Adèle Saives: de la salle de cours à l’hôpital… en pleine pandémie

Adèle Saives

Adèle Saives

En 5 secondes

La diplômée en sciences infirmières Adèle Saives se souviendra longtemps de sa première journée de travail, en plein cœur de la crise de la COVID-19.

Des bébés malades qui ont besoin d’attention 24 heures sur 24 et des parents qui se sentent complètement dépassés, Adèle Saives en a vu des dizaines défiler à l’unité des soins intermédiaires de néonatologie du CHU Sainte-Justine. 

«Ici, on a beaucoup d’enfants entre la vie et la mort. Certains ne parviennent pas à s’alimenter de façon autonome ou ont de la difficulté à respirer; ils ont besoin d’oxygène en continu. Tout cela est stressant pour les parents», explique cette diplômée en sciences infirmières qui a entamé sa carrière en milieu médical le 12 mai dernier. 

La femme de 23 ans compte parmi les 474 finissantes et finissants de la Faculté des sciences infirmières (FSI) de l’Université de Montréal dont le passage des bancs d’école au travail infirmier s’est effectué dans l’urgence, en pleine crise pandémique. 

S’occuper de quatre bébés qui requièrent des soins en permanence est très exigeant. Adèle Saives lave les poupons, donne le biberon, change les couches, administre les médicaments. Elle voit aussi à l’évaluation de l’état respiratoire, fait des prises de sang, calcule les solutés en intraveineuse, surveille les signes vitaux et paramètres des bébés afin de corriger rapidement toute anormalité, vérifie le matériel de sécurité dans le cas où des manœuvres de réanimation devraient être pratiquées. 

Sans compter les nombreuses discussions avec l’équipe médicale et l’enseignement aux familles. Avec les règles sanitaires qu’impose en outre la COVID-19, n’importe qui serait saisi de vertige. Pas la jeune infirmière. 

«C’est marquant de se retrouver avec une clientèle aussi vulnérable et malade. J’ai le sentiment de faire du bien aux bébés et d’aider les familles. C’est valorisant», dit-elle. Titulaire d’un baccalauréat en neurosciences (2017), cette fille dont le grand-père paternel était chirurgien a l’habitude de foncer dans la vie. «Elle a une énergie impressionnante», fait valoir son amie Ariane Allard, aussi récemment diplômée de la FSI. 

Baptême du feu

Dans la nuit du 11 au 12 mars 2020, Adèle Saives commence un stage en hémato-oncologie, la dernière formation qui lui permettra d’acquérir les habiletés nécessaires pour l’obtention de son diplôme d’infirmière. Le lendemain matin, au moment de se préparer pour sa deuxième journée, elle reçoit un courriel de la faculté: tous les stages sont en suspens jusqu’à nouvel ordre. 

Avec Mathieu-Raymond Tremblay, président de l’Association des étudiantes et étudiants de la FSI, elle veille au relais des informations. Elle assumait déjà avant la crise les tâches de coordonnatrice aux affaires académiques à l’Association. «Nous étions constamment en téléconférence avec la vice-doyenne, Marjolaine Héon. Toutes les semaines, elle nous tenait au courant de ce qui se passait, s’informait de nos besoins et s’assurait que les décisions prises à l’échelle facultaire répondaient aux inquiétudes de tout le monde. C’est une chance inouïe d’avoir eu une vice-doyenne qui nous a impliqués autant dans le processus décisionnel», affirme Adèle Saives. 

À l’annonce du gouvernement invitant les futurs infirmiers et infirmières à venir aider le personnel soignant dans les zones chaudes, la faculté a réagi illico. Des modalités compensant le stage final ont fait en sorte que les étudiants et étudiantes ont pu obtenir leur diplôme et aller travailler le plus rapidement possible dans les hôpitaux. Le stage final a ainsi été remplacé par des heures de formation en ligne, des travaux pratiques réflexifs et une recension des écrits. «Dès mars, presque tous les étudiants de la faculté avaient un poste qui les attendait», déclare-t-elle. 

Lorsqu’elle a entamé son travail en néonatologie, la diplômée admet que, les premiers jours, elle manquait d’organisation. «J’avais tendance à courir en fin de journée pour mettre à jour tous mes dossiers, m’assurer que la couche des bébés avait été changée, que tous avaient eu leur biberon… On ne doit rien laisser à l’infirmière qui prend la relève»! mentionne-t-elle. 

Au fil des jours et des semaines, elle apprend à se faire au rythme de ses obligations à l’hôpital et aux imprévus quotidiens. «Heureusement, je suis très bien accompagnée», indique-t-elle. Alexandra Lebel, une infirmière clinicienne formée à l’UdeM, est à ses côtés pour l’épauler et faciliter son intégration. La FSI avait pris soin de communiquer avec les milieux hospitaliers pour s’assurer que l’accompagnement serait adapté compte tenu de la situation exceptionnelle, souligne la jeune femme d’origine française qui a grandi au Québec. 

Puis, la vie «normale» a commencé à reprendre le dessus. Adèle Saives rencontre ses amies et amis, des collègues diplômés de la faculté avec qui elle travaille, et elle a recommencé ses entraînements à la salle de musculation du CEPSUM. Elle a aussi retrouvé son équipe de football australien du Québec (mélange de rugby et de football américain), un sport qu’elle pratique depuis quatre ans. «On a adapté les entraînements de sorte qu’il n’y a pas de contacts pour le moment et le matériel est soigneusement désinfecté.» 

Certains membres de son entourage sont encore quelque peu inquiets du fait qu’elle travaille en milieu hospitalier. Ils préfèrent éviter de la voir, craignant d’être infectés par le coronavirus. La travailleuse de la santé comprend leur inquiétude, mais pour rien au monde elle ne changerait de travail. «Je suis très heureuse avec mes bébés!»