Une alliance prometteuse
L’hypnose médicale est déjà reconnue comme une technique efficace de gestion de la douleur, notamment dans les contextes de soins palliatifs ou postopératoires. Elle repose sur des suggestions hypnotiques, soit des phrases guidées qui invitent le patient à modifier la perception sensorielle et émotionnelle de sa douleur. Par exemple, on peut imaginer plonger sa main endolorie dans une eau fraîche ou, encore, faire de la cohérence cardiaque en dirigeant sa respiration.
L’équipe a voulu aller plus loin en combinant ces suggestions avec l’immersion offerte par la réalité virtuelle. Muni d’un casque, le patient est transporté dans des paysages québécois – forêts, montagnes, plages – accompagnés de musique et des sons de la nature. Conçue au Québec, cette application était à l’origine destinée à des patients en fin de vie pour leur donner la possibilité de «visiter» des lieux qu’ils n’avaient jamais pu explorer.
Ensemble, ces deux technologies offrent aussi la possibilité de visualiser et de manipuler sa douleur à travers deux approches distinctes. La première, dite de la «main magique», permet au patient de voir sa propre main dans le casque et de déposer des «paillettes» sur la zone douloureuse. La seconde consiste à «chosifier la douleur», c’est-à-dire la rendre visible sur la main afin de pouvoir ensuite la retirer. Deux manières, explique Valentyn Fournier, de «reprendre le contrôle sur sa douleur et sur son corps».
Détourner l’attention, mais pas que
Les chercheurs s’intéressent aux mécanismes physiologiques derrière le potentiel apaisant de ces techniques, dont certaines peuvent s’apparenter à la pleine conscience.
D’abord, la réalité virtuelle agit en quelque sorte comme un leurre pour le cerveau. En sollicitant intensément la vue, l’ouïe et la concentration, elle détourne les ressources mentales qui, autrement, seraient mobilisées par la douleur. L’hypnose vient par la suite renforcer cette déviation de l’attention en guidant le patient vers des sensations agréables et un apaisement progressif.
Des études en neurosciences montrent aussi que ces techniques peuvent moduler l’activité du cortex cingulaire antérieur et du cortex somatosensoriel primaire, deux régions du cerveau actives dans le traitement émotionnel et perceptif de la douleur, affirme David Ogez. «Donc, la douleur est toujours là, mais son côté désagréable et son intensité sont moindres», dit-il.
Valentyn Fournier ajoute qu’être en contact avec la nature procure aussi des bienfaits psychologiques. «La nature amène une restauration de l’attention, elle détourne l’attention des stimulus négatifs et dirige les capacités attentionnelles vers des stimulus positifs», souligne le chercheur postdoctoral.
Vers un apprentissage
Au-delà de l’effet immédiat de distraction ou d’apaisement, l’objectif du projet est d’encourager les patients à acquérir des compétences d’autohypnose transférables à la maison.
L’équipe veut éventuellement élaborer une neurothérapie – une technique pour entraîner et réguler l’activité cérébrale en temps réel – afin que les personnes aux prises avec des douleurs chroniques puissent être en cohérence avec leurs réactions physiologiques et les images de la réalité virtuelle.
Pour l’instant, ces travaux sont à l’étape de l’essai clinique randomisé, mais, selon David Ogez, les retours préliminaires des participants sont encourageants. «On a de beaux résultats de satisfaction, mais il ne faut pas confondre satisfaction et efficacité. On a tout de même de bons espoirs, la douleur étant en partie une expérience subjective», conclut-il.