Un défi pour l’emploi
Selon Dave Anctil, les jeunes diplômés font face à des obstacles croissants à leur entrée sur le marché du travail, puisque «l’IA effectue de plus en plus de tâches traditionnellement confiées aux employés en début de carrière».
Au Canada comme aux États-Unis, indique-t-il, le taux de chômage chez les 15-25 ans atteint des niveaux comparables à ceux d’une récession, alors que l’emploi global se porte bien. «En mettant l’IA en concurrence avec les jeunes travailleurs, on crée un problème structurel d’accès à l’emploi et de développement des compétences», avertit le professeur.
À ses yeux, il convient aux universités d’adapter leurs programmes à cette nouvelle réalité afin que les étudiantes et étudiants puissent en comprendre les fondements et acquérir une expertise pratique.
«Aujourd’hui, maîtriser l’IA n’est plus un atout, c’est une exigence de base», affirme-t-il tout en insistant sur le risque du délestage cognitif, soit le fait pour les étudiants et les étudiantes de laisser l’IA réfléchir à leur place, au détriment de leur propre développement intellectuel.
Devenir un «centaure», pas un «cyborg»
Pour le conférencier, un usage judicieux de l’IA relève d’un véritable travail d’équipe qui intègre les deux formes d’intelligence.
«Certains utilisateurs abandonnent tout aux technologies et se contentent d’accomplir ce qu’elles ne peuvent pas faire. Ce sont les “cyborgs”. D’autres, les “centaures”, apprennent à collaborer avec l’IA tout en tenant compte de ses forces et de ses limites. Ce sont eux qui obtiennent les meilleurs résultats», estime Dave Anctil.
Poser de bonnes questions, vérifier les réponses, puis enrichir les résultats permet ainsi de faire de réels gains sur la qualité et l’optimisation et d’assurer un professionnalisme.
«Il faut donc s’en faire un allié cognitif comme on le ferait avec un autre partenaire et ne pas traiter l’IA comme un esclave. Il faut au contraire participer au processus collaboratif, puisque nous sommes les agents de vérité», insiste-t-il.
Les racines philosophiques de l’IA
Au sein de l’Université de Montréal, Dave Anctil agit comme conseiller pour accompagner le personnel enseignant et les départements dans leurs réflexions pédagogiques, techniques et éthiques liées à l’IA.
Il explique que la philosophie influence en profondeur l’intelligence artificielle. Les algorithmes d’apprentissage automatique sont inspirés de théories cognitives, donc de théories de la connaissance philosophique.
À titre de cogniticien, il étudie le fonctionnement des systèmes cognitifs humains en comparaison des systèmes animaux et artificiels. «L’apprentissage passe par l’imitation, rappelle le philosophe. Donc, quand on veut apprendre à un robot à marcher, on va modéliser l’imitation qui est basée sur l’évolution de l’apprentissage des enfants. L’IA n’est rien d’autre qu’une mise en forme informatique et mathématique de théories psychocognitives.»