, l’Agence européenne des médicaments a mobilisé 50 experts pendant un qui ont analysé quelque 20 000 pages de preuves scientifiques.
«Une immense fierté»
«Notre molécule n’est pas un médicament au sens classique du terme: c’est un additif de greffe qui rend celle-ci plus efficace», déclare la professeure Anne Marinier, administratrice avec cinq autres personnes d’ExCellThera.
«J’éprouve une immense fierté personnelle d’avoir contribué à cette avancée. Peu de chercheurs en sciences pharmaceutiques peuvent dire qu’ils ont participé à la mise en marché d’un médicament», ajoute-t-elle.
Celle qui travaille à l’Université de Montréal depuis 17 ans souligne que, selon elle, c’est la première fois qu’une molécule issue de l’Université reçoit une autorisation commerciale. «C’est un moment important, pas seulement pour nous et nos équipes, mais aussi pour l’UdeM», dit-elle.
Un avenir prometteur
Et l’histoire ne s’arrête pas là. «La molécule UM171 a révélé un nouveau mécanisme d’action qui pourrait mener à d’autres applications, notamment dans le domaine du vieillissement, avec des traitements administrés par voie orale», indique le Dr Sauvageau.
En 2020, il a d’ailleurs lancé avec Anne Marinier une nouvelle entreprise, RejuvenRX, qui explore cette avenue, à l’instar d’équipes de recherche des universités Harvard et d’Oxford.
Par ailleurs, après deux ans d’attente, la Food and Drug Administration a récemment autorisé un essai clinique de phase III pour tester la molécule UM171 chez les patients atteints de leucémie à haut risque de récidive, qui représentent environ 35 % de toutes les greffes de cellules souches, soit près de 5000 cas annuels aux États-Unis.
Reste à trouver les fonds nécessaires: 30 M$ doivent être réunis pour lancer l’étude.
«Avis aux investisseurs!» lance le Dr Sauvageau, sourire en coin.
 
                
        
 
                
        
 
                
        
