Doctorat en médecine vétérinaire décentralisé à Rimouski: l'étude de faisabilité débute
- Forum
Le 3 septembre 2020
- Martine Letarte
Pour contrer la pénurie de vétérinaires en région, Christine Theoret, professeure et doyenne de la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM, propose d’offrir le programme de formation à Rimouski.
C’est en revenant de Chicoutimi, après y avoir déménagé sa fille qui amorçait un programme décentralisé en physiothérapie de l’Université McGill, que la Dre Christine Theoret a eu l’idée d’offrir le doctorat en médecine vétérinaire en région. La doyenne de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal a accepté de nous parler de la genèse du projet élaboré avec l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), alors qu'une aide financière de 627 946 $ est accordée par le gouvernement du Québec pour l’élaboration d’un dossier d’opportunité.
Pourquoi le projet de doctorat en médecine vétérinaire décentralisé à Rimouski est-il important pour contrer la pénurie de médecins vétérinaires en région?
Avant que je commence mon mandat de doyenne en juin 2018, il était déjà question d’augmenter la taille des cohortes pour s’attaquer à la pénurie de vétérinaires en région, mais je croyais qu’il fallait faire plus. Le modèle de formation décentralisée me semblait être une bonne piste de solution. L’Université de Montréal a d’ailleurs connu beaucoup de succès avec son programme délocalisé de médecine créé il y a une quinzaine d’années en collaboration avec l’Université du Québec à Trois-Rivières [UQTR]. L’American Veterinary Medical Association, de qui la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM reçoit son agrément, m’a aussi confirmé qu’il existait des programmes décentralisés en médecine vétérinaire aux États-Unis. C’était donc possible de le faire. Avec l’appui du recteur, Guy Breton à l’époque, j’ai demandé au Dr Jean Sirois, professeur et ancien doyen de la faculté, de m’aider à réaliser l’étude de faisabilité présentée au gouvernement.
Le manque de relève en médecine vétérinaire en région est-il très préoccupant?
Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec [MAPAQ] a produit le Portrait 2018 et 2019 des services vétérinaires dans le domaine bioalimentaire québécois pour les secteurs aviaire, bovin, caprin, ovin et porcin. Il en ressort que plusieurs médecins vétérinaires pratiquant auprès d’animaux d’élevage ont plus de 30 ans de carrière et les nouvelles diplômées et nouveaux diplômés sont très peu nombreux à choisir ce type de pratique. De plus, l’Association canadienne des médecins vétérinaires a récemment étudié les effectifs vétérinaires au Canada et plus particulièrement la relation entre l’offre et la demande de services vétérinaires. Les résultats de cette étude rapportent un consensus généralisé quant au manque de médecins vétérinaires au Canada et, parmi toutes les provinces canadiennes, le Québec est celle qui est la plus touchée. L’enjeu de la relève est donc présent dans toute la profession, en particulier pour les animaux d’élevage, mais également pour les animaux de compagnie.
Pourquoi la stratégie de délocaliser un programme est-elle si efficace pour contrer la pénurie en région?
Dans ma réflexion, j’avais posé la question à Raymond Lalande, qui était vice-doyen à la Faculté de médecine lorsque le doctorat de 1er cycle en médecine a été délocalisé à l’UQTR. Il m’a expliqué que c’est la somme de plusieurs facteurs. Notamment, il y a le fait que les étudiants et étudiantes vivent dans les régions pendant leur formation, donc qu’ils en voient les attraits. Puis, si une personne étudie en région, elle peut rencontrer un conjoint et vouloir y rester par la suite.
Pourquoi avoir choisi l’UQAR?
D’abord, parce que le Bas-Saint-Laurent est une région désignée comme fragile par le MAPAQ en matière de relève vétérinaire. Ensuite, nous voulions une région où est implantée une université qui a de bonnes relations avec l’UdeM. Il fallait aussi une région où suffisamment de médecins vétérinaires exercent pour qu’ils puissent recevoir les étudiants et étudiantes en stage. Enfin, la région a plusieurs autres établissements d’intérêt, comme le Cégep de La Pocatière, qui offre le programme de techniques de santé animale, et l’Institut de technologie agroalimentaire du MAPAQ, également à La Pocatière. On trouve en outre l’Institut Maurice-Lamontagne, à Mont-Joli, qui est spécialisé dans les sciences des océans et la gestion des écosystèmes aquatiques, ce qui est intéressant pour nos chercheurs et chercheuses. L’UQAR a d’ailleurs une grande expertise en biologie marine et en faune terrestre du Grand Nord. Cela nous permettra de concevoir des cours à option dans le programme de médecine vétérinaire et d’ouvrir de nouvelles collaborations pour notre personnel de recherche.
Comment se déroulera la formation?
Les trois premières années se dérouleront à Rimouski avec une bonne proportion de cours donnés en classe par des enseignants et enseignantes de l’UQAR et par d’autres de l’UdeM qui choisiront de se rendre sur place. D’autres cours se donneront en ligne. La pandémie a permis de nous exercer! Il y a toujours de l’interaction entre les groupes dans les cours en ligne et les travaux d’équipe se feront en mélangeant les groupes rimouskois et montréalais. Des activités sont aussi prévues pour permettre aux deux cohortes de se rencontrer en personne. Ainsi, lorsque les étudiants et étudiantes de Rimouski arriveront à Saint-Hyacinthe pour leur quatrième année afin d’utiliser les installations cliniques, ils auront déjà établi des liens avec leurs collègues de la même promotion. La cinquième année sera constituée de stages cliniques dont au moins la moitié se feront auprès de médecins vétérinaires de régions désignées par le MAPAQ comme fragiles, soit le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay‒Lac-Saint-Jean, l’Abitibi-Témiscamingue, la Gaspésie‒Îles-de-la-Madeleine, l’Outaouais et la Côte-Nord.
Quelle année visez-vous pour lancer le programme?
Le rapport de l’étude de faisabilité sera remis au gouvernement cet automne, alors il faudra voir comment il sera reçu. Nous sommes optimistes, puisque jusqu’à maintenant l’étude se passe bien. Avant la COVID-19, nous pensions pouvoir accueillir la première cohorte à l’automne 2022, mais il faudra voir dans le contexte à quelle vitesse les prochaines étapes pourront aller de l’avant.