Vous avez moins de patience que d’habitude avec vos enfants? C’est normal!
- Forum
Le 4 mai 2020
- Martin LaSalle
Le confinement use la patience à l’égard des enfants. En être conscient et rester bienveillant envers soi peut optimiser leur motivation, selon Jean-Michel Robichaud, de l’UdeM.
Vous êtes en situation de confinement avec votre enfant et vous perdez plus souvent patience? Il vous arrive même de ne pas vous reconnaître parce que vous avez crié, l’avez ignoré, avez formulé des menaces et lui avez adressé des réprimandes trop sévères?
La recherche sur les relations parent-enfant tend à démontrer qu’il serait normal qu’il en soit ainsi: tous les parents connaîtraient de moins bonnes journées. Et lorsqu’un parent se sentirait sous pression, ses comportements dits «contrôlants» pourraient se manifester davantage.
«Comme parent, il importe de rester bienveillant envers soi-même si l’on agit de manière sous-optimale, de surcroît en cette période de pandémie et de confinement», rassure Jean-Michel Robichaud, doctorant au Département de psychologie de l’Université de Montréal.
Toutefois, les parents auraient aussi intérêt à cibler les facteurs qui les mènent à utiliser des pratiques sous-optimales afin de pouvoir agir de façon différente, notamment en exprimant leurs désaccords sous forme d’attentes ou en suggérant aux enfants des comportements autres.
«Les pressions vécues par un parent peuvent être intrinsèques à celui-ci ou provenir du caractère de l’enfant, explique M. Robichaud. D’autres pressions peuvent aussi provenir de l'environnement extérieur et représenter une menace pour le bien-être des enfants, comme c’est le cas avec la pandémie de COVID-19.»
Pressions extérieures, pratiques contrôlantes et motivation des enfants
La relation entre les pressions environnementales et les pratiques contrôlantes des parents s'observe d’ailleurs en contexte expérimental, tel que le montrent les résultats de l’étude réalisée par Jean-Michel Robichaud, sous la direction de la professeure Geneviève Mageau, publiée dans le Journal of Family Psychology.
De cette étude menée auprès de 101 garçons et filles de 8 à 12 ans ainsi que leur mère, il ressort que l’écoute par la mère d’un reportage audio sur l'environnement extérieur vu comme menaçant pour les enfants la porte à agir de manière plus contrôlante avec son enfant.
En effet, tandis que les enfants effectuaient un test de quotient intellectuel avec un assistant de recherche dans une autre pièce, chaque mère écoutait un reportage radio de huit minutes après avoir rempli un formulaire destiné à évaluer leur style parental.
Aléatoirement, les 101 femmes ont entendu soit un reportage dans lequel l’avenir des enfants s’annonçait sombre en raison de pressions liées à l’environnement, soit un reportage neutre.
«L’objectif à ce stade était de susciter une impression de menace chez la moitié des mères pour ensuite comparer, avec celles du groupe témoin ayant entendu la nouvelle neutre, leur propension à utiliser des pratiques contrôlantes à l’égard de leur enfant», raconte Jean-Michel Robichaud. Après avoir écouté le reportage, chaque mère retrouvait son enfant qui avait alors besoin de son aide pour continuer le test.
Résultat: les mères soumises au reportage menaçant ont été perçues par leur enfant comme ayant recouru à plus de pratiques contrôlantes, comparativement aux mères du groupe témoin.
Ce contrôle accru se manifestait, par exemple, par une plus grande tendance à dire à l’enfant comment répondre aux questions sans que l’enfant le lui ait demandé, à donner plus de rétroactions teintées de jugements négatifs ou encore à être moins empathique.
Cela dit, les mères avec un style parental moins contrôlant ont semblé mieux résister aux pressions créées par le reportage menaçant. Elles ont utilisé des pratiques relativement analogues à celles des mères du groupe témoin.
Interrogés à l’issue de l’expérience quant à l’importance d’avoir effectué le test, les enfants ont rapporté plus de motivations sous-optimales à l’égard du test s’ils avaient estimé que leur mère avait adopté plus de pratiques contrôlantes. Par exemple, ils ont dit avoir effectué le test davantage par peur d’être punis ou pour éviter de la décevoir.
«Les pratiques sous-optimales des mères semblent avoir engendré une motivation plus contrôlée chez l’enfant, laissant moins de place aux apprentissages», illustre le doctorant.
Mais en quoi ces résultats peuvent-ils être utiles en cette période de confinement?
Être conscient des pressions extérieures pour s’en affranchir
Il est plausible de penser que la menace que pose la pandémie de COVID-19, conjuguée au confinement, entraîne une pression chez les parents susceptible de miner leur patience et de les inciter, malgré eux, à avoir recours à plus de pratiques sous-optimales.
«Toutefois, l’utilisation occasionnelle de pratiques sous-optimales est une réalité pour tous les parents, souligne Jean-Michel Robichaud. Il convient donc d’être bienveillant envers soi-même tout en s’intéressant aux moyens pour minimiser de telles pratiques et prévenir leurs effets indésirables.»
À cet égard, il fait remarquer que les chercheurs recommandent le livre Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, publié en 2012 par Adele Faber et Elaine Mazlish, pour découvrir des habiletés parentales concrètes pouvant remplacer les pratiques sous-optimales.
«Le simple fait pour les parents d’être conscients que la présence d’une menace extérieure peut les amener à avoir des pratiques contrôlantes pourrait être un facteur de protection en soi, conclut M. Robichaud. Faire preuve de compassion envers soi-même et ne pas douter que son enfant continuera de bien se développer malgré la situation actuelle peut aussi aider à diminuer l’effet d’une telle pression sur ses pratiques parentales.»