Caméras corporelles et tribunaux: les policiers favorables, mais de multiples limites

Ces dispositifs sont critiqués en raison de leurs limites techniques, des sommes importantes qui caractérisent leur utilisation, ainsi que leur caractère intrusif, tant pour les citoyens que pour les policiers.

Ces dispositifs sont critiqués en raison de leurs limites techniques, des sommes importantes qui caractérisent leur utilisation, ainsi que leur caractère intrusif, tant pour les citoyens que pour les policiers.

Crédit : Getty

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Un professeur de l’UdeM s’est intéressé aux attentes et aux perceptions du corps policier quant à l’utilisation des caméras corporelles dans les procédures judiciaires.

Le corps de police semble largement favorable à l’utilisation des images tirées des caméras corporelles dans les tribunaux, mais souligne de potentielles conséquences sur les procédures judiciaires.

Plus précisément, les policières et policiers s’attendent à ce que les images servent de preuves visuelles, remplacent certaines parties des rapports écrits et corroborent leurs témoignages. Cependant, ils craignent que les avocats de la défense n’utilisent les captations pour contester les divergences entre les rapports, ce qui pourrait alourdir les procès.

Ces résultats proviennent d’une récente étude menée par Rémi Boivin, professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. Elle est basée sur les témoignages de près de 80 membres, venant de quatre postes de la Sûreté du Québec, qui ont participé à un projet pilote sur le port de caméras corporelles pendant six mois en 2021.

«Dans l’ensemble, les agents étaient plus enclins à considérer les avantages de l’utilisation des images des caméras corporelles dans les tribunaux que leurs limites ou leurs risques», indique Rémi Boivin.

Un usage tout de même mitigé

Rémi Boivin

Rémi Boivin

Crédit : Courtoisie

Rappelons que les caméras corporelles, qui enregistrent les interactions entre les forces de l’ordre et le public, ne sont actuellement pas implantées au Québec. Seuls des projets pilotes dans divers corps policiers de la province ont été réalisés pour évaluer leur possible déploiement.

D’une part, ces dispositifs sont critiqués en raison de leurs limites techniques (archivage des images, durée de vie de la pile, etc.) et des sommes importantes qui caractérisent leur utilisation, mais aussi de leur caractère intrusif, tant pour les citoyens que pour les policiers.

D’une autre part, souligne Rémi Boivin, les avantages escomptés – tels que l’effet dissuasif sur les comportements répréhensibles des individus, la transparence des organisations, la rédaction de rapports plus fidèles à la réalité et la création de preuves visuelles utiles pour les tribunaux – ne sont actuellement pas appuyés par des preuves scientifiques.

«Les études qui s’intéressent à ces questions montrent que les bénéfices du visionnement des images sur le contenu des rapports, l’hésitation des gens à commettre des méfaits et les nouveaux éléments de preuve demeurent relativement restreints. Et pour la transparence des corps policiers, notons que les citoyens ont rarement la chance de consulter les captations», note le chercheur.

Il ajoute que parmi les 200 enregistrements visionnés par son équipe et lui, un seul aura été pertinent pour préciser le déroulement d’une intervention policière dans le cadre d’une fusillade.

Recadrer dans un contexte québécois

«Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les caméras corporelles servent avant tout à responsabiliser la police, leurs enregistrements sont plus souvent utilisés pour poursuivre des citoyens que des policiers», affirme Rémi Boivin.

Car, bien souvent, les perceptions liées à la nécessité de déployer ces technologies proviennent du contexte américain, où l’usage de la force et les plaintes à l’égard des agents (pour profilage racial, notamment) semblent plus répertoriés.

«Au Québec, l’emploi de la force est relativement faible. Dans ma carrière, je n’ai pas été confronté à un cas où le policier disait une chose et la captation en montrait une autre. Aux États-Unis, oui, mais ici, il n’y a pas tellement d’exemples qui montrent que les caméras sont un besoin pressant», résume le professeur.

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