Hyperacousie: vers un meilleur dépistage

En 5 secondes Une étude jette un nouvel éclairage sur les caractéristiques de l’hyperacousie, cette hypersensibilité auditive encore mal comprise et pour laquelle les outils d’évaluation clinique demeurent limités.
Environ 15 % de la population vit avec une forme d’hyperacousie.

Pour la plupart d’entre nous, le bourdonnement d’un réfrigérateur, le cliquetis d’assiettes ou une conversation animée ne sont que de simples sons qui animent le quotidien. Mais pour certaines personnes, ces mêmes bruits de fond sont inconfortables, voire angoissants ou douloureux. Cette hypersensibilité auditive porte un nom: l’hyperacousie. 

Ce trouble peut apparaître à la suite d’un traumatisme crânien, chez certaines personnes autistes, en raison de maladies de l’oreille ou encore n’avoir aucune cause identifiable. Quelle qu’en soit l’origine, les conséquences sur la vie quotidienne sont notables, allant de la peur du bruit à l’isolement social en passant par le port excessif de bouchons ou de coquilles antibruits. 

Charlotte Bigras, audiologiste et chargée de cours à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal, se consacre à l’étude de l’hyperacousie depuis plusieurs années. Les travaux sur le sujet ne sont pas légion et le manque de connaissances qui en découle vient avec une absence d’outils diagnostiques. 

«Ce qu’on utilise pour l’instant, ce sont des outils très subjectifs, comme la mesure des seuils d’inconfort ou les questionnaires, indique l’audiologiste. Nous n’avons rien d’objectif, ce qui devient problématique pour évaluer l’efficacité d’une intervention, mais aussi pour faire reconnaître l’hyperacousie par des agents payeurs comme la CNESST [Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail].» 

Les hautes fréquences sous la loupe 

La chercheuse a ainsi mené sa thèse doctorale sur les mécanismes et la caractérisation de l’hyperacousie pour ultimement parvenir à mieux évaluer cette hypersensibilité auditive. Dans une récente étude, elle s’est intéressée aux seuils d’inconfort associés aux très hautes fréquences, c’est-à-dire celles situées au-delà de 8000 hertz. 

«En clinique, on mesure habituellement l’audition entre 250 et 8000 hertz chez nos patients malentendants, car ce sont les fréquences importantes pour la compréhension de la parole. Mais certaines atteintes auditives précoces peuvent se manifester d’abord dans les fréquences supérieures, invisibles dans les tests standards. C’est par exemple parfois le cas chez les personnes souffrant d’acouphènes», précise Charlotte Bigras. 

Et c’est justement le résultat de son étude: l’hyperacousie peut, elle aussi, se manifester dans ces fréquences exclues des examens classiques, fréquences qui pourraient alors devenir un nouvel outil d’évaluation clinique. 

 

Un problème invisible, mais bien réel 

On estime qu’environ 15 % de la population vit avec une forme d’hyperacousie. Parmi ces gens, plus de 10 % se disent fréquemment ou constamment indisposés par ce trouble dans leur vie quotidienne. Les personnes affectées ont tendance à s’isoler pour éviter les environnements sonores, ce qui peut mener à de la stigmatisation, souligne la chercheuse. 

«Contrairement à une perte auditive visible ou du moins mesurable, l’hyperacousie est intangible. Beaucoup de patients se font dire que “c’est dans leur tête”, alors qu’il s’agit bel et bien d’un trouble sensoriel», poursuit-elle. 

Et c’est la raison pour laquelle l’audiologiste cherche à en faciliter le diagnostic en dégageant des mesures référentielles: améliorer la qualité de vie des personnes atteintes et mieux les accompagner. 

Car il existe plusieurs approches pour en atténuer les symptômes, à commencer par la thérapie cognitivo-comportementale, qui aide à déconstruire les pensées négatives liées à la peur du bruit ou à la crainte d’aggraver son état. Ensuite peut être mise en place une désensibilisation sonore progressive – qui consiste à s’exposer graduellement à des sons de l’environnement – ou une thérapie sonore plus standardisée à l’aide, par exemple, d’appareils auditifs diffusant un faible bruit blanc pour réhabituer l’oreille sans douleur. 

Dans certains cas, une cause médicale peut être diagnostiquée et traitée, mais pour la majorité des gens qui doivent composer avec l'hyperacousie, le suivi repose sur une approche multidisciplinaire combinant audiologie et psychologie. 

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