La mise en œuvre du processus de classement chez les jeunes enfants

L’étude repose sur une approche qualitative et interprétative, cherchant à saisir le raisonnement des enfants en pleine action.

L’étude repose sur une approche qualitative et interprétative, cherchant à saisir le raisonnement des enfants en pleine action.

Crédit : Getty

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Sarah Dufour, chercheuse en didactique, a analysé la manière dont de jeunes enfants organisent, trient et regroupent des jouets.

Comment les enfants procèdent-ils pour effectuer un classement? 

Pour le savoir, Sarah Dufour, professeure adjointe au Département de didactique de l’Université de Montréal, a mené une étude auprès d’un petit groupe d’enfants âgés de trois à cinq ans. À travers un jeu d’épicerie, où les enfants devaient organiser les aliments sur les étals, elle a pu voir comment se construisent leurs stratégies. Elle a ainsi brossé un tableau de l’activité mathématique d’enfants en contexte de classement d’objets courants.

Étudier le processus de classement

Sarah Dufour

Sarah Dufour

Crédit : Julie Durocher

Dans cette étude, Sarah Dufour s’est intéressée aux opérations sous-jacentes à l’activité de classement. Elle a observé les enfants pendant deux séances de 30 minutes, notant la façon dont ils sériaient, triaient et regroupaient différents objets.

«Classer, c’est catégoriser les objets selon un ou des critères donnés, explique-t-elle. Nous avons relevé dans la littérature différentes opérations possibles qui conduisent à un classement: sérier, trier et grouper. Nous souhaitions voir comment les enfants allaient procéder.» Sérier consiste à ordonner les objets selon une caractéristique progressive, comme aligner des crayons du plus clair au plus foncé. Pour trier, l’enfant sépare les éléments en fonction d’un critère qui lui est proposé, par exemple en mettant les crayons dans des bacs qui correspondent à leur couleur. Quant au groupement, il permet de former des ensembles selon un attribut commun défini par l’enfant lui-même. «L'enfant pourrait voir dans sa collection de crayons qu'il y en a trois qui sont bleus et, même s’ils sont de différents types de bleus, les mettre ensemble en justifiant ce choix par leur couleur semblable», poursuit-elle.

Comprendre comment le processus fonctionne dans l’action

L’étude repose sur une approche qualitative et interprétative, cherchant à saisir le raisonnement des enfants en pleine action. 

«Mon objectif était d’observer comment ces façons de faire émergent et s’enchaînent spontanément, sans imposer de consignes strictes. C’est pourquoi j’ai choisi d’utiliser des jouets plutôt que des formes géométriques abstraites», dit Sarah Dufour. 

Elle précise: «On sait que, même jeunes, les enfants manipulent des figures de base comme le cercle, le carré ou le triangle. Mais je voulais aller plus loin en explorant leur réflexion pour comprendre comment ils construisent leurs classements.» 

Pour cela, elle s'est servie des jouets d’épicerie offrant de multiples possibilités de classement: petites boîtes, fruits, légumes, etc. 

Des recherches démontrent que les enfants sont capables de raisonnements complexes, allant jusqu’à créer des sous-groupes à l’intérieur de leurs catégories. «Ce principe d’inclusion des classes reflète une pensée avancée. Pourtant, bien que les élèves du primaire sachent classer des objets, ils éprouvent souvent des difficultés à expliquer leur démarche et à nommer les critères utilisés», indique Sarah Dufour. 

Par cette étude, la professeure voulait montrer que ces raisonnements sont accessibles avec un accompagnement adapté. «Certains enfants alternaient entre grouper et trier. Lorsqu’ils arrivaient à reconnaître une incohérence, ils ajustaient spontanément leur regroupement en s’appuyant sur un nouvel attribut», ajoute-t-elle. 

Au-delà du classement binaire

Cette étude met donc en lumière la capacité des jeunes enfants à dépasser le simple classement binaire, où l’on classerait les objets en deux catégories, soit les objets possédant un attribut et les autres objets.  

«On pense souvent que les enfants commencent à classer en opposant deux groupes: un crayon rouge va dans une catégorie et tous les autres vont dans une catégorie différente. Mais notre étude montre qu’ils sont capables d’élaborer des classements plus complexes en créant plusieurs groupes en fonction de divers critères», souligne Sarah Dufour. 

Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles pistes pédagogiques, laissant ainsi supposer qu’avec un accompagnement adapté les enfants peuvent faire des raisonnements mathématiques poussés dès le plus jeune âge.

À propos de cette étude

L'étude «Sérier-trier-grouper: La mise en oeuvre du processus de classification par des enfants âgés de 3 à 5 ans», par Sarah Dufour et Nelly Julien, a été publiée dans le Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education.

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