Sur les traces d’un… expert en enquête

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  • Le 11 février 2020

  • Mathieu-Robert Sauvé
Guillaume Louis lors du tournage du documentaire «Sur les traces d’un tueur en série».

Guillaume Louis lors du tournage du documentaire «Sur les traces d’un tueur en série».

Crédit : Virginie Soffer

En 5 secondes

Expert en crimes sériels, Guillaume Louis tient son propre rôle dans le documentaire en huit épisodes «Sur les traces d’un tueur en série».

Un ou des tueurs en série ont-ils assassiné des femmes dans la région de Montréal entre 1975 et 1985? C’est ce que découvriront les téléspectateurs du documentaire en huit épisodes intitulé Sur les traces d’un tueur en série, diffusé le jeudi à 20 h depuis le 31 janvier à Canal D.

«Je ne peux pas vous révéler la conclusion de l’enquête, mais je peux vous dire que l’expérience a été riche en rebondissements», commente Guillaume Louis, responsable du Certificat en enquête et renseignement de la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal et expert invité à se joindre à l’équipe formée d’un enquêteur (Claude Sarrazin) et d’une journaliste (Sophie Charest).

Au premier coup de téléphone des producteurs de la maison Attraction Images, en août 2019, M. Louis a été mis au parfum du canevas. On souhaitait «utiliser une approche nouvelle afin de mettre de l’avant des recoupements dans plusieurs affaires et [établir] des liens entre certaines victimes, tout en ne négligeant aucune piste potentielle», peut-on lire sur le site du diffuseur.

L’expert en crimes sériels a accepté de relever le défi. «Nous avions environ 70 dossiers de meurtres de femmes non résolus au début du projet. Nous n’en avons gardé que 15. C’est là que notre enquête a véritablement débuté.»

Mettant à contribution les familles des victimes toujours à la recherche de la vérité sur les circonstances ayant entouré la disparition des femmes ainsi que de nombreux témoins et experts, l’équipe explore toutes les pistes.

Tueur en série ou série de tueurs?

Dès le départ, Guillaume Louis a précisé à ses collaborateurs que l’enquête criminelle ne doit rejeter aucune hypothèse. «Il n’était pas exclu que ces dizaines de meurtres aient été commis par autant de meurtriers. Éthiquement, je ne pouvais écarter cette idée, même si elle est plus troublante encore que la piste d’un ou de plusieurs prédateurs prolifiques», affirme-t-il.

Assez rapidement, il s’est avéré que plusieurs meurtres avaient des points communs, ce qui alimentait la thèse du ou des récidivistes. Pas moins de sept jeunes femmes ont été agressées et tuées en quelques années dans un quadrilatère assez restreint du Plateau-Mont-Royal ‒ moins de trois kilomètres carrés.

Le plus difficile a été de refaire le fil des histoires. Plusieurs témoins sont morts aujourd’hui et les scènes de crime sont peu bavardes après tout ce temps. Mais des indices demeurent pour remonter à des suspects potentiels. «Avant 1980, la notion de tueur en série était carrément inconnue et nos cas sont antérieurs à cette date; c’est peut-être la raison pour laquelle les meurtres ont été classés. De plus, les techniques d’enquête se sont affinées avec le temps.»

Présenté dans le premier épisode comme un homme qui ne dort jamais, épluchant les rapports de la police et du Bureau du coroner, passant en revue les témoignages, Guillaume Louis apporte son point de vue au fil des épisodes. On le voit notamment fréquenter les lieux des crimes avec l’enquêteur Sarrazin. Pourquoi le tueur déplaçait-il les corps à de grandes distances du lieu de l’enlèvement? Voilà une des questions auxquelles il tente de répondre.

Éthique et police

En vogue aux États-Unis mais plutôt inhabituelle au Québec, l’enquête reportage sur des crimes non résolus (true crime) soulève des questions éthiques que n’ignore pas le diplômé en droit et en criminologie. «Les médias ne doivent pas se substituer aux forces policières, mais il est certain que des meurtres non résolus commis il y a plusieurs décennies ne sont pas au sommet de la liste des corps policiers. L’important est de travailler en toute transparence.»

Dès le début du processus, des rencontres ont été organisées avec la Sûreté du Québec afin de tenir le corps policier informé de l’évolution des dossiers. «D’un côté, les forces policières n’aiment pas qu’on intervienne dans leurs affaires. De l’autre, elles sont intéressées par de nouvelles informations pertinentes. Mais si l’on gère mal notre enquête, cela pourrait mettre en péril un procès éventuel. Nous marchons donc sur une glace fine.»

Même si cette collaboration lui a demandé beaucoup de temps entre la direction du Certificat en enquête et renseignement, la vie de famille et ses autres obligations, M. Louis est satisfait de voir que les documentaristes ont eu le réflexe de faire appel à un universitaire. Il estime que tout le monde est gagnant. «La police est un milieu qui dispose de beaucoup de moyens, mais dans lequel le changement est long à se mettre en place à cause de la structure bureaucratique. Quant à l’université, elle est innovante, mais possède peu de moyens», dit-il en riant. 

Sur les traces d’un tueur en série, à Canal D le jeudi à 20 h.

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